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Au-delà du sucre : comment les cancers changent de carburant pour survivre — et comment les stopper
Des recherches révèlent comment les cancers passent du sucre aux cétones et aux acides aminés, ouvrant la voie à des traitements ciblant toutes les voies métaboliques.

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Photo: Epoch Times
Cet article constitue la huitième partie de la série « Maîtriser sa santé métabolique ».
La santé métabolique est le moteur qui propulse votre organisme. De la fonction intestinale et hépatique au temps passé devant les écrans et à l’exposition au soleil, découvrez les clés d’une résilience durable.
La même caractéristique qui rend votre métabolisme sain peut rendre le cancer mortel.
La flexibilité métabolique — la capacité des cellules à passer efficacement d’un carburant à un autre, comme le glucose ou les graisses — est habituellement le signe d’une bonne santé. Pourtant, lorsque les cellules cancéreuses acquièrent cette même adaptabilité, elle devient leur avantage décisif, permettant aux tumeurs d’échapper aux traitements et de résister même aux thérapies les plus ciblées.
Ce paradoxe pousse désormais les chercheurs à repenser des décennies de stratégies anticancéreuses et à développer de nouvelles approches qui attaquent simultanément les tumeurs sur plusieurs fronts métaboliques.
Les multiples sources de carburant du cancer
Pendant près d’un siècle, notre compréhension du métabolisme du cancer a été façonnée par le biochimiste allemand Otto Warburg, qui avait observé que les cellules cancéreuses consommaient de grandes quantités de glucose même en présence d’oxygène. Cet « effet Warburg » a conduit les scientifiques à croire que les tumeurs dépendaient presque exclusivement du sucre pour se nourrir, inspirant des thérapies métaboliques visant à affamer le cancer en coupant son approvisionnement en glucose.
Cependant, le modèle de Warburg ne raconte plus toute l’histoire.
« Lorsqu’un traitement bloque une voie énergétique, comme un médicament ciblant le glucose, les cellules cancéreuses passent simplement à la glutamine ou aux graisses pour survivre », explique à Epoch Times Michael Enwere, spécialiste du cancer et chercheur en oncologie intégrative, expert des interventions métaboliques. « C’est comme un survivaliste qui, lorsqu’on coupe une source de nourriture, se met à chasser ou à glaner pour éviter la famine. »
Les recherches les plus récentes montrent que de nombreux cancers sont bien plus adaptables qu’on ne l’imaginait. Au lieu de dépendre d’une seule source d’énergie, les tumeurs malignes exploitent n’importe quel carburant disponible pour soutenir leur croissance. Lorsque le glucose manque, elles peuvent intensifier le métabolisme de la glutamine (un acide aminé essentiel) ou puiser dans les acides gras. Certaines métabolisent même les cétones, le carburant produit par l’organisme lors du jeûne ou des régimes cétogènes.
Cette flexibilité métabolique pourrait expliquer pourquoi les interventions telles que les restrictions strictes en glucides ou les régimes cétogènes montrent parfois un début d’efficacité, sans pour autant produire des résultats durables.
Une étude publiée dans le Journal of Experimental & Clinical Cancer Research révèle que le métabolisme de la glutamine favorise la croissance du cancer et lui permet d’échapper au système immunitaire. Même si certains médicaments peuvent bloquer cette voie, le cancer trouve souvent des alternatives.
Les survivalistes du métabolisme
Les cancers agressifs tels que le glioblastome et le cancer du sein triple négatif sont les survivalistes métaboliques par excellence, souligne M. Enwere.
Les thérapies conventionnelles, conçues pour cibler une voie spécifique, échouent souvent face à ces cancers, car elles jouent à « la taupe » contre un réseau métabolique dynamique et adaptable, ajoute-t-il.
« Lorsque je travaillais au National Cancer Institute, j’étais dans un département appelé Résistance aux médicaments », raconte à Epoch Times Mona Jhaveri, docteure en biochimie et biologie moléculaire. « Tout le domaine était dédié à comprendre pourquoi les cellules deviennent résistantes à la chimiothérapie et à d’autres traitements. »
La complexité du comportement métabolique du cancer est stupéfiante. « Vous pouvez prélever des cellules d’une seule tumeur et constater que plusieurs versions de ces cellules fonctionnent différemment. C’est une autre raison pour laquelle le cancer est si difficile : il n’est pas uniforme », précise le Dr Jhaveri.
Ainsi, une approche thérapeutique unique s’avère inefficace. « Nous avons tous des cellules cancéreuses dans le corps. C’est notre système immunitaire qui les maintient sous contrôle. Il nous faut une armurerie complète d’outils — pas seulement la même chimio et le même protocole », ajoute-t-elle.
L’avenir du traitement du cancer
Les scientifiques développent aujourd’hui des approches qui visent simultanément plusieurs voies énergétiques.
Au lieu de couper uniquement le glucose, certaines thérapies inhibent à la fois les métabolismes du glucose et de la glutamine — les deux principaux carburants de nombreuses tumeurs. Limiter la capacité des cellules cancéreuses à basculer entre plusieurs nutriments peut accroître leur vulnérabilité au traitement.
Le traitement du cancer doit être multifactoriel, s’attaquant non seulement aux mutations génétiques mais aussi aux fonctions métaboliques qui soutiennent les tumeurs. Une revue systématique publiée dans Onco, dirigée par Michael Enwere, révèle que les thérapies ciblant le métabolisme — y compris des composés naturels comme le curcuma, la berbérine et les vitamines C et D3 à haute dose — semblent prometteuses pour perturber les voies énergétiques du cancer et surmonter la résistance aux traitements conventionnels. Combiner ces approches à la chimiothérapie, à la radiothérapie et à l’immunothérapie offre une option personnalisée et peu toxique pour les patients atteints de tumeurs difficiles à traiter.
« Les quatre options sont prometteuses, mais la vitamine C intraveineuse à haute dose (IVC) et la berbérine se distinguent actuellement », note Enwere. « L’IVC possède la plus solide traduction clinique à ce jour, et la berbérine est la plus prometteuse pour les tumeurs alimentées par la glutamine une fois les problèmes de délivrance résolus », précise-t-il, en référence à son absorption médiocre et à ses effets secondaires digestifs.
Au cours de la prochaine décennie, M. Enwere anticipe une transition d’une vision strictement génétique du cancer vers une approche intégrant plusieurs couches de données, dont le métabolisme. Il imagine utiliser des interventions métaboliques pour rendre les tumeurs plus sensibles aux traitements. Par exemple, un court régime cétogène combiné à un médicament bloquant la glutamine pourrait « préparer » les tumeurs à mieux répondre à la chimiothérapie ou à l’immunothérapie. Il ajoute que les thérapies ciblant le métabolisme s’apprêtent à entrer dans les soins standards.
« Nous sommes à un point de bascule translationnel. Les preuves précliniques sont solides et convaincantes, et nous observons désormais un nombre croissant d’essais cliniques de phase 2 prometteurs, comme celui utilisant la vitamine C intraveineuse à haute dose dans le cancer du rectum », souligne-t-il.
L’expérience métabolique d’un patient
Lorsque Pete Sulack, chiropracteur, a été diagnostiqué d’un cancer du cerveau en phase terminale fin 2024, les médecins ne lui donnaient que quelques mois à vivre. Plutôt que de se reposer uniquement sur les traitements conventionnels, il a adopté un protocole métabolique fondé sur trois principes clés :
- Limiter la disponibilité du glucose pour les cellules cancéreuses
- Soutenir la fonction mitochondriale
- Améliorer l’oxygénation et la détoxification
Si son approche reste personnelle et anecdotique, elle illustre un principe plus général : les interventions métaboliques peuvent influencer la capacité d’adaptation et de survie du cancer.
En mars, les médecins ont déclaré M. Sulack en rémission complète.
Renforcer votre flexibilité métabolique
Si vous ne pouvez contrôler le métabolisme du cancer, vous pouvez vous inspirer de lui en renforçant votre propre flexibilité métabolique — un état qui rend vos cellules saines plus adaptables et résistantes aux dysfonctionnements pouvant mener au cancer.
La flexibilité métabolique ne consiste pas seulement à brûler des graisses ou du glucose — elle dépend de la capacité de vos mitochondries à changer de carburant selon les besoins. Souvent qualifiées de « centrales énergétiques » de la cellule, elles transforment divers combustibles en énergie, permettant à votre organisme d’alterner entre graisse et glucose. De petites habitudes quotidiennes peuvent, à long terme, renforcer cette adaptabilité. Lorsque les mitochondries sont performantes, votre corps fait face plus efficacement aux défis métaboliques, y compris la maladie.
L’exercice régulier est l’un des moyens les plus efficaces pour renforcer cette adaptabilité. L’entraînement cardiovasculaire comme la musculation stimule la création de nouvelles mitochondries, plus efficaces, améliorant la manière dont les cellules utilisent et stockent l’énergie. Même des habitudes simples — marcher d’un bon pas après les repas ou intégrer de brèves périodes d’activité intense — peuvent aider.
La diversité alimentaire joue également un rôle crucial. Manger en permanence le même équilibre de macronutriments peut rendre le métabolisme rigide, tandis qu’alterner des périodes riches en glucides et des périodes basées sur les graisses — via le jeûne intermittent, des jours pauvres en glucides ou un jeûne occasionnel — encourage les cellules à rester flexibles. Pour la plupart des gens, nul besoin de régimes extrêmes : il s’agit d’entraîner le métabolisme à gérer aussi bien l’abondance que la rareté.
La qualité des aliments compte tout autant. « Une mauvaise alimentation peut contribuer à créer des environnements favorables aux tumeurs — en poussant les cellules au stress et en les rendant plus susceptibles de devenir malignes », note le Dr Jhaveri. Une glycémie chroniquement élevée et une inflammation persistante due aux aliments ultra-transformés ou au sucre raffiné peuvent endommager les mitochondries et favoriser la même rigidité métabolique dont le cancer profite.
« Avec autant d’aliments transformés, nous créons probablement ce que nous appelons des micro-environnements tumoraux », poursuit-elle. « L’obésité est également liée au cancer — elle favorise l’inflammation et la libération de cytokines qui créent des conditions propices aux tumeurs. »
Le rôle du lien humain dans la santé métabolique
La santé métabolique ne se limite pas à l’alimentation et à l’exercice. Le Dr Jhaveri cite une étude de 2016 publiée dans Social Cognitive and Affective Neuroscience, montrant que lorsque des chiens avaient le choix entre la nourriture et les marques d’affection, l’activité cérébrale dans leurs centres de récompense était souvent équivalente — voire supérieure — en réponse à l’attention positive. Elle considère que l’interaction sociale et le renforcement positif optimisent l’environnement interne de l’organisme pour favoriser la santé cellulaire.
Cela peut sembler éloigné du métabolisme, pourtant la connexion sociale influence les hormones, l’inflammation et même les signaux mitochondriaux.
Tout comme nos cellules ont besoin de flexibilité pour prospérer, nos corps dépendent également du lien humain pour rester résilients — rappelant que la santé s’exprime autant au niveau moléculaire que social. « Il existe des interactions moléculaires invisibles qui se produisent lorsque nous nous rassemblons. Quand les humains se rapprochent, cela les aide à survivre », note le Dr Jhaveri.
Renforcer votre flexibilité métabolique à travers le mouvement, l’alimentation et le lien social revient à prémunir vos cellules contre l’avenir, les rendant moins vulnérables au chaos métabolique dont les cellules cancéreuses tirent profit.
« Je suis la preuve vivante que lorsqu’on modifie l’environnement métabolique du corps, en supprimant le carburant sur lequel prospère le cancer et en restaurant ce qui soutient la santé, la guérison devient possible », affirme M. Sulack.
Vous ne pouvez contrôler le métabolisme du cancer, mais vous pouvez optimiser le vôtre.
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