Budget de la Sécu : l’Assemblée rétablit la suspension de la réforme des retraites, nouveau vote décisif mardi
Après un vote à suspense sur la partie « recettes » du budget de la Sécurité sociale, l’Assemblée nationale a réintroduit la suspension de la réforme des retraites, symbole honni de la précédente séquence sociale.

Photo: MAGALI COHEN/Hans Lucas/AFP via Getty Images
Prochaine étape : le vote solennel sur l’ensemble du texte mardi, avec une issue des plus incertaines pour l’exécutif.
Ce budget « n’est pas parfait, mais il est le meilleur budget possible », a estimé le Premier ministre Sébastien Lecornu sur X, en invitant les députés à se prononcer la semaine prochaine « en conscience, pour l’intérêt général ».
Un vote sous haute tension
Les députés ont quasiment achevé l’examen des articles dans la nuit de vendredi à samedi et le termineront mardi. Ils se prononceront dans la foulée sur le volet « dépenses » du texte, avant le vote sur l’ensemble du projet de loi. Une dernière discussion portera sur l’article clé fixant l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), pierre angulaire du pilotage financier de la Sécurité sociale.
La ministre de la Santé, Stéphanie Rist, a déjà annoncé son « objectif » de présenter un amendement relevant de « 3% » la progression de ces dépenses, contre 2% jusque-là. Cette inflexion répond aux critiques nourries de nombreux élus et acteurs du secteur, qui voyaient dans le précédent objectif une trajectoire assimilable à une cure d’économies.
Retraites et pensions sous pression
Une disposition explosive du texte, le gel des pensions de retraite et des minima sociaux, a été largement rejetée, comme en première lecture, alors qu’elle avait été partiellement rétablie par le Sénat. La Haute Assemblée s’était en revanche opposée à la suspension de la réforme des retraites, obtenue à l’Assemblée comme prix politique de la non‑censure du gouvernement par les socialistes ; les députés l’ont réintroduite par 162 voix contre 75.
Alors que le positionnement des groupes de gauche se révélera décisif mardi, le Premier ministre met en avant la parole « tenue » sur ce dossier et en appelle à ceux qui ont « combattu » la réforme des retraites pour qu’ils se prononcent « loin des considérations politiciennes ».
L’adoption du texte est toutefois loin d’être acquise, d’autant que Sébastien Lecornu a de nouveau écarté cette semaine le recours à l’article 49.3 de la Constitution. Une donnée clé sera l’estimation finale du déficit de la Sécurité sociale pour 2026, après l’ensemble des mesures votées.
Selon la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, la suppression du gel des retraites et des minima sociaux porte désormais ce déficit à 22,5 milliards d’euros, contre un objectif initial du gouvernement fixé à 20 milliards.
Un déficit qui inquiète l’exécutif
« Ne pas avoir de budget serait dangereux, pour notre protection sociale, nos comptes publics et pour le rôle du Parlement », a écrit Sébastien Lecornu sur X.Tout en jugeant le déficit « encore trop grand pour ne rien faire », il n’exclut pas que certaines « réformes » soient « prises par décret après concertation » ; plus tôt dans la semaine, il avait notamment ciblé la « bureaucratie médicale ».
Vendredi, la partie recettes du budget a été adoptée par 166 voix contre 140, et 32 abstentions, grâce au soutien de Renaissance, du MoDem, du PS et des indépendants du groupe Liot. Le Rassemblement national allié à l’UDR, La France insoumise et les écologistes ont voté contre, tandis que LR et Horizons se sont majoritairement abstenus, illustrant les fractures d’une coalition gouvernementale déjà fragilisée, après qu’Édouard Philippe a appelé à ne pas voter le texte « en l’état ».
Une majorité fragmentée et un avertissement
« Je ne (le) comprends plus », a cinglé samedi sur franceinfo son ancienne ministre Agnès Pannier‑Runacher, qui fustige les prises de position « totalement décalées » du maire du Havre.
Le scrutin a par ailleurs été marqué par une faible affluence dans l’hémicycle. « Ça passe parce que le RN avait seulement 69 présents (sur 123 députés, NDLR), le vote d’aujourd’hui n’est pas reconductible » mardi, alerte un cadre macroniste.
« Arithmétiquement, si on considère les positions politiques des groupes aujourd’hui, ça ne passerait pas mardi », abonde un député socialiste, voyant dans ce résultat serré un sérieux avertissement pour le gouvernement, même s’il constitue aussi un succès, quoique provisoire, après une série de gestes d’ouverture (compromis sur la hausse de la CSG sur les revenus du capital, promesse de ne pas augmenter les franchises médicales, etc.).
En parallèle, le Sénat poursuit l’examen du budget de l’État, abordant à son tour le volet des « dépenses » après avoir largement adopté la partie consacrée aux recettes. Vendredi, il a ainsi approuvé la suppression de 4000 postes d’enseignants souhaitée par le gouvernement.

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