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plus-iconL’économie russe

L’économie russe, dépendante du pétrole, vacille à mesure que les sanctions mordent, selon des experts

Une analyste de marché souligne que la santé budgétaire de la Russie et la stabilité du rouble sont étroitement liées aux variations du prix du brut.

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Le Premier ministre russe Vladimir Poutine ouvre une vanne lors de l’inauguration de la section russe de l’oléoduc Russie–Chine, dans l’oblast de l’Amour, le 29 août 2010.

Photo: Alexey Druzhinin/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 10 Min.

Le président américain Donald Trump a annoncé, le 22 octobre, de nouvelles sanctions contre la Russie visant ses deux plus grandes compagnies pétrolières, Rosneft et Lukoil.
Le lendemain, l’Union européenne a imposé de nouvelles mesures contre la « flotte fantôme » de Moscou, des banques, des entités de pays tiers et des prestataires de cryptomonnaies.
Ces sanctions s’inscrivent dans une stratégie concertée de l’administration Trump et de ses alliés européens pour faire pression sur le Kremlin et enrayer sa capacité à financer son appareil militaire, largement tributaire des exportations de pétrole et de gaz.
Donald Trump a annoncé, le 15 octobre, que l’Inde s’était engagée à cesser d’acheter du pétrole russe.
Le 21 octobre, le président a déclaré qu’il venait de s’entretenir avec le Premier ministre indien, Narendra Modi, et que « l’Inde n’allait pas acheter beaucoup de pétrole à la Russie ».
Maria Bertzeletou, analyste senior au sein du The Signal Group, précise à Epoch Times : « Le pétrole russe est devenu attrayant pour des pays comme l’Inde, principalement parce qu’il est vendu en dessous des cours internationaux, conséquence des sanctions occidentales et du plafonnement des prix par le G7, qui restreignent l’usage d’armateurs et d’assureurs occidentaux pour du brut russe vendu au‑delà d’un seuil fixé. »
Dès lors, quel impact ce tour de vis aura‑t‑il sur l’économie russe, et pourrait‑il entamer la détermination du pays à poursuivre la guerre en Ukraine ?

Le « choc » financier russe

« La Russie encaisse le choc financier de la guerre et des sanctions mieux que beaucoup de modèles occidentaux ne l’avaient prévu, mais elle n’est pas florissante », indique un porte‑parole de Dallas, société privée d’analyse et de renseignement qui a mis au jour des entreprises aidant Moscou à contourner les sanctions.
« Des prévisions confidentielles obtenues par Dallas auprès du ministère russe du Développement économique décrivent une trajectoire sombre jusqu’en 2027. Le Kremlin puise lourdement dans les caisses de l’État, augmente les impôts et réalloue l’investissement vers la production militaire pour maintenir l’économie à flot », poursuit‑il par courriel.
La porte‑parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a qualifié les sanctions contre Rosneft et Lukoil « d’exclusivement contre‑productives » lors d’un point de presse, le 23 octobre, rapporté par l’agence d’État Tass.
Elle a affirmé que les tentatives de l’UE pour sanctionner la Russie se retournaient contre elle et que les marges pour élargir encore les sanctions étaient « largement épuisées ».
Le porte‑parole de Dallas estime que le Kremlin fait tourner une « économie de guerre précaire, qui génère encore d’importantes recettes énergétiques, mais emprunte sur l’espace budgétaire futur pour financer les combats d’aujourd’hui ».
Le secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, a déclaré, le 22 octobre : « Il est temps d’arrêter les tueries et d’instaurer un cessez‑le‑feu immédiat. »
M. Bessent a ajouté que le Trésor était prêt à agir davantage, si nécessaire, pour appuyer l’effort de M. Trump en vue de mettre fin à la guerre.
En annonçant, le 23 octobre, le dernier paquet de sanctions, la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a souligné : « Il devient de plus en plus difficile pour [le président Vladimir] Poutine de financer sa guerre. Chaque euro que nous refusons à la Russie est un euro qu’elle ne peut pas consacrer à la guerre. »
La santé budgétaire de la Russie et la stabilité de sa monnaie, le rouble, sont directement corrélées aux mouvements du prix du brut, observe Mme Bertzeletou.
Un jour après un message sur Truth Social où M. Trump affirmait que Poutine et son pays « sont en grande difficulté économique », le président a déclaré, le 25 septembre, que « l’économie [russe] est absolument désastreuse en ce moment ».
Avec plus de 52 milliards de dollars d’importations de brut l’an dernier, l’Inde représente environ un tiers des exportations pétrolières de la Russie, dopées par une décote liée aux sanctions.
Mme Bertzeletou précise que les sanctions imposées depuis février 2022 — date de l’invasion de l’Ukraine — ont conduit le Kremlin à offrir son pétrole à prix réduit aux acheteurs non occidentaux pour maintenir les volumes exportés, « transférant de facto une partie du coût des sanctions dans des prix plus bas ».

Un pétrole russe « avantageux géopolitiquement »

Mme Bertzeletou ajoute : « D’autres facteurs — comme des mécanismes de paiement flexibles en monnaies non libellées en dollars et le recours à des solutions alternatives d’affrètement et d’assurance — renforcent encore l’attrait, faisant du pétrole russe une option rentable et avantageuse sur le plan géopolitique pour des pays comme l’Inde. »
Mais la pression exercée par l’administration Trump sur New Delhi a rendu ce pétrole russe moins bon marché aux yeux de M. Modi.
« Dans un délai court, ils n’achèteront plus de pétrole à la Russie », a déclaré M. Trump aux journalistes, dans le Bureau ovale, le 15 octobre.
Le prix du Brent a reculé de 101 dollars en février 2022 à 61 dollars le 20 octobre, avant de remonter légèrement après l’annonce des sanctions sur Rosneft et Lukoil.
« Les prix du pétrole baissent en raison d’une offre mondiale accrue des producteurs de l’OPEP+ tels que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, de la hausse de la production américaine de schiste, et de l’augmentation de l’offre de pays non‑OPEP comme le Brésil, la Norvège et le Guyana », explique Mme Bertzeletou.
Elle ajoute que le ralentissement de la demande mondiale — lié à une moindre activité économique en Chine, en Inde et dans l’Union européenne — et l’adoption accélérée des énergies renouvelables par de nombreux pays tirent également les prix vers le bas.
Résultat : la Fédération de Russie affiche un déficit budgétaire de 60 milliards de dollars sur les sept premiers mois de 2025.
Moscou a toutefois tissé un axe commercial avec d’autres pays également sous sanctions onusiennes, comme l’Iran et la Corée du Nord.
À cela s’ajoute la Chine, qui a noué des liens étroits avec Moscou ces dernières années, dans un climat d’antagonisme partagé envers les États‑Unis, le Royaume‑Uni et l’Union européenne.
Modi a rejoint la Chine et la Russie au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), tenu du 31 août au 1er septembre dans le port de Tianjin, au nord de la Chine.
Mais cet affichage de solidarité avec Vladimir Poutine et Xi Jinping semble s’être effrité face aux sanctions commerciales américaines. Le 27 août, Donald Trump a imposé un droit de douane additionnel de 25 % sur les importations en provenance d’Inde — portant le taux total à 50 % — en réponse aux achats indiens de pétrole russe.

Le président américain Donald Trump et le Premier ministre indien Narendra Modi (g) se rencontrent dans le Bureau ovale, le 13 février 2025. (Andrew Harnik/Getty Images)

Le porte‑parole de Dallas indique que la Russie a également mis sur pied un vaste réseau de contournement des sanctions, fondé sur une « armée d’intermédiaires » disséminés à travers le monde.
Mais, dans le même souffle, il souligne que « malgré des milliards tirés des exportations de pétrole, le Kremlin continue de puiser dans ses réserves ».
« Si ce n’est pas la preuve que les sanctions mordent, qu’est‑ce que c’est ? », ajoute‑t‑il.
Le Fonds national du bien‑être (NWF) — réserve de devises et d’or destinée à garantir les retraites publiques — disposait de 113,5 milliards de dollars d’actifs liquides début 2022, soit 7,3 % du PIB.
Cette réserve s’est toutefois érodée au rythme de 1,7 milliard de dollars par mois, selon lui.
En août, l’agence indépendante russe Interfax a rapporté que le NWF s’établissait à 48,3 milliards de dollars, soit 1,8 % du PIB.
Selon le porte‑parole de Dallas, au rythme de dépenses actuel, les actifs liquides de la Russie pourraient être épuisés d’ici fin 2026, ce qui expliquerait pourquoi le Kremlin a récemment annoncé un relèvement de la TVA de 20 % à 22 % l’an prochain.
Rien n’indique toutefois, à ce stade, que la douleur économique ait poussé Vladimir Poutine à infléchir sa trajectoire.