Gérald Darmanin
Gérald Darmanin dans le collimateur d’une trentaine d’avocats pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy
Un collectif d'une trentaine d'avocats a franchi le pas : ils ont déposé une plainte devant la Cour de justice de la République (CJR) contre Gérald Darmanin. Le motif ? Le ministre de la Justice aurait implicitement pris parti pour Nicolas Sarkozy en se rendant à son chevet en prison. Mercredi dernier, le garde des Sceaux a effectivement rencontré l'ancien chef d'État à la maison d'arrêt de la Santé, à Paris. Une démarche qui ne passe pas.

Gérald Darmanin, quitte le palais présidentiel de l'Élysée à Paris après la réunion hebdomadaire du 29 octobre 2025.
Photo: LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images
Tout a commencé bien avant cette visite controversée. Le 20 octobre dernier, sur les ondes de France Inter, Gérald Darmanin s’épanchait à la veille de l’incarcération de son mentor politique. Il évoquait sa « tristesse » face à la condamnation de Nicolas Sarkozy et annonçait son intention de lui rendre visite en détention pour vérifier « ses conditions de sécurité ». Le ministre ajoutait, visiblement ému : « L’homme que je suis, j’ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d’un homme ».
Ces confidences publiques ont immédiatement déclenché l’ire du collectif d’avocats. Pour eux, ces déclarations franchissent une ligne rouge.
« Prise illégale d’intérêts » : l’accusation qui fâche
Dans leur plainte consultée par l’AFP, les avocats menés par Maître Jérôme Karsenti dénoncent une « prise illégale d’intérêts ». Leur argumentaire est sans détour : en affichant publiquement sa compassion et en soulignant ses liens personnels avec Nicolas Sarkozy, Gérald Darmanin aurait « nécessairement pris position » dans une affaire où il dispose d’un « pouvoir d’administration » et de « surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet ».
Les plaignants s’appuient sur une jurisprudence reconnaissant que « l’intérêt » peut être « moral et plus précisément amical ». Selon eux, cet intérêt personnel compromet inévitablement l’impartialité et l’objectivité que doit incarner un ministre de la Justice. « Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l’impartialité », martèlent-ils dans leur plainte.
Un contexte judiciaire explosif
Le timing de cette affaire amplifie les tensions. Nicolas Sarkozy, condamné le 25 septembre à cinq ans d’emprisonnement pour association de malfaiteurs dans le dossier libyen, a déposé une demande de remise en liberté. La justice doit l’examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel prévu en 2026. Dans ce contexte, toute intervention ministérielle prend une dimension particulièrement sensible.
La magistrature déjà en alerte
Gérald Darmanin n’en est pas à sa première escarmouche sur ce dossier. Ses propos sur France Inter avaient déjà suscité l’inquiétude du plus haut magistrat du pays. Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation, y avait décelé un « risque d’obstacle à la sérénité » et donc « d’atteinte à l’indépendance des magistrats ».
Face aux critiques, le ministre avait tenté de se défendre sur X (anciennement Twitter) : « S’assurer de la sécurité d’un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n’atteint en rien à l’indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d’administration que je suis ».
La confiance en jeu
Pour le collectif d’avocats, l’enjeu dépasse la seule personne du ministre. Ils estiment que ses déclarations et sa visite à la prison de la Santé « sont susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires ». Les avocats se sentent directement concernés : ces agissements leur causeraient « un préjudice d’exercice et d’image » justifiant le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes de la CJR.
La balle dans le camp de la CJR
La Cour de justice de la République, seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les actes commis dans l’exercice de leurs fonctions, devra désormais se prononcer. Une nouvelle page judiciaire s’ouvre, où se mêlent amitiés politiques, déontologie ministérielle et indépendance de la justice.
Avec AFP

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