Transferts de fonds des migrants
Transferts d’argent des immigrés : un déficit annuel de plus de 10 milliards pour l’économie française
Les sommes envoyées par les immigrés vivant en France vers leurs pays d'origine représentent un déficit croissant pour l'économie nationale. Selon une note de l'Observatoire de l'immigration et de la démographie, ce solde négatif a atteint 15,8 milliards d'euros en 2023, plaçant la France en tête des pays européens les plus déficitaires. Un phénomène qui soulève des questions économiques et budgétaires.

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Les personnes ayant immigré en France entretiennent fréquemment des liens financiers avec leurs proches demeurés dans leurs pays d’origine. Ces sommes d’argent versées sont appelées « transferts de fonds des migrants », rappelle l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID).
Entre 2009 et 2023, ces transferts d’argent ont représenté pour la France une perte cumulée de 155,5 milliards d’euros, selon les données disponibles sur Eurostat. Et chaque année, le solde négatif croît, passant annuellement de quelque 7 milliards en 2009 à plus de 15 milliards aujourd’hui.
La France, pays le plus impacté d’Europe
Dans le cas de l’Union européenne, la balance de ces transferts est amplement déficitaire, souligne l’OID. Si l’on tient compte des seuls transferts personnels, le déficit de l’UE s’élève à 36 milliards d’euros en 2023, dont 16 milliards d’euros pour la France, qui représente 44% du déficit européen à elle seule.
À l’échelle du continent, ce chiffre n’était que de 12,4 milliards d’euros en 2014 et a donc presque triplé depuis lors. « La crise migratoire commencée en 2015 a assurément contribué » à cette augmentation, selon la note de l’OID d’après Le Figaro.
La France constitue ainsi la première puissance exportatrice de fonds issus du travail sur son sol vers l’étranger en Europe, analyse l’IFRAP à partir des chiffres d’Eurostat. Le solde des envois d’argent de travailleurs à l’étranger représente -10,74 milliards d’euros en 2020 en France, contre -5,92 milliards d’euros en Allemagne ou -5,51 milliards en Italie.
En France, les flux financiers entrants ont diminué entre 2009 et 2020, passant de 770 millions d’euros à 250 millions d’euros, selon les données de la Banque de France. À l’inverse, les flux sortants ont fortement progressé de 6,3 milliards d’euros en 2009 à 11,22 milliards en 2020. Le solde des envois de fonds des travailleurs à l’étranger montre un déficit qui s’est considérablement alourdi, atteignant -10,97 milliards d’euros en 2020 contre – 5,53 en 2009.
L’Afrique du Nord, principale bénéficiaire
En 2023, le déficit français lié à ces sommes bénéficiait pour plus de la moitié (51%) au continent africain et plus précisément aux pays d’Afrique du Nord (41%), selon Eurostat. Viennent ensuite les autres pays européens (25%) puis l’Asie (18%). Le Maroc arrive largement en tête des pays récipiendaires avec 3,5 milliards d’euros en 2023, devant le Portugal (1,2), l’Espagne (1,1) ou la Chine (387 millions d’euros).
Problème majeur : Eurostat ne publie que partiellement le détail par pays. Les données ne sont disponibles que pour quatre pays africains, dont deux d’Afrique du Nord, le Maroc (22%) et l’Égypte (2%). En revanche, rien sur l’Algérie, pour qui la Banque mondiale se contente de recenser 1,7 milliard d’euros de transferts en 2023, sans préciser la provenance. Ces données sont donc « imparfaites et lacunaires, au regard de l’importance des transferts informels », précise l’OID.
19% des flux financiers non comptabilisés
Ces chiffres ne prennent pas en compte les transferts informels, qui échappent aux statistiques. Il peut s’agir des transferts d’argent liquide lors d’un voyage, ou de systèmes plus évolués tel que le « Hawala » (mandat ou virement en arabe), d’après Le Figaro.
Ce terme renvoie à un système occulte de transactions de fonds par le truchement de plusieurs intermédiaires. Une enquête Ipsos sur les transferts de la France vers l’Afrique relève que 19% des répondants ont eu recours à des réseaux informels (21% pour les transferts à destination du Maghreb), rapporte Le Figaro.
Ce système est notamment utilisé par les Algériens car le dinar algérien n’est pas convertible. « Il y a en réalité deux cours du dinar, le taux officiel et le taux parallèle, qui varie du simple au double », explique l’ancien ambassadeur à Alger, Xavier Driencourt. « Ce système repose sur la confiance : j’arrive d’Algérie avec des dinars, j’ai besoin d’euros. Je change donc, en espèces, mes dinars au taux parallèle (…) et j’obtiens des euros », avance l’ancien diplomate.
Un impact économique négatif
La Banque mondiale indique que les transferts vers les pays à revenu faible et intermédiaire jouent un rôle fondamental dans la lutte contre la pauvreté, mais leur effet immédiat sur l’économie nationale reste négatif car ces ressources quittent le territoire, selon Le Monde.
Les pays subissant cette ponction financière sont clairement perdants, du fait d’un impact négatif « sur la consommation, sur le produit intérieur brut et aussi sur les recettes fiscales », affirme l’OID. Les transferts de fonds des migrants «constituent ainsi un des facteurs de l’impact économique et budgétaire des politiques d’immigration».
Face à ce constat, l’OID avance plusieurs pistes : réduire les flux migratoires en provenance des pays les plus bénéficiaires, instaurer une taxe européenne sur les transferts de fonds à destination des pays tiers, à l’instar des États-Unis qui ont mis en place une mesure de ce type en juillet dernier, ou encore utiliser les transferts comme instrument diplomatique pour contraindre les pays d’origine à accepter la réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière.
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