Opinion
Liens Chine-Russie-Iran-Corée du Nord : plus fragiles et moins déterminants économiquement qu’ils n’y paraissent
Quelles qu’en soient les implications géopolitiques, la portée économique et financière de cette coopération reste très insuffisante pour ébranler l’ordre international.

Des soldats russes, iraniens, chinois et nord coréens posent pour une photo devant une installation lors d’une exposition florale « Kimjongilia » célébrant le dirigeant défunt Kim Jong il, à Pyongyang (Corée du Nord), le 14 février 2019.
Photo: Ed Jones/AFP via Getty Images
Les médias ont largement commenté l’intensification de la coopération entre la Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord. Parfois qualifié « axe du tumulte » ou « CRINK » d’après leurs initiales, ce groupe peut présenter un défi diplomatique, géopolitique, voire militaire aux États‑Unis et aux relations internationales existantes.
Sur le plan économique et financier, toutefois, l’ensemble est bien moins cohésif et significatif qu’il n’y paraît, et certainement pas de nature à bouleverser les équilibres actuels, d’autant que la Chine, seule économie de taille du groupe, se montre de plus en plus prudente.
Il est exact que les échanges entre ces quatre économies ont nettement augmenté ces dernières années. Les statistiques demeurent lacunaires, ces régimes autoritaires fuyant la transparence. Les données disponibles indiquent une hausse d’environ 50 % du commerce intra‑groupe entre 2021 et 2023, dernière période pour laquelle on dispose de chiffres, même partiels.
Pour 2024, année aux données très incomplètes, le commerce total entre ces quatre économies atteint environ 280 milliards de dollars. Cela peut sembler élevé, mais cela représente à peine un tiers du commerce États‑Unis–Canada cette année‑là et environ un quart des échanges États‑Unis–Union européenne, soit guère plus de 1 % des 33.000 milliards de dollars de commerce mondial recensés par l’ONU. Autrement dit, ces flux sont loin d’être de nature à ébranler le commerce global.
Surtout, les échanges entre ces économies sont très déséquilibrés. Le schéma les fait moins ressembler à un bloc qu’à la Chine entourée de trois dépendances. Au sein du groupe, le commerce Russie–Chine domine. Avant l’invasion de l’Ukraine par Moscou en 2022 et les sanctions occidentales, la Russie était largement tournée vers l’Ouest, et le commerce bilatéral avec la Chine ne dépassait guère 150 milliards de dollars.
Depuis l’entrée en vigueur des sanctions, les exportations russes vers la Chine ont bondi d’environ 70 % — essentiellement de l’énergie — et les exportations chinoises vers la Russie ont progressé d’environ 60 %, surtout des biens à double usage civil et militaire (semi‑conducteurs, roulements, matériels de transport, produits chimiques, textiles).
Si ce basculement a rendu la Chine essentielle à la Russie, la réciproque n’est pas vraie : la Chine absorbe environ un tiers des exportations russes et fournit plus de la moitié de ses importations, tandis que la Russie ne représente qu’environ 6 % des importations chinoises et 3 % de ses exportations.
De plus, la majeure partie de cette réorientation commerciale reflétait un changement momentané dans les priorités de la Russie, qui s’est détournée de l’Occident pour se tourner vers la Chine. En 2025, la relation commerciale s’est même contractée, accusant, selon les douanes chinoises, un recul d’environ 9 % depuis le début de l’année. La Russie a en outre perdu du terrain comme fournisseur d’énergie de la Chine, derrière l’Arabie saoudite et l’Iran.
Les données concernant le reste du « CRINK » sont limitées. Pékin et Téhéran ont conclu un accord de 25 ans aux termes duquel la Chine s’engage à reprendre un peu moins de la moitié de la production pétrolière iranienne. En dehors de ce cadre, le commerce Chine–Iran demeure modeste et a même reculé d’environ 20 % depuis 2022.
La Russie et l’Iran, tous deux exportateurs d’énergie, commercent peu entre eux. Moscou vend à Téhéran des produits forestiers et des machines, tandis que l’Iran fournit à la Russie des textiles, des drones et des roquettes pour la guerre en Ukraine.
Le commerce de la Chine avec la Corée du Nord reste insignifiant à l’échelle mondiale, Pékin ayant soutenu les sanctions onusiennes de 2017 liées au programme nucléaire nord‑coréen. Et si la Russie maintient des échanges avec Pyongyang, les volumes demeurent négligeables au regard du commerce mondial.
Autre facteur limitant la portée de cet ensemble : Pékin affiche une prudence croissante dans ses échanges et coopérations avec Moscou, Téhéran et Pyongyang, en particulier sur l’investissement transfrontalier. Certes, l’accord de janvier 2025 avec Téhéran prévoit des investissements chinois dans les infrastructures énergétiques iraniennes, mais, au‑delà, la Chine garde les cordons de la bourse serrés. Notamment, elle n’a pas, à ce stade, soutenu le second gazoduc « Force de Sibérie » (PoS‑2) et montre une réticence comparable à investir plus largement en Russie.
Les quatre pays ont cherché à s’affranchir des circuits de paiements en dollars. La Russie, par exemple, a accru d’environ 17 % l’usage du yuan pour ses paiements transfrontaliers ces dernières années. Présentée parfois comme une tentative de détrôner le dollar — monnaie de réserve internationale —, cette préférence reste loin de menacer la primauté du billet vert et s’apparente surtout à une manière d’éviter les dispositifs en dollars tels que le SWIFT, où les transactions sont traçables et dont la Russie est en grande partie exclue depuis le début de la guerre en Ukraine.
En somme, si les relations au sein de cet « axe du tumulte » peuvent poser des défis géopolitiques, diplomatiques ou militaires de premier plan, la menace est nettement moindre sur le terrain économique et financier. Le groupe ne pèse ni assez dans le commerce mondial des biens et services, ni dans les flux de devises, pour ébranler sérieusement les équilibres en place.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Milton Ezrati, auteur, est collaborateur de la rédaction de The National Interest, une filiale du Centre d'études sur le capital humain de l'université de Buffalo (SUNY), et économiste en chef de Vested, une société de communication basée à New York. Avant de rejoindre Vested, il a été chef de la stratégie de marché et économiste pour Lord, Abbett & Co. Il écrit également fréquemment pour le City Journal et blogue régulièrement pour Forbes.
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