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Les prescriptions de kétamine bondissent de 500 %, malgré peu de preuves d’efficacité contre la douleur chronique

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Photo: luchschenF/Shutterstock

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Durée de lecture: 6 Min.

Les prescriptions de kétamine pour traiter la douleur chronique ont explosé de plus de 500 % en seulement cinq ans. Pourtant, une revue scientifique conclut qu’il n’existe aucune preuve solide de son efficacité sur le long terme – et alerte sur des effets secondaires graves possibles, comme les délires ou la paranoïa.

« Nous encourageons les cliniciens à discuter ouvertement avec leurs patients des bénéfices incertains et des risques potentiels de la kétamine », explique Michael Ferraro, auteur principal de l’étude et doctorant à l’Université de Nouvelle-Galles du Sud et à Neuroscience Research Australia.

Cette hausse s’inscrit dans la recherche d’alternatives aux opioïdes pour traiter la douleur chronique. Développée à l’origine comme anesthésique et analgésique de courte durée, la kétamine est de plus en plus prescrite en off-label – c’est-à-dire en dehors de ses indications officielles – notamment contre la douleur persistante et la dépression.

Des effets secondaires préoccupants

La revue, publiée dans la Cochrane Library, souligne non seulement l’absence de preuves solides pour justifier son usage contre la douleur chronique, mais aussi les risques sanitaires liés à cette pratique détournée.

Menée par des chercheurs de l’UNSW Sydney, de NeuRA et de la Brunel University of London, la revue a analysé 67 essais cliniques randomisés portant sur plus de 2300 adultes.

Les résultats montrent qu’en comparaison avec un placebo, rien ne prouve clairement que la kétamine soulage la douleur chronique. En revanche, elle peut provoquer des effets indésirables comme des délires, de la confusion, de la paranoïa, des nausées ou des vomissements.

Les preuves disponibles ont été jugées de faible à très faible qualité, car beaucoup d’études présentaient des faiblesses méthodologiques et de petits échantillons. La kétamine agit en bloquant la douleur d’origine nerveuse via les récepteurs NMDA. À forte dose, elle entraîne une perte totale de conscience et de sensibilité ; à faible dose, elle procure une analgésie générale et une sédation. Actuellement, la FDA n’a validé son usage qu’en anesthésie générale.

Michael Ferraro précise que son équipe ne dit pas que la kétamine est inefficace, mais que les données restent trop incertaines : elles pourraient montrer un bénéfice… ou aucun effet. Le principal défi réside dans le dosage : trouver une quantité qui soulage la douleur sans déclencher de symptômes psychologiques, ce qui n’est pas toujours possible.

« Nos résultats suggèrent que recommander la kétamine dans les directives cliniques est prématuré », a-t-il déclaré. Selon lui, compte tenu de son usage répandu et de l’incertitude actuelle, il est urgent que les autorités financent des essais plus solides.

Les auteurs espèrent que leur travail aidera patients et médecins à mieux évaluer risques et bénéfices, tout en soulignant le besoin d’études plus rigoureuses.

Une demande croissante dans le contexte de la crise des opioïdes

L’essor de la kétamine reflète la quête d’alternatives aux opioïdes, de plus en plus réglementés. Mais les chercheurs appellent à la prudence : « Nous avons vu les ravages causés par l’utilisation de médicaments conçus pour la douleur aiguë appliqués à la douleur chronique – les opioïdes en sont l’exemple parfait », rappelle James McAuley, professeur. Il craint que la même dynamique ne se répète avec la kétamine.

La revue n’a trouvé aucune preuve solide que la kétamine soulage la dépression associée à la douleur chronique, ni qu’elle soit utile aux patients devenus tolérants aux opioïdes – deux arguments souvent avancés par ses partisans.

« Ces molécules, et la kétamine en particulier, sont déjà largement utilisées contre la douleur chronique. Pourtant, nous n’avons aucune preuve convaincante qu’elles apportent un réel bénéfice aux patients, même à court terme », souligne Neil O’Connell, professeur et co-auteur senior.

Des cliniciens défendent la kétamine

Certains spécialistes refusent toutefois de l’écarter. Le Dr Evan Peskin, anesthésiste-réanimateur et médecin de la douleur, cofondateur d’un centre spécialisé dans la kétamine, estime qu’il existe une « longue histoire » de recherches démontrant son intérêt dans certaines douleurs d’origine nerveuse.

« Il est incohérent de rejeter la kétamine faute de preuves tout en admettant que les données pourraient indiquer un bénéfice », souligne le Dr Peskin.

Il précise que, pour les patients souffrant de troubles graves et résistants aux traitements, comme les lésions nerveuses ou le syndrome de douleur régionale complexe – une forme de douleur chronique touchant généralement les membres – la kétamine peut représenter une option importante lorsque les autres thérapies échouent.

Le Dr Peskin insiste : la kétamine n’est pas expérimentale. C’est « un anesthésique bien établi, utilisé en toute sécurité depuis des décennies lorsqu’il est administré selon le protocole approprié ». Il compare les effets secondaires temporaires, comme nausées ou dissociation, à ceux de la chimiothérapie, estimant que ces désagréments passagers ne doivent pas occulter le potentiel soulagement à long terme.