Opinion
La Chine souffre des restrictions américaines sur les exportations de puces
Les interdictions américaines visant les semi conducteurs de pointe pénalisent la Chine et font écho aux menaces de Pékin de couper l’accès aux terres rares, mais, dans les deux cas, ces leviers devraient à terme être contournés.

Un employé inspecte des semi conducteurs dans une usine de Binzhou, dans la province du Shandong, dans l’est de la Chine, le 15 janvier 2025.
Photo: STR/AFP via Getty Images
Le président Donald Trump a adopté et continue de faire appliquer l’interdiction, décidée sous Joe Biden, de vendre à la Chine des semi‑conducteurs avancés et des équipements de fabrication de puces. Si, au départ, cet embargo pouvait passer pour un geste essentiellement politique, les informations en provenance de Chine laissent désormais penser que cette politique commence à faire réellement sentir ses effets.
Les pénuries de puces ont ralenti l’ensemble du développement technologique chinois, en particulier dans l’intelligence artificielle (IA). Cette situation réjouira ceux qui souhaitent freiner l’ascension technologique de Pékin, mais, à l’image du quasi‑monopole chinois sur les terres rares, ce levier de pression ne durera qu’un temps : la Chine, comme les États‑Unis, mettra au point des parades pour faire face aux ruptures d’approvisionnement, et des solutions technologiques finiront sans doute par neutraliser ces deux atouts.
Pour l’instant, la Chine souffre. Les pénuries de semi‑conducteurs de pointe sont devenues si aiguës que le régime de Pékin a pris le contrôle de la distribution du premier fabricant national de puces, Semiconductor Manufacturing International Corporation. Sans surprise, Pékin a donné la priorité à Huawei Technologies, le champion national du secteur, tandis que les autres groupes technologiques chinois se livrent une concurrence féroce pour accéder aux processeurs avancés. Ces tensions ont même contraint la vedette de l’IA DeepSeek à repousser, plus tôt cette année, le lancement de son dernier modèle.
Les autorités chinoises et le monde des affaires cherchent naturellement des moyens d’alléger cette pression et de rattraper les capacités de production contrôlées par les États‑Unis. La route sera longue : selon des sources officielles, la Chine ne représente aujourd’hui qu’environ 25 % des capacités mondiales de production de puces, tous types confondus, et une part bien moindre pour les puces de pointe.
D’après l’Institute for Progress, même ce pourcentage officiel surestime la réalité. En l’état, ce niveau de production reste inférieur aux besoins internes et se situe très loin de la puissance industrielle que reflètent les contrats donnant une position dominante, à l’échelle mondiale, au géant américain Nvidia et, bien sûr, à la capacité, plus vaste encore, de Taïwan.
Le rattrapage chinois sera d’autant plus ardu que Washington, en plus de bloquer la vente de puces avancées à la Chine, interdit également l’exportation des équipements nécessaires à leur fabrication, au premier rang desquels les machines de lithographie à ultraviolet extrême (EUV).
Rien n’indique, par ailleurs, que Washington soit prêt à assouplir ce régime de sanctions. Nvidia, soucieux des revenus qu’offrirait le marché chinois, a beau avoir dépensé des millions de dollars en lobbying auprès du Congrès et de la Maison‑Blanche pour obtenir un allègement des restrictions, l’administration américaine n’a pas bougé et a même bloqué la vente à la Chine de la puce d’IA H20, pourtant moins puissante. Il est significatif, à cet égard, que lorsque Donald Trump a récemment rencontré le dirigeant chinois Xi Jinping à Busan, en Corée du Sud, lors du sommet de la Coopération économique Asie‑Pacifique (APEC), l’interdiction américaine n’ait pas attiré l’attention.
Sans surprise, Pékin tient à lever cet obstacle que constituent les pénuries de puces pour le développement technologique chinois. Pour stimuler l’effort national, les autorités ont interdit l’utilisation, sur le territoire chinois, des puces Nvidia déjà existantes. En l’absence de semi‑conducteurs de pointe, les entreprises technologiques chinoises ont mis au point des méthodes permettant d’assembler plusieurs puces plus anciennes et moins puissantes afin d’obtenir la capacité de calcul nécessaire aux applications d’IA et aux autres technologies avancées. Ce contournement a, bien entendu, fait exploser la demande de puces de conception plus ancienne, accentuant encore la pression sur les capacités de production domestiques.
L’accès aux fournisseurs américains de ces puces plus anciennes n’est, au moins, pas interdit, même si cette solution se révèle moins efficace que l’utilisation de puces avancées et plus sujette aux erreurs, des handicaps qui ont eux aussi freiné le progrès technologique chinois.
Entre les interdictions américaines visant les semi‑conducteurs, d’un côté, et les menaces chinoises de perturber l’approvisionnement en terres rares, de l’autre, chaque camp semble disposer d’une véritable « carte maîtresse » contre l’autre dans cette guerre commerciale. Les deux pays doivent toutefois garder à l’esprit que leur adversaire déploie tous les moyens possibles pour contourner les limites imposées ou brandies. Le parallèle est frappant, et non sans ironie : plus l’un actionne le levier dont il dispose, plus vite et plus résolument l’autre s’emploiera à en annuler les effets. Il y a fort à parier que, d’ici un à deux ans, ni l’un ni l’autre n’aura conservé un réel pouvoir de pression.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Milton Ezrati, auteur, est collaborateur de la rédaction de The National Interest, une filiale du Centre d'études sur le capital humain de l'université de Buffalo (SUNY), et économiste en chef de Vested, une société de communication basée à New York. Avant de rejoindre Vested, il a été chef de la stratégie de marché et économiste pour Lord, Abbett & Co. Il écrit également fréquemment pour le City Journal et blogue régulièrement pour Forbes.
Articles actuels de l’auteur
02 décembre 2025
L’économie chinoise au ralenti devrait encore décélérer en 2026









