Des adultes en bonne santé ayant pris des doses quotidiennes de cannabidiol (CBD) représentatives de l’usage consommateur pendant quatre semaines ont montré une augmentation significative des enzymes hépatiques – sans pour autant subir de dommages au foie.
C’est ce que des chercheurs ont rapporté dans la revue JAMA Internal Medicine à l’issue du premier essai contrôlé examinant les effets de ce composé du cannabis sur la fonction hépatique.
Le CBD est un composé chimique couramment trouvé dans la plante de cannabis, à la fois dans le chanvre et la marijuana. Contrairement au tétrahydrocannabinol (THC), un autre cannabinoïde commun, le CBD ne produit pas d’effet psychoactif, ou de sensation d’euphorie.
Le CBD est souvent commercialisé comme un produit de bien-être et suscite l’intérêt de la recherche pour ses bienfaits supposés dans le traitement de troubles comme la douleur chronique et l’anxiété.
« Ce n’est pas parce qu’un produit est vendu en vente libre, avec un label santé et bien-être, qu’il est forcément sans danger », a déclaré à Epoch Times la Dre Diana Martins-Welch, médecin en soins palliatifs et clinicienne spécialisée en cannabis, qui n’a pas participé à l’essai.
L’essai clinique, en double aveugle et contrôlé par placebo, récemment publié dans le JAMA Internal Medicine, a impliqué 201 adultes en bonne santé répartis aléatoirement pour recevoir soit 2,5 mg de CBD par kg de poids corporel, soit un placebo, 2 fois par jour pendant 4 semaines. L’âge moyen des participants était de 36 ans, et plus de la moitié étaient des hommes.
Les personnes ayant pris quotidiennement du CBD ont présenté une augmentation significative des enzymes hépatiques, en particulier de l’alanine aminotransférase, avec des niveaux dépassant plus de trois fois la limite supérieure de la normale. Les femmes étaient les plus touchées.
Sept participants ont dû se retirer de l’essai en raison de taux suffisamment élevés de cellules sanguines et d’enzymes hépatiques suggérant une possible atteinte hépatique induite par le médicament, bien qu’aucun n’ait présenté de jaunisse ou de symptômes cliniques de dysfonctionnement hépatique.
« Nous avons choisi une dose se situant dans la fourchette haute des usages rapportés de CBD par les consommateurs, avec une durée de prise et un suivi suffisants pour pouvoir observer d’éventuelles élévations du niveau des enzymes hépatiques », ont écrit les auteurs de l’étude. Aucun participant du groupe placebo n’a connu ces effets.
Les chercheurs ont fait référence à une
revue systématique montrant que 25 % des élévations d’enzymes hépatiques dues à un traitement quotidien au CBD se sont résolues spontanément avec la poursuite de l’utilisation, suggérant que le corps pourrait s’adapter au composé avec le temps.
Bien que le CBD soit généralement considéré comme bien toléré, il peut provoquer des effets secondaires comme la bouche sèche, la diarrhée et la somnolence.
Ce que ces résultats signifient pour les utilisateurs de CBD
L’essai a révélé que les personnes qui avaient des enzymes hépatiques plus élevées après avoir pris du CBD tendaient également à avoir des taux plus élevés d’éosinophiles, un type de globule blanc. Les éosinophiles sont souvent libérés lors d’une lésion hépatique, et leur taux est couramment mesuré comme un indicateur potentiel de ce type de lésion.
Un seul participant a présenté des symptômes pouvant indiquer des problèmes hépatiques, bien que les taux d’enzymes hépatiques et d’éosinophiles de ce participant n’étaient pas suffisants pour satisfaire les critères de retrait de l’étude.
« Bien que cela ne signifie pas nécessairement que le foie soit déjà endommagé », a précisé la Dre Martins-Welch, « cela indique que l’on se rapproche d’un seuil où des dommages pourraient survenir. En continuant ainsi, on impose un stress inutile au foie ».
L’élévation des enzymes hépatiques liée à l’utilisation du CBD est déjà connue en pratique clinique, notamment parce que les utilisateurs ont tendance à en consommer à des doses plus élevées, le CBD n’étant pas enivrant comme le THC, a expliqué la Dre Martins-Welch.
Bien que les auteurs de l’étude aient indiqué que les doses administrées aux participants étaient « représentatives de celles utilisées par les consommateurs », Avis Bulbulyan, directeur général d’une entreprise spécialisée dans le développement et les solutions pour le secteur du cannabis, estime que les résultats de l’étude ne reflètent pas nécessairement l’usage courant du CBD.
« Cette étude utilise une dose assez élevée qui ne reflète pas les pratiques et les dosages typiques », a déclaré Avis Bulbulyan à Epoch Times.
« En exposant un patient qui ne consomme pas habituellement ce type de dosage, il n’est pas surprenant que le foie montre des signes de stress. L’élévation des enzymes est davantage une indication que le foie est sous pression qu’autre chose », a poursuivi Avis Bulbulyan.
Avis Bulbulyan a déclaré que l’étude ne prouve pas que le CBD consommé à un niveau typique est dangereux, mais seulement que de fortes doses soudaines mettent le foie sous pression « sans aucune indication de dommages graves ou à long terme ».
Le droit positif applicable au CBD
Le
cannabidiol (CBD) non médical est autorisé en France car il n’est pas considéré comme un stupéfiant, ni un psychotrope. Il est défini comme étant « une substance naturellement présente dans la plante de cannabis (ou chanvre)
. »
Les produits contenant du CBD, et plus largement les produits issus du chanvre, sont soumis à plusieurs
réglementations. Étant issus de la plante de chanvre classée comme stupéfiant, ils doivent d’abord respecter des conditions fixées par le droit des stupéfiants. Ils sont également soumis aux réglementations spécifiques selon l’usage qui en est fait. L’essentiel de l’encadrement de la culture, la production industrielle d’extraits de chanvre et la commercialisation de produits qui en intègrent en France est prévu dans l’
arrêté du 30 décembre 2021.
Aux États-Unis, les données de l’enquête nationale sur la consommation de drogues et la santé de 2022 indiquent que 20,6 % des adultes américains ont
déclaré avoir utilisé du CBD au cours de l’année précédente.
En
France,
Epsimas affirme que 10 % de la population adulte française a déjà consommé du CBD (environ 6 millions de personnes). D’après le site officiel
Santé Publique France, 10 % de Français consomment du CBD au moins une fois par an.
Puisque les produits au CBD non réglementés gagnent en popularité et que le CBD peut augmenter les niveaux d’enzymes hépatiques, les auteurs estiment que le CBD devrait être inclus dans les bilans médicaux, en particulier chez les patients ayant des problèmes hépatiques préexistants ou ceux prenant des médicaments qui doivent être métabolisés par le foie.
« Le simple fait qu’il soit vendu en vente libre, avec une image de produit de santé et de bien-être, ne signifie pas qu’il est sûr », a déclaré la Dre Martins-Welch. « Et je dis cela aux patients à propos de tout, même l’huile de poisson et les oméga-3 : l’excès de quoi que ce soit n’est pas bon, donc la modération est la clé. »