COP30 : La voix des peuples autochtones résonne dans les rues de Belém
Samedi, Belém s'est transformée en un immense théâtre de revendications climatiques. Des milliers de militants et représentants des peuples autochtones ont convergé vers cette métropole amazonienne de 1,4 million d'habitants pour une marche historique destinée aux négociateurs de la COP30.
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Les membres du peuple autochtone Munduruku du mouvement Ipereg Ayu manifestent devant le lieu où se tient la COP30 lors d'une manifestation à Belém, au Brésil, le 14 novembre 2025.
Dès l’aube, malgré une chaleur écrasante, les premiers cortèges se sont formés près d’un marché local. Un ballon géant en forme de planète Terre flottait au-dessus de la foule festive, accompagnée de musique et de chants. Un immense drapeau brésilien portant l’inscription « Amazonie protégée » a été déployé, symbolisant l’urgence de la situation.
Des autochtones brandissent une pancarte sur laquelle on peut lire « Nous sommes tous concernés » et une autre représentant le chef Raoni, leader et activiste autochtone brésilien, lors de la « Grande Marche populaire » organisée en marge de la COP30, la conférence des Nations unies sur les changements climatiques, à Belém, dans l’État du Pará, au Brésil, le 15 novembre 2025. (PABLO PORCIUNCULA/AFP via Getty Images)
« Notre forêt est massacrée » : le cri d’alarme des peuples indigènes
« Nous sommes venus défendre le climat. C’est un véritable massacre que nous vivons avec la destruction de notre forêt. Depuis l’Amazonie, nous voulons faire entendre notre voix et obtenir des résultats concrets », témoigne Benedito Huni Kuin, 50 ans, membre du peuple Huni Kuin établi dans l’ouest brésilien.
Le parcours de 4,5 kilomètres à travers la ville dense s’est achevé à quelques rues seulement du site officiel de la COP30, fortement sécurisé par des dizaines de militaires et protégé par des barricades surmontées de barbelés.
Une liberté d’expression retrouvée après quatre ans de silence
Cette mobilisation marque un tournant symbolique : pour la première fois depuis la COP26 de Glasgow en 2021, la société civile internationale peut manifester sans craindre d’arrestations arbitraires. Les trois précédentes conférences climatiques – en Égypte, aux Émirats arabes unis et en Azerbaïdjan – s’étaient déroulées dans des contextes où les ONG jugeaient dangereux de manifester hors du périmètre onusien protégé.
Entre dénonciations géopolitiques et solidarités internationales
La manifestation n’a pas manqué de dimension politique. Un manifestant juché sur des échasses, déguisé en Oncle Sam, dénonçait « l’impérialisme » américain, alors que les États-Unis de Donald Trump brillent par leur absence à Belém. Des drapeaux palestiniens ont également été brandis au sein de la foule, illustrant la convergence des luttes.
« Nous sommes là pour démontrer que le pouvoir appartient aux citoyens, particulièrement cette semaine où nous avons appris que certaines voix étaient écartées du processus de la COP. De nombreuses communautés, notamment autochtones, ne se sentent pas entendues », explique Tyrone Scott, 34 ans, membre britannique de l’ONG War on Want.
Tensions et blocages : les autochtones forcent le dialogue
Les communautés indigènes brésiliennes exigent une plus grande place dans les discussions et n’hésitent pas à bousculer le protocole. Mardi soir, des manifestants ont forcé l’entrée du site de la COP, entraînant des affrontements avec les forces de sécurité. Vendredi matin, d’autres protestataires autochtones ont bloqué l’accès principal et obtenu des rencontres au sommet avec les responsables brésiliens.
Face aux tensions entre le Brésil et l’ONU, co-organisateurs de l’événement, les autorités brésiliennes ont considérablement renforcé le dispositif sécuritaire autour du Parque da Cidade, siège de la conférence, pour garantir le bon déroulement des derniers jours de négociations.
Négociations au point mort : l’attente des ministres
Après une semaine de discussions, la présidence de la COP30 devait dévoiler samedi après-midi une synthèse de ses consultations visant à concilier les positions divergentes sur des dossiers cruciaux : objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, financement climatique pour les pays vulnérables, barrières commerciales.
Selon plusieurs participants, chaque camp reste campé sur ses positions dans l’attente de l’arrivée des ministres lundi, qui devront dégager un consensus réunissant près de 200 pays d’ici la clôture de la conférence le 21 novembre.
Un négociateur africain appelle la présidence à prendre les rênes fermement : « Sans cela, nous risquons une COP vide de substance. » Le secrétaire d’État allemand Jochen Flasbarth se veut plus optimiste : « Les pays sont ici pour obtenir un bon résultat. »
Liliam Chagas, négociatrice en chef brésilienne, résume la situation sans dévoiler sa stratégie : « Les négociations ressemblent à des montagnes russes, avec des hauts et parfois des bas. »