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Les liens sino-iraniens en matière de missiles et la pérennité des réseaux tolérés par l’État chinois

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Un poster de l'usine d'enrichissement de combustible de Fordo est affiché après une conférence de presse avec le président de l'état-major interarmées, le général Dan Caine, et le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, au Pentagone, le 26 juin 2025, à Arlington, en Virginie.

Photo: Andrew Harnik/Getty Images

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Durée de lecture: 8 Min.

Karl Lee (également connu sous le nom de Li Fangwei) semble servir d’exemple de la volonté du régime chinois d’encourager la crise et l’instabilité mondiales, si cela sert les intérêts du Parti communiste chinois (PCC).
De par son rôle, M. Lee pourrait être l’un des acteurs les plus influents de la prolifération des armes de destruction massive. Dès le milieu des années 2000, les services de renseignement américains ont identifié M. Lee comme l’un des principaux fournisseurs de matériaux à double usage pour le programme de missiles balistiques iranien, une position qu’il aurait conservée pendant près de deux décennies grâce à un réseau de sociétés écrans, de pseudonymes et d’acteurs de substitution.
Le réseau de M. Lee resterait actif malgré une inculpation fédérale, le gel de ses avoirs et une récompense de 5 millions de dollars pour sa capture. Il est toujours en fuite en Chine, apparemment sous la protection informelle de l’État. Son cas illustre la résilience des réseaux de prolifération tolérés par les États et met en lumière les défis systémiques que pose leur lutte par des moyens juridiques et diplomatiques.
Inculpation du présumé associé de M. Lee
Le développement le plus récent et le plus révélateur s’est produit en 2023, lorsque le ministère américain de la Justice a rendu public un acte d’accusation contre Qiao Xiangjiang, également connu sous le nom de Joe Hansen, un ressortissant chinois qui aurait travaillé à l’époque pour Sinotech Dalian Carbon and Graphite Manufacturing Corporation, une société liée depuis longtemps au réseau de M. Lee.
Selon l’acte d’accusation, M. Qiao aurait eu recours à des sociétés écrans et à des institutions financières américaines pour contourner les sanctions américaines. Il était accusé d’avoir exporté vers l’Iran du graphite isostatique, un matériau essentiel à la production de cônes de missiles et de tuyères de roquettes, entre 2019 et 2022.
Sinotech Dalian Carbon a été sanctionné par le Bureau de contrôle des avoirs étrangers du Département du Trésor américain pour avoir agi comme société écran pour M. Lee et facilité l’approvisionnement en missiles balistiques de l’Iran.
Un réseau de prolifération
L’acte d’accusation de M. Qiao en 2023 remonte aux accusations portées contre M. Lee en 2014. Dans un acte d’accusation en huit chefs d’accusation déposé dans le district sud de New York, M. Lee a été accusé de complot en vue de violer la loi sur les pouvoirs économiques d’urgence internationale (IEEPA), de blanchiment d’argent, de fraude électronique et de contournement des sanctions.
Selon l’acte d’accusation, M. Lee aurait utilisé plus de 20 sociétés écrans pour dissimuler ses transactions avec l’Organisation des industries de défense (DIO) et l’Organisation des industries aérospatiales (AIO) iraniennes, toutes deux impliquées dans les programmes de missiles balistiques et d’armes nucléaires de l’Iran.
Les entreprises de M. Lee auraient notamment fourni des gyroscopes, de l’acier maraging, des alliages d’aluminium de haute qualité et du graphite spécial, tous soumis aux contrôles à l’exportation du Régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR). Ces produits ont joué un rôle essentiel dans le développement des systèmes de missiles Shahab-3, Ghadr et Khorramshahr, qui servent de plateformes aux capacités de frappe à longue portée de l’Iran et à son potentiel vecteur d’ogives nucléaires.
Liens familiaux, couverture institutionnelle
Des reportages nationaux et internationaux suggèrent que M. Lee bénéficie d’une protection en Chine en raison de ses liens familiaux étroits avec l’Armée populaire de libération (APL). Un article de Newsweek de 2015 citant des sources des services de renseignement américains affirme que le grand-père de ce dernier était un colonel décoré de l’APL ayant combattu pendant la guerre de Corée, un héritage qui aurait pu conférer à M. Lee une immunité durable face aux mesures de répression de l’État.
Pour étayer ces affirmations, le rapport de 2018 du King’s College de Londres a révélé que M. Lee avait régulièrement recours à des membres de sa famille, vivants ou décédés, pour enregistrer de nouvelles sociétés. Selon le rapport, plusieurs proches agissaient comme représentants légaux et agents commerciaux au sein de son réseau.
L’utilisation de fausses identités, souvent liées à des noms familiaux, suggère un accès à des systèmes administratifs sensibles ou une protection contre toute surveillance. Le Département du Trésor a identifié huit sociétés écrans effectuant des transactions directes avec l’Iran, sous le contrôle opérationnel de M. Lee. Leur siège social est situé à Dalian, en Chine. De telles activités seraient impossibles sans protection politique, surtout dans un pays comme la République populaire de Chine, où le PCC supervise tout.
La réponse de Pékin et ses implications géostratégiques
La position officielle de la Chine sur cette question révèle une réticence persistante à coopérer avec les autorités occidentales. Immédiatement après l’inculpation de 2014, le ministère chinois des Affaires étrangères a rejeté les allégations américaines, déclarant que Pékin « s’opposait à ce que le gouvernement américain utilise le droit national contre des entreprises et des particuliers chinois pour appliquer des sanctions unilatérales ».
Ce refus d’extrader ou de poursuivre M. Lee, qui figure toujours sur la liste des personnes les plus recherchées par le FBI, confirme les soupçons selon lesquels il pourrait être un atout au service des intérêts du PCC, et la Chine poursuivra sa pratique de tolérance stratégique. La capacité de survie du réseau de M. Lee face aux sanctions, à l’exposition internationale et aux poursuites judiciaires nationales suggère une concordance entre ses activités et les intérêts géopolitiques plus larges du régime chinois, notamment en ce qui concerne l’affaiblissement des sanctions occidentales et le renforcement de partenaires comme l’Iran.
Rumeurs de détention, continuité du réseau
Un documentaire en langue allemande, « Das chinesische Phantom » (« Le fantôme chinois »), diffusé par BR Fernsehen en 2023, affirme que M. Lee a été détenu à Dalian en 2019 et qu’il a été placé dans un centre de détention local en 2020.
Cependant, cette information n’a pas été vérifiée par les autorités chinoises ni corroborée par les médias anglophones. La persistance d’opérations d’approvisionnement par l’intermédiaire d’associés comme M. Qiao de 2019 à 2022 jette un doute supplémentaire sur la détention de M. Lee.
Conclusion
Le cas de M. Lee illustre la résilience structurelle des réseaux de prolifération opérant dans un climat de tolérance étatique et d’ambiguïté géopolitique. L’inculpation de son associé présumé en 2023 confirme que, même dix ans après son inculpation officielle, son réseau semble non seulement rester fonctionnel, mais aussi profondément ancré dans des chaînes d’approvisionnement sensibles.
Face aux événements actuels qui ciblent et compromettent les objectifs nucléaires iraniens, nous devons nous tourner vers la Corée du Nord et la menace potentielle que de telles activités soutenues par le PCC pourraient représenter pour la région indopacifique. Il est probable que l’efficacité des régimes internationaux de non-prolifération restera dangereusement compromise.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Charles Davis est un vétéran de l'armée et un conférencier spécialisé dans le renseignement. Ses récompenses militaires sont : deux médailles de service Bronze Star, la médaille du service méritoire de la défense, deux médailles du service méritoire, la médaille du service de l'OTAN, la médaille de la campagne d'Irak, la médaille de la campagne d'Afghanistan, la médaille de la libération de l'Arabie saoudite et la médaille de la libération du Koweït.

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