Logo Epoch Times
plus-iconFoi et chevalerie

L’adoubement du chevalier, une initiation sacrée

Bien avant de monter à cheval et de brandir l’épée, le futur chevalier devait passer par une épreuve spirituelle. Dans la nuit et la prière, l’écuyer s’offrait à Dieu avant d’être adoubé, symbole d’une chevalerie où la foi guidait la force.

top-article-image

Tapisserie de Bayeux, scène 57 : La mort du roi Harold à la bataille d’Hastings. Brodé dans les années 1070, la tapisserie de Bayeux représente certains des premiers chevaliers européens.

Photo: Domaine public

author-image
Partager un article

Durée de lecture: 8 Min.

Dans le silence au milieu de la nuit, devant un autel et une icône, à la lueur vacillante des cierges sur la pierre froide, un homme s’agenouille. Sur l’autel reposent ses armes : leur disposition symbolise qu’elles appartiennent à Dieu et qu’elles doivent servir la justice, la vérité et l’honneur. L’écuyer prie longuement, implorant la force nécessaire pour accomplir sa vocation de chevalier. Lorsque les premières lueurs de l’aube percent le ciel, il sait que le moment de son passage à la chevalerie approche.

Un rituel au cœur de l’idéal chevaleresque

Les cérémonies entourant la création d’un chevalier reflétaient les idéaux les plus élevés du Moyen Âge. Certes, les chevaliers n’incarnaient pas toujours ces idéaux, mais ces rituels révèlent la vision du monde de l’époque et la place qu’y occupait le gentilhomme combattant.

Saint Georges et le Dragon , vers 1456, par Paolo Uccello. National Gallery, Londres. La vie des chevaliers comportait une dimension spirituelle, comme en témoigne l’histoire de Saint Georges et du Dragon. (Domaine public)

Du guerrier franc au chevalier chrétien

Les rituels d’adoubement exprimaient la notion de chevalerie : un cadre moral et spirituel par lequel la société médiévale tentait d’harmoniser la guerre avec la foi et la civilité. Le concept est né en France vers le Xe siècle, lorsque l’Église catholique cherchait à canaliser la violence des Francs, pour qui la fureur guerrière demeurait un mode de vie.

Étymologiquement, le mot « chevalerie » vient du français chevalier, désignant un guerrier à cheval. Les Francs faisaient grand usage des chevaux au combat ; seuls les riches pouvaient en posséder un et le monter sur le champ de bataille. Ainsi, la chevalerie s’est liée progressivement à la noblesse.

À cette élite martiale, le christianisme proposait un code d’idéaux nobles destiné à orienter leur nature violente vers la défense de la chrétienté plutôt que sa destruction. Dans sa forme la plus pure, la chevalerie offrait une voie de sainteté à ceux dont la vocation était guerrière. Le véritable chevalier chrétien devait poursuivre la vertu avec autant d’ardeur qu’un moine.

Comme le moine, il recevait une règle de vie : l’Ordre ou le Code de la Chevalerie. Le chevalier devait défendre les droits de Dieu et de l’Église, protéger les faibles, combattre le mal et vivre dans la loyauté envers son seigneur ou son roi.

La foi comme champ de bataille

Même si les tensions demeuraient entre la brutalité du champ de bataille et le code moral du chrétien — sans parler des manquements fréquents des chevaliers à leurs propres principes —, l’idéal chevaleresque enseignait que la guerre pouvait être menée avec vertu, honneur et au service de Dieu et des hommes. En temps de paix, les chevaliers jouaient aussi un rôle essentiel : rendre la justice, administrer leurs terres et servir leurs suzerains.

Dans cette illustration extraite d’un ouvrage de 1870 sur la vie au Moyen Âge et à la Renaissance, ce chevalier de l’époque de la Renaissance porte une armure complète ; son cheval est également richement décoré. (Domaine public)

Cette conception religieuse et rituelle de la chevalerie explique pourquoi l’adoubement était considéré comme un véritable sacrement. En effet, les écuyers se préparant à l’adoubement prenaient un bain et revêtaient des vêtements blancs, symbolisant la purification du péché et la pureté de cœur avec laquelle le jeune homme abordait sa vocation. Ce rituel rappelait fortement le baptême.

La veille d’armes : une épreuve de solitude

Le chevalier catalan chevalier Ramon Llull, au XIIIe siècle, a décrit en détail l’adoubement. Il se tenait souvent lors des grandes fêtes chrétiennes, pour placer le nouveau chevalier sous la protection de la prière collective.
« L’honneur de la fête rassemblera ce jour-là de nombreux hommes en ce lieu […] et tous prieront Dieu pour l’écuyer », écrivait-il. La veille de l’adoubement, l’écuyer veillait dans une chapelle, priant et gardant ses armes : la célèbre veille de chevalier.

Cette étape soulignait la consécration du chevalier à Dieu, tout en attestant de sa capacité à endurer la solitude et l’épreuve. Puisqu’il allait défendre le royaume et l’Église, il était logique que sa dernière préparation consistât à veiller pendant que les autres dormaient.

Un engagement moral et religieux

Ramon Llull insistait sur la pureté d’esprit nécessaire à l’entrée dans la chevalerie. « Si [un écuyer] écoute des jongleurs qui chantent et parlent de luxure et de péché, dès le premier instant où il rejoindra l’Ordre de la Chevalerie, il aura commencé à déshonorer et à mépriser l’Ordre. »

Après la nuit de veille, l’écuyer assistait à la messe. Pour Ramon Llull, le fait que l’adoubement s’inscrivait dans la liturgie soulignait son caractère sacré. Le futur chevalier s’approchait de l’autel et prêtait serment à l’Ordre de la Chevalerie, promettant d’en respecter le code.

Suivait un long sermon, rappelant au nouveau chevalier les fondements de la foi chrétienne et leur lien avec sa vocation. Enfin, un prêtre ou un noble procédait à l’investiture : l’écuyer s’agenouillait de nouveau, les yeux et le cœur tournés vers Dieu. Pendant sa prière, le noble ou le prêtre le ceignait de son épée et lui donnait une légère tape sur la joue du plat de la lame. Ce geste constituait l’« adoubement », le seul coup que le chevalier devait recevoir sans riposter. Il lui rappelait les souffrances qu’il devait être prêt à endurer pour Dieu et son roi.

Une vision ordonnée du monde

Ces cérémonies traduisent la vision médiévale à la fois hiérarchique et religieuse, du cosmos, où chacun occupe une place précise. Pour le chevalier, cette place consistait à s’entraîner sans relâche afin de défendre tout ce qui, dans sa civilisation, demeurait bon, sacré et beau contre ceux qui cherchaient à le détruire.

God Speed! (Dieu vous garde) ! 1900, par Edmund Leighton. Bien que le Moyen Âge était révolu depuis longtemps lors de la création de ce tableau, les histoires d’amour courtois et de noblesse ont durablement marqué la culture européenne. (Domaine public)

Beaucoup trahirent cet idéal en cherchant leur propre profit, mais d’autres se sont efforcés de vivre selon la voie chevaleresque. Malgré leurs faiblesses, ce qu’ils aspiraient à incarner demeure un témoignage remarquable et unique parmi les philosophies militaires de l’histoire.
Walker Larson enseigne la littérature et l'histoire dans une académie privée du Wisconsin, où il réside avec sa femme. Il est titulaire d'une maîtrise en littérature et langue anglaises, et ses écrits sont parus dans The Hemingway Review, Intellectual Takeout, et dans son Substack, "TheHazelnut".

Articles actuels de l’auteur