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plus-iconQuand « moins » fait davantage sens

Avant le minimalisme, il y avait les moines

Le minimalisme d’aujourd’hui n’invente ni le silence, ni la sobriété, ni l’intention. Il les retrouve. Dans les ermitages et les abbayes, des générations de moines faisaient déjà du dépouillement un engagement concret — plus spirituel que stylistique, plus existentiel que tendance.

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Les traditions monastiques enseignent depuis longtemps que posséder moins de biens permet de libérer l'esprit et le cœur pour des aspirations plus élevées.

Photo: hamadalzaabi/Shutterstock

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Durée de lecture: 10 Min.

Le minimalisme moderne cherche à faire contrepoids à la culture consumériste, à cultiver l’attention de l’instant et à reconquérir de l’espace – mental comme physique –, du calme et de l’intention. Beaucoup de personnes ont aujourd’hui le sentiment que leur vie est encombrée d’objets, de bruit et d’agitation. Elles aspirent à une existence plus riche de sens, fondée sur une plus grande simplicité, se délester du rythme effréné de la vie moderne, se libérer du superflu qui l’accable afin de se concentrer sur l’essentiel.

Une multitude de livres ont envahi les librairies, prétendant montrer comment vivre plus pleinement en adoptant la simplicité. Parmi eux, The Life-Changing Magic of Tidying Up : The Japanese Art of Decluttering and Organizing (La Magie du rangement : L’art japonais du rangement) de Marie Kondo, vendu à plus de 10 millions d’exemplaires. Pourtant, comme le souligne Heidi Deddens dans un article pour Comment Magazine, l’art japonais du rangement décrit par Marie Kondo va bien au-delà d’une simple maison bien rangée.

L’auteure écrivait : « Ranger n’est pas le but de la vie. Mettre de l’ordre dans sa maison aide à trouver la mission qui nous tient à cœur. La vie commence véritablement après avoir mis sa maison en ordre. »

Heidi Deddens a justement souligné qu’au cœur du minimalisme réside une aspiration spirituelle, un désir de se départir du superflu pour découvrir le sens et l’épanouissement intérieur, la source pure de la vie. Par cette quête fondamentale de liberté spirituelle et par les moyens concrets mis en œuvre pour l’atteindre (limiter les possessions, embrasser le silence et la simplicité, pratiquer la pleine conscience), le minimalisme s’apparente à une tradition bien plus ancienne : le monachisme.

« Le minimalisme, défini comme un art de vivre avec moins, n’a rien d’un phénomène nouveau, souligne Heidi. Il existe depuis des siècles, sous des appellations variées, le plus souvent associé aux traditions monastiques du christianisme, du bouddhisme et d’autres religions. »

Se délester de possessions peut libérer de l’espace pour plus de clarté, de concentration et une vie intérieure plus riche de sens. (imaginima/Getty Images)

Mystiques et monastiques

Dans la tradition chrétienne, le monachisme trouve son origine chez les Pères du désert, ces premiers chrétiens saisis d’une soif spirituelle intense que même une vie chrétienne ordinaire au sein de la société ne pouvait étancher. Guidés par cet appel invisible, ils se retiraient dans le désert, abandonnant famille, gloire et fortune pour se consacrer à Dieu dans le silence et la simplicité. En certains lieux, des communautés d’hommes et de femmes partageant les mêmes aspirations se sont formées pour vivre ensemble cette vie religieuse. « Le paysage aride du désert offrait un cadre idéal à leur mode de vie ascétique, où rien – ni l’agitation de la vie citadine, ni la tentation des biens matériels – ne pouvait les détourner de leur adoration de Dieu », écrit Mme Deddens.

Depuis des siècles, la vie monastique offre une alternative à la société qui valorise le statut social, la réussite et l’acquisition de biens. (Atelier2J/Shutterstock)

Cinq siècles plus tard, s‘inspirant de la tradition des Pères du désert, saint Benoît de Nursie a renouvelé et façonné la tradition monastique occidentale aux Ve et VIe siècles. La Règle de saint Benoît est devenue un guide pour d’innombrables monastères et pratiques monastiques à travers les siècles. Le texte fondateur de Benoît est remarquable par sa concision et sa simplicité, sans oublier sa profonde réflexion spirituelle sur la façon dont l’accumulation de possessions anesthésie l’âme : « Sans l’ordre de l’abbé, nul ne peut prétendre donner, recevoir ou conserver quoi que ce soit en son nom propre, absolument rien — ni livre, ni tablettes, ni stylet — en somme, pas un seul objet », écrit Benoît, « d’autant plus que les moines ne peuvent disposer librement de leur propre corps ni de leur propre volonté. Pour leurs besoins, ils doivent s’adresser au père du monastère et rien de ce que l’abbé n’a donné ou autorisé ne leur est permis.» Un minimalisme pour le moins extrême.

Les préceptes de saint Benoît, empreints de retenue et de simplicité, ont façonné des siècles de pratique monastique. (Nastasic/Getty Images)

En quête d’une existence plus spirituelle, les minimalistes modernes ont redécouvert, presque par hasard, des pratiques monastiques millénaires ; toutefois, dans la culture populaire, ces pratiques sont dépouillées de leur dimension religieuse explicite. Les moines ont depuis longtemps compris le paradoxe du « moins, c’est plus », et que la clarté d’esprit et de cœur s’accroît à mesure que l’on se débarrasse du superflu.

Un exemple éloquent de la convergence entre minimalisme et vie monastique se trouve chez Monk Manual, une entreprise spécialisée dans les carnets et agendas. Leurs produits adoptent une esthétique minimaliste, alliant des stratégies de productivité modernes et scientifiquement validées à la sagesse monastique ancestrale d’une vie simple et consciente. La page « Mission » de l’entreprise affirme : « Les moines sont les personnes les plus productives au monde. Ils savent que la productivité ne consiste pas à faire plus de choses, mais à bien faire les choses les plus importantes et à éliminer le reste. »

La page contient une citation du célèbre moine Thomas Merton : « On peut passer sa vie entière à gravir les échelons du succès pour s’apercevoir, une fois arrivé au sommet, que l’échelle est appuyée contre le mauvais mur.» Voilà le genre de chose qu’on pourrait lire sur un blog minimaliste moderne.

Minimalistes d’aujourd’hui

Becca Ehrlich, une minimaliste chrétienne convaincue, estime que les moines ont beaucoup à apprendre aux personnes intéressées par le minimalisme. Sur son blog, elle cite le site web du monastère de la Sainte-Croix : « La vie monastique offre une alternative à l’importance accordée par la société au statut social, au consumérisme et à l’accumulation de biens, ainsi qu’à l’idée que notre valeur personnelle ne se mesure pas à notre réussite, à ce que nous faisons, produisons ou possédons.»

Elle énumère ensuite des leçons spécifiques que nous pouvons tirer de la tradition monastique :
« Tout comme je l’ai appris des moines durant ces jours de silence, nous pouvons apprendre d’eux et intégrer certains aspects de leur mode de vie au nôtre. Nous pouvons cesser de nous focaliser autant sur l’accumulation : de biens matériels, de reconnaissances sociales, de symboles de réussite. Nous pouvons veiller à ce que les membres de notre communauté immédiate aient de quoi se nourrir, se vêtir et subvenir à leurs besoins. Nous pouvons nous concentrer sur l’amour de Dieu et l’amour du prochain. »
Le minimalisme semble partager de nombreux points communs avec la tradition monastique, et le mouvement peut tirer profit de la sagesse ancestrale de ceux qui vivent de façon minimaliste depuis bien avant que ce ne soit à la mode. Cependant, une différence importante subsiste entre le minimalisme dominant et le monachisme : le monachisme repose sur un engagement religieux précis, une foi concrète, tandis que le minimalisme est vaguement spirituel (voire pas du tout). Heidi Deddens a même affirmé : « Pourtant, bien que [les minimalistes] reconnaissent que posséder des objets ne nous rendra pas heureux, ils ne semblent pas saisir pleinement ce qui le fera. Le fil conducteur de leurs enseignements, quelles que soient la diversité de leur langage ou de leurs méthodes, est cette focalisation erronée sur la découverte et l’expression de soi. »

Les pratiques de solitude et de contemplation demeurent essentielles à la fois à la sagesse monastique et aux aspirations minimalistes modernes. (Olga Pankova/Getty Images)

La question de savoir si le minimalisme, à lui seul, peut apporter le bonheur et l’épanouissement qu’il promet dépasse le cadre de cet article. Ce que nous savons, c’est que la vulgarisation scientifique et culturelle moderne aboutit à des conclusions similaires à la sagesse religieuse antique. Pour réaliser pleinement notre potentiel humain, nous avons besoin de moins, et non de plus. Lorsque la sagesse ancestrale et les découvertes modernes convergent, il est bon de ralentir et d’écouter.
Walker Larson enseigne la littérature et l'histoire dans une académie privée du Wisconsin, où il réside avec sa femme. Il est titulaire d'une maîtrise en littérature et langue anglaises, et ses écrits sont parus dans The Hemingway Review, Intellectual Takeout, et dans son Substack, "TheHazelnut".

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