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L’écrivain Raphaël Enthoven déprogrammé d’un festival à Besançon pour des propos sur Gaza

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Le philosophe et essayiste Raphaël Enthoven ne participera finalement pas au festival littéraire "Livres dans la Boucle", prévu du 19 au 21 septembre à Besançon. Grand Besançon Métropole, l'organisateur de cet événement littéraire majeur de la région, a officialisé mardi sa déprogrammation, provoquant un nouveau chapitre dans les débats sur la liberté d'expression et les limites du discours public.

Photo: : JOEL SAGET/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 6 Min.

La polémique n’aura duré que quelques jours. Le philosophe et essayiste Raphaël Enthoven ne participera finalement pas au festival littéraire « Livres dans la Boucle », prévu du 19 au 21 septembre à Besançon. Grand Besançon Métropole, l’organisateur de cet événement littéraire majeur de la région, a officialisé mardi sa déprogrammation, provoquant un nouveau chapitre dans les débats sur la liberté d’expression et les limites du discours public.

Une décision motivée par la préservation de la « sérénité »

« Les récentes déclarations polémiques de M. Enthoven sont de nature à remettre en cause la sérénité du déroulement du festival littéraire », a justifié une porte-parole de l’agglomération bisontine auprès de l’AFP. Cette décision intervient après une mobilisation de la section locale du Parti communiste français, membre de la majorité municipale de gauche qui dirige l’agglomération.
L’auteur de 54 ans devait présenter son dernier ouvrage « L’Albatros », un tombeau littéraire dédié à sa mère, publié à l’occasion de cette rentrée littéraire. Il était programmé pour un grand entretien le week-end du 20 septembre, dans le cadre d’un festival qui rassemble habituellement près de 200 auteurs et constitue l’un des événements culturels phares de Franche-Comté.

Les propos qui ont déclenché la controverse

La polémique trouve son origine dans des publications de Raphaël Enthoven sur le réseau social X, le 15 août dernier. « Il n’y a AUCUN journaliste à Gaza. Uniquement des tueurs, des combattants ou des preneurs d’otages avec une carte de presse », avait-il écrit, déclenchant immédiatement une vague de réactions indignées.
Le lendemain, loin de nuancer ses propos, le philosophe avait renchéri : « On connaît des dizaines d’exemples avérés de faux ‘journalistes’ qui sont en réalité des combattants du Hamas ou des preneurs d’otages. Combien d’exemples a-t-on de journalistes libres de travailler à Gaza qui ne soient liés ni de près ni de loin à l’organisation terroriste ? »
Ces déclarations s’inscrivent dans un contexte particulièrement sensible, alors que la guerre à Gaza a fait rage depuis octobre 2023 et que la question du traitement médiatique du conflit divise profondément l’opinion publique française.

Une mobilisation politique locale décisive

Mardi 2 septembre, l’antenne du parti communiste français à Besançon a interrogé l’invitation de l’écrivain Raphaël Enthoven au festival, dénonçant des « propos inadmissibles ». Dans leur communiqué, les élus communistes ont particulièrement critiqué ce qu’ils considèrent comme une légitimation des attaques contre les journalistes.
« Ces propos donnent tout simplement carte blanche à l’armée israélienne pour assassiner sans honte ceux qui voudraient informer et dénoncer ses forfaits », a dénoncé le PCF de Besançon, tout en condamnant par ailleurs les « insultes et menaces de mort » dont aurait fait l’objet l’essayiste après ses déclarations.
Cette position reflète les tensions qui traversent la gauche française sur la question israélo-palestinienne, entre soutien aux droits des Palestiniens et lutte contre l’antisémitisme.

Un contexte international particulièrement lourd

La polémique survient à un moment critique pour la liberté de la presse dans la bande de Gaza. « Au rythme où les journalistes sont tués à Gaza par l’armée israélienne, il n’y aura bientôt plus personne pour vous informer », alertaient des centaines de médias ce lundi 1er septembre, dans le cadre d’une campagne de mobilisation internationale initiée par Reporters sans frontières et Avaaz.
Plus de 250 médias dans 70 pays ont en effet participé à cette opération pour dénoncer le nombre de journalistes tués à Gaza, soit plus de 210 selon l’ONG Reporters sans frontières. Cette mobilisation internationale donne une résonance particulière aux propos de Raphaël Enthoven, perçus par ses détracteurs comme une négation de la réalité du travail journalistique dans l’enclave palestinienne.

Les enjeux de la liberté d’expression

Cette affaire relance le débat sur les limites de la liberté d’expression, particulièrement dans le contexte du conflit israélo-palestinien. Si les propos de Raphaël Enthoven sont protégés par le principe de libre expression, leur impact sur l’organisation d’événements culturels soulève des questions sur la responsabilité des organisateurs publics.
L’écrivain, habitué des plateaux télévisés et des débats intellectuels, n’en est pas à sa première polémique. Fils du philosophe Jean-Paul Enthoven et ancien compagnon de Carla Bruni, il s’est souvent distingué par des prises de position tranchées sur des sujets de société.

Un festival sous tension

Le festival « Livres dans la Boucle », qui fête cette année son édition anniversaire, se retrouve ainsi au cœur d’une polémique qui dépasse largement ses enjeux littéraires initiaux. Les organisateurs, soucieux de préserver l’ambiance conviviale de cette manifestation populaire, ont préféré éviter tout risque d’incident.
Cette décision illustre les difficultés croissantes des organisateurs culturels à naviguer entre exigences artistiques et pressions politiques, dans un contexte social de plus en plus polarisé. Elle pose également la question de savoir si l’invitation d’un auteur doit dépendre uniquement de la qualité de son œuvre littéraire ou si ses prises de position publiques constituent un critère légitime de sélection.
L’affaire Enthoven à Besançon s’inscrit ainsi dans une série d’annulations ou de déprogrammations qui jalonnent la vie culturelle française, révélant les tensions croissantes entre liberté d’expression, responsabilité publique et paix sociale dans l’espace culturel.