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Les efforts du PCC pour normaliser la censure en Chine

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Des policiers paramilitaires chinois montent la garde devant le Grand Palais du Peuple à Pékin le 11 mars 2025.

Photo: Pedro Pardo/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 9 Min.

Le Parti communiste chinois (PCC) a adopté une nouvelle stratégie en matière de censure intérieure. Soucieux d’apaiser l’opinion publique, le PCC délaisse désormais les suppressions visibles de publications et les réprimandes publiques, préférant une approche plus subtile. Celle-ci est tissée dans les algorithmes, les registres et les règles d’entraînement des modèles, déterminant ce que la majorité des internautes voient avant même qu’ils ne sachent ce qu’ils recherchent.
Entre 2022 et 2025, les autorités chinoises sont passées des retraits visibles à une intervention dans la mécanique même de la création et de la diffusion des contenus. Ce virage technique affecte profondément les utilisateurs : le flux semble naturel, alors que les voix divergentes n’atteignent jamais le public.
L’histoire débute en mars 2022, lorsque les Dispositions administratives sur la recommandation algorithmique des services d’information sur internet ont obligé les plateformes susceptibles d’influencer « l’opinion publique » à soumettre leurs moteurs de recommandation à l’Administration chinoise du cyberespace pour examen. Sur le papier, ces dossiers paraissaient anodins ; en réalité, les ingénieurs ont transmis des inventaires de données et des audits internes qui détaillaient de façon troublante le fonctionnement de leurs systèmes.
En 2023, les mesures intérimaires pour l’administration des services d’IA générative ont resserré l’étau, imposant l’étiquetage et la traçabilité de chaque élément généré par algorithme. L’année suivante, les officiels du PCC ont inauguré le Centre d’enregistrement des algorithmes de Pékin dans la « vallée de l’IA » de la capitale. Ce bâtiment à haute sécurité applique des mesures de contrôle strictes ; l’enregistrement n’est pas une simple formalité administrative, mais une condition préalable à l’accès aux ressources informatiques, aux transactions sur les marchés de données ou à la résolution de litiges de propriété intellectuelle. Ceux qui ne s’enregistrent pas ne sont pas seulement hors la loi : ils sont exclus des infrastructures vitales de l’économie numérique.
Les rouages de ce nouveau contrôle sont aussi délibérés qu’invisibles. Les algorithmes sont désormais capables de limiter la portée d’une information avant qu’elle ne prenne de l’ampleur, tandis que les marqueurs de provenance (filtres numériques) peuvent ralentir sa diffusion en temps réel. Au lieu de disparaître publiquement, les publications s’enfoncent silencieusement, ensevelies sous un flot ininterrompu de contenus favorables.
Lorsque des accidents industriels ont bouleversé des villes provinciales en 2024, les images des témoins demeuraient en ligne mais étaient repoussées si loin dans les fils d’actualité qu’elles semblaient englouties au fond de l’océan. Pour les personnes présentes sur place, la seule façon de témoigner était de recourir à des chaînes de messages privés qui ne franchissaient jamais le mur du public.
Tandis que l’Administration chinoise du cyberespace possède une cartographie exhaustive du paysage algorithmique du pays — allant de la logique de classement des contenus à leur provenance — le public n’a accès qu’à des résumés généraux, privés de détails signifiants. Les analystes du Centre d’analyse sur la Chine de l’institut politique Asia Society soulignent que l’ambiguïté réglementaire et l’application ad hoc créent une incertitude persistante pour les entreprises, ce que confirme l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui met en garde contre l’impact de ce climat sur la confiance des investisseurs et le coût des affaires en Chine.
Dans ce contexte d’instabilité, les investisseurs intègrent une « prime d’opacité », un coussin financier contre les décisions politiques susceptibles de secouer soudainement les marchés. Cet effet est amplifié dans une économie déjà frappée par le ralentissement et les pressions déflationnistes ; la prudence prévaut dès que le moindre risque surgit. Il en résulte non seulement une diminution des investissements étrangers, mais aussi une retenue accrue des entrepreneurs locaux, qui hésitent à investir dans des projets potentiellement bridés par des règles algorithmiques invisibles.
L’impact se fait aussi sentir dans le secteur de la santé publique et des services d’urgence. Une gestion efficace des crises dépend des premiers signaux — alertes incomplètes, bavardages locaux, données imparfaites pointant un danger imminent. Dans le modèle pékinois, ces indices sont comprimés, filtrés jusqu’à vérification officielle, souvent trop tard pour être pertinents.
Lors de la vague de maladies respiratoires qui a affecté les enfants fin 2023 et début 2024, les rumeurs provenant des cliniques locales circulaient par téléphone entre patients, mais n’apparaissaient jamais dans les fils publics. Lorsque l’information est devenue officielle, les hôpitaux de plusieurs villes étaient déjà sous tension. Les soignants parlent d’un silence étrange sur internet — l’absence du pic habituel de discussions qui aide autorités et citoyens à estimer la progression d’une épidémie.

Des policiers patrouillent dans le quartier de Causeway Bay, près de Victoria Park, où la population se réunissait chaque année pour commémorer les victimes du massacre de la place Tiananmen en 1989, à Hong Kong, le 4 juin 2024. Victoria Park, lieu de recueillement annuel, n’accueille plus cet événement depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la sécurité nationale. (Anthony Kwan/Getty Images)

Du point de vue de Zhongnanhai, l’architecture fonctionne à merveille : aucune suppression désordonnée à justifier, aucun emballement viral de dissidence ; c’est un modèle de gouvernance où les objectifs réglementaires coïncident parfaitement avec les intérêts industriels. Mais cette apparente fluidité est en réalité porteuse de menaces. À l’image du verre trempé, les systèmes conçus pour éviter les petits chocs se révèlent vulnérables face aux grands. La Loi sur la sécurité nationale imposée à Hong Kong a apporté un calme immédiat, mais a, peu à peu, miné la flexibilité ; les contrôles opérés par Pékin semblent prêts à entraîner le même type de fragilité dans la sphère numérique.
Plus inquiétant encore, cette architecture de restriction est exportable : les normes de conformité nées à Pékin peuvent s’étendre partout où des plateformes mondiales s’adaptent à la Chine, ou là où des entreprises chinoises investissent et bâtissent des infrastructures à l’étranger. Ces partenariats s’accompagnent souvent de standards techniques intégrés — comme l’enregistrement des algorithmes, la divulgation des bases de données et l’étiquetage initial des productions d’intelligence artificielle — qui peuvent s’introduire discrètement dans la gouvernance numérique des pays concernés, sans annonce officielle.
Parfois, les régulateurs locaux accueillent volontiers ce cadre de conformité clé en main, y voyant un raccourci pour gérer leur propre environnement informationnel. Dans d’autres cas, il s’impose par le biais de coentreprises où les partenaires chinois contrôlent les infrastructures essentielles. L’architecture de censure du PCC est conçue pour être autant exportée que les projets d’infrastructure physique.
Ce qui n’était au départ qu’une série d’ajustements réglementaires est devenu une doctrine. Celle-ci progresse sans fracas, resserrant les seuils de communication de façon imperceptible, jusqu’à ce que les absences deviennent flagrantes. À l’image du siège lent qui a remodelé Hong Kong, cette stratégie numérique reprogramme l’environnement lui-même : la censure y est présente par nature, et non plus par acte visible. Il n’est même pas nécessaire qu’elle franchisse des frontières pour influencer la conversation ; il suffit qu’elle façonne l’architecture par laquelle cette conversation circule.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Charles Davis est un vétéran de l'armée et un conférencier spécialisé dans le renseignement. Ses récompenses militaires sont : deux médailles de service Bronze Star, la médaille du service méritoire de la défense, deux médailles du service méritoire, la médaille du service de l'OTAN, la médaille de la campagne d'Irak, la médaille de la campagne d'Afghanistan, la médaille de la libération de l'Arabie saoudite et la médaille de la libération du Koweït.

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