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Ce chimiste a peut être trouvé la clé du problème américain des terres rares

La Chine a pris le contrôle non seulement des minéraux critiques, mais aussi de leur production. Une nouvelle technique pourrait résoudre ces deux problèmes.

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James Tour, chimiste et nanotechnologue à l’université Rice de Houston, à Scottsdale, en Arizona, le 19 novembre 2020.

Photo: Tal Atzmon/Epoch Times

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Durée de lecture: 16 Min.

Un seul éclair suffit.
C’est ainsi que James Tour estime que l’Amérique peut répondre à la domination chinoise sur les terres rares.
Il lui suffit de déchets électroniques – dont les États‑Unis regorgent – et, à partir de ces rebuts, ce chimiste et nanotechnologue de l’université Rice a mis au point une méthode permettant d’extraire très rapidement les métaux des terres rares.
« Nous pouvons isoler un métal, puis le suivant », explique‑t‑il à Epoch Times. « C’est vraiment aussi simple que cela. »
La solution de James Tour repose sur le « flash Joule heating » : porter les matériaux en un temps très court à plusieurs milliers de degrés pour vaporiser les métaux. Mélés à du chlore gazeux, ces vapeurs se transforment en chlorures qui se condensent à des températures différentes.
Comme dans une ampoule à incandescence, la technique consiste à faire passer un courant électrique à travers la matière première, explique James Tour. Mais alors que l’ampoule reçoit un flux continu pour produire une lumière permanente, dans le traitement des métaux, l’énergie est délivrée par impulsions très brèves, qui font grimper la température en quelques millisecondes.
« Les métaux sont recyclables à l’infini : on peut les recycler, et les recycler encore », souligne‑t‑il. Et alors que les procédés classiques de distillation des métaux sont plutôt « sales », insiste‑t‑il, sa méthode repose au contraire sur la simplicité.
« On fait un flash, et c’est terminé. »
La rapidité devient plus cruciale que jamais. Les États‑Unis mènent une course contre la montre pour relocaliser la production de terres rares, en partie sous l’effet de la menace brandie en octobre par la Chine de réduire drastiquement leurs exportations.
Avec une trêve d’un an en poche, Washington dispose d’une courte fenêtre pour combler son retard. Mettre une mine en exploitation peut prendre quinze ans.
James Tour affirme que sa technologie placerait les États‑Unis sur une trajectoire bien plus rapide. « Elle nous donnerait une feuille de route pour devenir indépendants », assure‑t‑il.
Son invention est modulaire, précise‑t‑il. « On peut lancer ces unités pour quelques dizaines de millions de dollars. À l’échelle de ce type d’industrie, ce n’est pas énorme. »

Un procédé de « flash Joule heating » mis au point à l’université Rice permet de récupérer des métaux de valeur à partir de déchets électroniques. Ce procédé ouvre la voie à une forme de “mines urbaines”. (Jeff Fitlow/Rice University)

La domination américaine perdue au profit de la Chine

Les terres rares, sous‑groupe de 17 minerais critiques, sont des composants essentiels des véhicules électriques, des éoliennes, des smartphones et des missiles.
La Chine occupe aujourd’hui le cœur de cette chaîne de production vitale. Elle fabrique plus de 90 % des aimants en terres rares dans le monde, selon les données de l’Agence internationale de l’énergie. Elle est aussi l’unique fournisseur de certains éléments comme le samarium, utilisé dans les avions de chasse et les réacteurs nucléaires pour sa résistance à la chaleur.
Cette domination est le fruit de décennies d’investissements stratégiques, de subventions massives de l’État et de manœuvres agressives sur les marchés qui ont étouffé la concurrence étrangère.
Les choix américains ont également pesé.
„« Nous ne nous rendions pas compte que nous étions en train de vendre quelque chose qui allait se révéler très important pour notre pays. », souligne James Tour, chimiste et nanotechnologue à l’université Rice.
Jusqu’en 1991, le pays figurait parmi les principaux producteurs de terres rares, grâce à la mine de Mountain Pass, en Californie, qui fournissait alors l’essentiel des besoins mondiaux. Des problèmes environnementaux ont contraint à la fermeture du site pendant des années, au moment même où la Chine prenait pied sur ce marché.
En 1995, malgré les objections du Pentagone, Washington autorise la vente de Magnequench, alors leader mondial des aimants en terres rares, à un groupe de façade chinois, cédant de fait à Pékin une technologie de défense critique et ses capacités de production.
En 2004, Magnequench ferme son usine de l’Indiana et transfère ses opérations en Chine. Pékin commence l’année suivante à taxer les exportations de terres rares.
Vingt ans plus tard, les États‑Unis se retrouvent dépendants des minerais chinois.
« Nous n’avions pas conscience que nous étions en train de vendre quelque chose qui allait s’avérer essentiel pour notre pays », reconnaît James Tour.

La mine de Mountain Pass, en Californie, est une mine à ciel ouvert de terres rares. (NASA/GSFC/METI/ERSDAC/JAROS, et U.S./Japan ASTER Science Team)

Des déchets transformés en trésor

Dès 1976, les États‑Unis disposaient déjà d’une loi encadrant l’élimination des déchets électroniques.
Au fil des années, l’explosion des volumes de déchets électroniques a fait naître tout un secteur du recyclage, qui peine encore à suivre le rythme. C’est aujourd’hui le flux de déchets qui croît le plus vite dans le monde, cinq fois plus rapidement que les capacités de recyclage, selon les Nations unies.
Les États‑Unis ont produit 7,2 millions de tonnes de déchets électroniques en 2022, soit environ un huitième du total mondial, d’après les chiffres les plus récents de l’ONU. Cela représente près de 21 kg par habitant.
„« La véritable raison pour laquelle un déchet est un déchet n’est pas qu’il est mauvais, c’est qu’on ne peut pas l’utiliser », explique Lucas Eddy, responsable du développement technologique de Flash Metals USA.
« Nous avons ces montagnes de résidus miniers accessibles, et ces montagnes permanentes de cartes électroniques », observe James Tour.
Selon lui, sa méthode pourrait assainir cette spirale de décharges tentaculaires et la transformer en « trésor ».
« C’est une situation gagnant‑gagnant à tous les niveaux. »
Lucas Eddy, responsable du développement technologique pour Flash Metals USA, filiale texane de Metallium, voit désormais le concept prendre corps sur le terrain.
« La vraie raison pour laquelle un déchet reste un déchet, ce n’est pas qu’il soit mauvais, c’est qu’on ne sait pas l’utiliser », explique‑t‑il à Epoch Times.
C’est précisément là que le « flash Joule heating » fait la différence, souligne Lucas Eddy, dont l’usine texane a obtenu la licence de ce procédé de récupération de métaux.
« C’est l’avenir du flash Joule heating. »

Une vieille technologie réinventée

L’effet Joule – faire passer un courant électrique dans un conducteur pour produire de la chaleur – est connu depuis les années 1840. Il est au cœur d’innombrables appareils domestiques, du grille‑pain aux radiateurs, en passant par les fours et les sèche‑cheveux.
Jusqu’ici, personne n’avait songé à l’appliquer à la valorisation des déchets électroniques.
L’étincelle pour l’équipe de James Tour vient de la lecture d’un article scientifique décrivant l’usage du flash Joule heating pour fabriquer des nanoparticules métalliques.
En s’en inspirant, les chercheurs ont testé la méthode sur le carbone et découvert un moyen rapide de produire un graphène de haute qualité à faible coût. Ils ont ensuite exploré son potentiel pour extraire les précieux métaux des terres rares.
Lucas Eddy, diplômé du laboratoire de James Tour en 2025, rejoint le projet début 2021, au moment où cette réorientation commence.
« C’est vraiment de la chimie en temps réel », décrit‑il. « On voit littéralement un arc‑en‑ciel de couleurs s’échapper. »

Ces recherches innovantes s’appuient sur les travaux menés par James Tour en 2020 sur le développement d’applications de traitement des déchets et de recyclage créatif utilisant le chauffage par effet Joule instantané. (Laboratoire de James Tour/Université Rice, Jeff Fitlow/Université Rice)

Un flacon contient des métaux qui ont été séparés d’autres composants d’un circuit imprimé broyé grâce au chauffage par effet Joule instantané dans un laboratoire de l’université Rice. (Laboratoire de James Tour/Université Rice, Jeff Fitlow/Université Rice)

Chaque changement de couleur correspond à un élément métallique qui se sépare. Les terres rares, qui ont en général les points d’ébullition les plus élevés, sortent le plus souvent en dernier – souvent sous forme de poudre blanche, précise‑t‑il.
Le projet attire l’attention de l’Agence pour les projets de recherche avancée de défense (DARPA : Defense Advanced Research Projects Agency), qui demande à l’équipe de rendre la technologie industrialisable, raconte James Tour. Dans le cadre d’un contrat fédéral, les chercheurs s’attachent à abaisser les points d’ébullition, expérimentent différents fluorures et formes de chlore, et finissent par s’arrêter sur le chlore gazeux.
Cette étape est « révolutionnaire », juge Lucas Eddy.
„« Le fait de convertir les métaux en chlorures permet de supprimer une étape intermédiaire, tandis que la vitesse ultrarapide de chauffage et de refroidissement réduit la consommation d’énergie jusqu’à 87 % », explique un article co‑signé par James Tour.
Jusqu’ici, le recyclage électronique reposait surtout sur l’immersion des composants dans de puissants acides, un procédé qui génère d’importantes quantités de produits chimiques toxiques. Une autre méthode consiste à chauffer la matière dans des fours, une approche très énergivore qui nécessite de lourds investissements de départ et d’étapes supplémentaires de purification.
Convertir les métaux en chlorures permet de contourner cette étape intermédiaire.
La montée et la descente en température ultra‑rapides réduisent aussi considérablement la consommation d’énergie – jusqu’à 87 %, selon un article co‑signé par James Tour et publié fin septembre dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.
« C’est bien plus propre et bien plus rapide », résume James Tour.

« Le rêve de tout scientifique »

La technique ouvre des perspectives environnementales qui vont bien au‑delà des seules terres rares.
Les chercheurs l’ont utilisée pour extraire des métaux toxiques de la « boue rouge », sous‑produit de la production d’aluminium, en laissant derrière eux un matériau riche en aluminium qui peut être utilisé pour des carreaux de céramique ou réintégré dans le cycle classique de production de l’aluminium.
Des fabricants de bijoux se sont rapprochés d’eux pour récupérer l’or contenu dans les composants, tandis que d’autres s’intéressent au verre purifié des écrans de téléphones après extraction du lithium, indique James Tour.
Même les éléments en plastique des cartes électroniques ont un intérêt, ajoute‑t‑il. Sous l’effet de la chaleur, les plastiques se décomposent en monoxyde de carbone et en hydrogène, un carburant et un pilier de l’industrie chimique.

Le chimiste James Tour (à g.) et le chercheur postdoctoral Bing Deng (à dr.) de l’université Rice se préparent à « flash » des déchets électroniques afin d’en récupérer les métaux précieux pour les recycler. Le procédé mis au point par le laboratoire, initialement destiné à transformer les déchets alimentaires et autres sources de carbone en graphène, a été adapté pour récupérer d’autres matériaux. (Jeff Fitlow/Université Rice)

Le procédé ne génère que très peu de déchets, souligne James Tour.
« C’est une grande victoire pour notre pays. C’est une grande victoire pour l’environnement, et, espérons‑le, ce sera une grande victoire pour les investisseurs. »
Les équipes travaillent encore à optimiser le pilotage des températures pour améliorer la pureté des métaux. Mais ce qu’elles produisent déjà trouve preneur.
En septembre, le Pentagone a attribué à Metallium un contrat de phase 1 pour distiller le gallium, un minerai critique, à partir de flux de déchets.
L’usine commerciale de l’entreprise, près de Houston, doit démarrer sa production début 2026. James Tour indique que l’objectif est de traiter 1 tonne de cartes électroniques par jour en janvier, puis 20 tonnes en septembre. Deux autres sites, dans le Massachusetts et en Virginie, sont en préparation.
Selon lui, lorsqu’il a présenté son idée à un groupe de généraux de l’OTAN, l’un d’eux s’est levé et a déclaré : « Cette technologie va empêcher des guerres. »
« La plupart des guerres éclatent pour des ressources – l’eau, le pétrole, les minerais, explique James Tour. Les hommes se battent pour cela, et ils s’entretuent pour cela. »
De l’Asie à l’Australie en passant par l’Arabie saoudite, le président Donald Trump s’emploie à bâtir une coalition mondiale pour desserrer l’étau chinois sur les minerais critiques.
James Tour se félicite de voir son innovation se transformer en atout potentiel pour la sécurité nationale.
« Pouvoir apporter une solution à un problème stratégique pour le pays, c’est en quelque sorte le rêve de tout scientifique. »

Des ferrailles prêtes au recyclage chez Josh Steel Company, à North Braddock, en Pennsylvanie, le 21 janvier 2020. James Tour a mis au point un procédé permettant d’extraire rapidement des minerais critiques à partir de déchets électroniques. (Brendan Smialowski/AFP via Getty Images)

Eva Fu est rédactrice pour Epoch Times à New York spécialisée dans les relations entre les États-Unis et la Chine, la liberté religieuse et les droits de l'homme.

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