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Transplantations d'organesOrganes cancéreux, lanceurs d’alerte réduits au silence : des témoins décrivent une chaîne de transplantation défaillante
Des familles et des lanceurs d’alerte affirment que des abus dans le système de prélèvement d’organes ont conduit à des tragédies.

Photo: Inside Creative House/Shutterstock
WASHINGTON — La bonne nouvelle est tombée le jour du mariage de Heather Knuckles : sa mère, clouée au lit avec un foie et des reins défaillants, avait trouvé un organe compatible.
Ce fut le plus beau jour de leur vie, raconte Mme Knuckles, se souvenant de sa mère souriant en imaginant la nouvelle existence qui s’ouvrait devant elle.
Au lieu de cela, explique‑t‑elle, ce qui a commencé, c’est un cauchemar.
La mère de Mme Knuckles, Mary Ann Hollis, a subi une greffe du foie et des reins le 30 octobre 2022. Cinq jours après l’intervention, les médecins ont indiqué à la famille que le foie du donneur présentait un problème jusque‑là non signalé : une forme rare et mortelle de cancer.
Mme Hollis a ensuite dû subir une seconde intervention pour remplacer le foie, une opération de quatre heures qui l’a laissée extrêmement fragile et en proie au délire.
À Noël, elle était alimentée par sonde gastrique, et les membres de sa famille se pressaient autour de son lit pour ouvrir les cadeaux qu’elle ne pouvait ouvrir seule, étant trop faible. Elle est décédée trois semaines plus tard, avec une masse solide qui se développait dans son corps.
Ce qui l’a tuée, c’est le même cancer — un adénocarcinome indifférencié — provenant du donneur dont les organes, selon Mme Knuckles, n’auraient jamais dû être jugés éligibles à une transplantation.
Trois ans plus tard, alors que le système américain de transplantation d’organes et son processus de prélèvement sont soumis à un nouvel examen national, elle réclame désormais des comptes.
« Personne ne devrait jamais avoir à vivre ce que ma mère et notre famille avons enduré », a‑t‑elle déclaré aux parlementaires lors d’une audition au Congrès le 2 décembre, dans le cadre d’une enquête en cours sur les organisations à but non lucratif qui facilitent les dons et les greffes d’organes, appelées Organ Procurement Organization (OPO), ou organisations de prélèvement d’organes.
Et son histoire était loin d’être un cas isolé.
« Inhumain »
Lors de cette audition, des lanceurs d’alerte ont témoigné de cas de patients à deux doigts de se faire prélever leurs organes alors qu’ils présentaient encore des signes évidents de vie, d’organes de donneurs jetés et de signalements potentiels de fautes professionnelles réduits au silence.
L’un des témoins est Nyckoletta Martin, ancienne coordinatrice de préservation chirurgicale auprès de Kentucky Organ Donor Affiliates, qui a ensuite fusionné avec une autre OPO pour former Network for Hope en octobre 2024.
En 2021, l’hôpital a reçu TJ Hoover, en arrêt cardiaque et resté non réactif pendant des jours. Il s’est réveillé au bloc opératoire alors même que les médecins évaluaient si ses organes étaient suffisamment sains pour être donnés. Mais au lieu d’interrompre immédiatement la procédure, Mme Martin raconte que le personnel médical l’aurait fait sédater pour empêcher tout mouvement, ce qui a alarmé certains membres de l’équipe, qui ont qualifié ces gestes « d’inhumains » et les ont comparés à une « euthanasie humaine ».
Network for Hope fait partie des 55 OPO aux États‑Unis chargées de récupérer des organes en vue de leur transplantation.
Une enquête fédérale menée en juillet a révélé plus de cent cas dans lesquels la procédure de prélèvement avait commencé alors que les patients présentaient encore des signes de vie. À la suite de cela, le département de la Santé et des Services sociaux a retiré sa certification à un groupe de prélèvement d’organes, estimant qu’il s’agissait d’un avertissement pour les autres réseaux de prélèvement.
Jennifer Erickson, experte principale en politique de don d’organes auprès de la Federation of American Scientists, estime que les États‑Unis ont atteint un niveau de corruption qui relève d’une crise nationale au sein des OPO.
« Les OPO financées par le contribuable fonctionnent pratiquement sans rendre de comptes, et elles ont exercé des pressions sur des familles endeuillées et, dans les cas les plus effrayants, ciblé des patients qui ne sont même pas morts », a‑t‑elle déclaré aux élus.
Des lanceurs d’alerte lui ont confié qu’ils avaient été formés pour « cibler des médecins inexpérimentés, en particulier en milieu rural » afin d’aggraver l’état des patients par une administration excessive de médicaments de confort, comme le fentanyl, a‑t‑elle précisé.
Le représentant Don Beyer (démocrate de Virginie) est revenu plus tard sur ce point.
« N’est‑ce pas, en substance, tenter de tuer des gens pour obtenir leurs organes ? » a‑t‑il demandé.
Mme Erickson a répondu : « Je veux être parfaitement claire : les faits dont nous parlons relèvent de crimes.
« Ce n’est pas seulement un danger pour les personnes qui vivent là‑bas. C’est un danger pour tout Américain qui traverse l’un de ces États où les lanceurs d’alerte ont signalé de telles pratiques. »
Charles Bearden, le coordinateur de greffes le plus ancien des États‑Unis, décédé cet été, avait un jour « littéralement couvert un patient de son propre corps pour empêcher des OPO dangereuses de nuire à des malades qui auraient autrement pu survivre », a raconté Mme Erickson.
« La frontière entre le don d’organes et le prélèvement abusif d’organes, c’est le consentement. Aucune famille n’accepterait que l’un de ses proches soit emmené au bloc, ou qu’on lui retire ses organes, alors qu’il pourrait survivre. Et pourtant, c’est ce qui se passe partout dans le pays. »
Réduits au silence
Après ce qui est arrivé à M. Hoover, Mme Martin explique que plusieurs membres du personnel souhaitaient signaler le cas aux autorités compétentes, mais qu’on leur a répondu que l’OPO traiterait l’affaire en interne.
« Notre accès au dossier de TJ a été restreint. On nous a réduits au silence. »
Mme Martin a démissionné de son poste du fait de la gestion de l’affaire par l’établissement et a été licenciée par son nouvel employeur, Buckeye Transplant, après avoir évoqué publiquement cette question.
Elle explique avoir constaté un schéma récurrent en lisant une lettre envoyée par la sous‑commission de contrôle de la commission des Voies et Moyens de la Chambre au New Jersey Organ and Tissue Sharing Network, une OPO visée par une enquête de la commission pour des soupçons de fraude à Medicare.
Plus d’une douzaine de lanceurs d’alerte ont formulé de graves allégations faisant état d’instructions données pour poursuivre les prélèvements d’organes après l’apparition de signes de vie chez des patients, ainsi que de suppressions de documents. La lettre citait également des tableaux Excel de l’organisation, laissant supposer des destructions massives de pancréas, théoriquement collectés au nom de la recherche mais, en réalité, destinés à améliorer leurs indicateurs, selon la commission.
Les parallèles entre sa propre expérience et les signalements des lanceurs d’alerte dans cette lettre étaient « indéniables », estime Mme Martin, mettant en lumière « des défaillances systémiques qui exigent une responsabilité et des réformes urgentes ».
L’United Network for Organ Sharing (UNOS), qui gère la liste nationale d’attente pour les greffes et le système d’appariement des organes dans le cadre d’un contrat fédéral, avait menacé d’engager des poursuites contre des témoins d’une précédente audition à la Chambre, a indiqué Mme Erickson, citant des articles de la presse locale de Richmond, où l’organisation a son siège.
L’organisation à but non lucratif a déclaré, dans un communiqué publié le 2 décembre, qu’elle « respecte les lois relatives à la protection des lanceurs d’alerte et ne tolère pas, ni ne pratique, de représailles à leur encontre ».
« UNOS ne s’est jamais livrée à aucun comportement illégal. Toute affirmation contraire est scandaleuse et juridiquement diffamatoire », ajoutait‑elle.
Contacté par Epoch Times, le réseau a renvoyé à un témoignage présenté en juillet au Congrès par sa directrice générale, Maureen McBride, dans lequel elle suggérait de créer un système de signalement des risques pour les patients selon le principe du « no wrong door » (« aucune mauvaise porte »), afin de traiter les signalements potentiels. Le cas de la mère de Heather Knuckles est « profondément troublant », a‑t‑elle déclaré, mais l’UNOS ne réglemente pas les OPO ni les hôpitaux de transplantation et ne participe pas aux décisions cliniques.
Barry Massa, directeur général de Network for Hope, a affirmé que les accusations formulées lors de l’audition « ne reflètent pas l’impact positif de Network for Hope depuis la fusion ».
« Network for Hope a travaillé en coopération avec le Congrès et les organismes de contrôle », a‑t‑il déclaré à Epoch Times. Il a assuré que son organisation est « attachée à la transparence, à la responsabilité et à l’amélioration continue du processus de don d’organes », réaffirmant sa mission qui consiste à « prioriser et garantir un processus de don sûr et empreint de compassion pour les donneurs et leurs familles ».
Pour les personnes travaillant au sein d’OPO, le conseil de Mme Martin est de « ne pas avoir peur ».
« Nous sommes en première ligne. Nous sommes l’avocat du patient. C’est pour cela que nous nous engageons tous, n’est‑ce pas ? », dit‑elle. « Nous bénéficions de certaines protections, mais, au bout du compte, nous sommes tous là pour sauver des vies. Nous ne pouvons pas laisser ces pratiques continuer. »

Eva Fu est rédactrice pour Epoch Times à New York spécialisée dans les relations entre les États-Unis et la Chine, la liberté religieuse et les droits de l'homme.
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