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Sonia Dahmani libérée

Tunisie : libération de l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani

Sonia Dahmani, figure de l'opposition tunisienne et avocate de renom, retrouve la liberté ce jeudi après plus d'un an et demi derrière les barreaux. Selon son conseil, Maître Sami Ben Ghazi, cette libération conditionnelle fait suite à une décision du ministère de la Justice tunisien. Une nouvelle accueillie avec soulagement par les défenseurs des droits humains, bien que l'avocate de 60 ans demeure sous contrôle judiciaire.

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Rassemblement organisé par les avocats du barreau de Toulouse pour protester contre l'arrestation de leur collègue tunisienne Sonia Dahmani et de journalistes, devant le consulat à Toulouse, dans le sud-ouest de la France, le 16 mai 2024.

Photo: PAT BATARD/Hans Lucas/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 4 Min.

La santé défaillante de Mme Dahmani aurait pesé dans cette décision. Une expertise médicale récente révèle un état préoccupant : diabète, hypertension artérielle et dysfonctionnements thyroïdiens. Ces pathologies, aggravées par les conditions de détention, ont finalement convaincu les autorités d’accorder cette mesure de clémence.

Une arrestation spectaculaire qui a choqué

L’interpellation de Sonia Dahmani restera gravée dans les mémoires. Le 11 mai 2024, au siège même de l’Ordre des avocats à Tunis, des policiers masqués ont procédé à son arrestation musclée. Les images, diffusées en direct par France 24, ont fait le tour du monde et suscité l’indignation. Ses confrères ont unanimement dénoncé une opération brutale et illégale, symbole de la dérive autoritaire du régime.
Cette arrestation spectaculaire intervenait dans un contexte de répression accrue contre les voix critiques du président Kaïs Saied. L’avocate, connue pour ses chroniques sans concession, s’était attiré les foudres du pouvoir par ses prises de position courageuses sur les questions sensibles touchant la Tunisie.

Des condamnations controversées pour délit d’opinion

Le parcours judiciaire de Sonia Dahmani illustre l’usage détourné du décret présidentiel 54. Ce texte, promulgué en 2022 et ciblant les « fausses informations », est devenu l’instrument privilégié pour museler l’opposition. L’avocate fait face à cinq procédures distinctes, toutes liées à ses interventions médiatiques.
Sa condamnation la plus lourde – deux ans d’emprisonnement – sanctionnait ses propos radiophoniques dénonçant des pratiques discriminatoires envers les populations noires en Tunisie. Elle évoquait notamment l’existence de cimetières et de transports publics ségrégués dans certaines régions du pays. Une autre peine de 18 mois lui avait été infligée pour avoir ironisé sur l’attractivité supposée de la Tunisie auprès des migrants subsahariens, alors même que le pays traverse une crise économique majeure.

Le Parlement européen hausse le ton

La mobilisation internationale en faveur de Sonia Dahmani s’est intensifiée ces dernières semaines. Ce jeudi même, le Parlement européen adoptait une résolution cinglante. Les eurodéputés y expriment leur profonde inquiétude face à l’érosion continue de l’État de droit en Tunisie et réclament l’abolition du décret 54, qualifié d’outil répressif contre les libertés fondamentales.
Le texte européen dénonce explicitement la détention arbitraire de l’avocate et le harcèlement judiciaire systématique dont elle a été victime. Les parlementaires exigent la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers d’opinion tunisiens.

Une répression généralisée sous l’ère Saied

Le cas Dahmani s’inscrit dans une vague répressive plus large. Depuis le coup de force de juillet 2021, lorsque le président Saied s’est arrogé les pleins pouvoirs, des dizaines de voix dissidentes ont été réduites au silence. Opposants politiques, journalistes, avocats et militants associatifs croupissent en prison, poursuivis sous divers prétextes : décret 54, législation antiterroriste ou accusations de complot contre l’État.
Cette dérive autoritaire trouve un écho particulier dans les déclarations présidentielles de février 2023 sur les « hordes de migrants subsahariens » et un prétendu complot démographique. Ces propos avaient déclenché une vague de violence antimigrants à travers le pays, contexte dans lequel les interventions de Sonia Dahmani prenaient tout leur sens.
Avec AFP