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Pékin veut isoler l’Australie et remodeler la sécurité régionale à son avantage 

La montée en puissance militaire de Pékin et ses actes de harcèlement naval sont désormais perçus comme une menace directe pesant sur les voies commerciales vitales de l’Indo-Pacifique, contraignant Canberra à renforcer son pacte AUKUS.

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Un hélicoptère de la marine chinoise vole à proximité d’un avion philippin du Bureau des ressources halieutiques au-dessus du récif de Scarborough, en mer de Chine méridionale, le 18 février 2025.

Photo: Ezra Acayan/Getty Images

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Durée de lecture: 9 Min.

La pression militaire croissante exercée par la Chine contraint l’Australie à multiplier les exercices de défense conjoints avec ses alliés, tout en incitant Canberra à réduire ses liens économiques avec Pékin, analysent plusieurs spécialistes.
« La plus grande accumulation militaire actuelle dans le monde », c’est la Chine, a averti Richard Marles, ministre australien de la Défense, lors de son discours d’ouverture à la conférence Indo-Pacifique 2025 organisée à Sydney le 4 novembre.
Il a souligné que la sécurité des voies maritimes demeure au cœur des intérêts nationaux australiens, et que le travail de la marine pour les protéger en mer de Chine méridionale et en mer de Chine orientale devient « de plus en plus risqué ».
M. Marles a également précisé que cette montée en puissance, opérée « sans garantie stratégique », contraint l’Australie, tout comme bon nombre de pays, à « réagir ».

Multiplication des actes hostiles

Analysant l’avertissement du responsable australien, Lin Ting-hui, secrétaire général adjoint de la Société taïwanaise de droit international, estime que Canberra se sent intimidée par l’attitude militaire de Pékin – une inquiétude mise en relief par un incident récent entre les deux nations.
« Lorsqu’un avion de chasse chinois a largué des fusées éclairantes près d’un avion de surveillance australien en mer de Chine méridionale, les Australiens ont compris que l’expansion chinoise était très agressive », a souligné M. Lin à Epoch Times.
M. Lin faisait référence à un incident survenu le 19 octobre, lorsqu’un aéronef chinois a adopté un comportement « dangereux et non professionnel », selon un communiqué ultérieur des forces armées australiennes.
M. Lin ajoute que les ambitions expansionnistes de la Chine ne se limitent pas à la mer de Chine méridionale : son influence grandissante dans le Pacifique Sud est perçue comme une menace profonde par l’Australie, qui demeure le principal partenaire de sécurité de nombre d’îles du Pacifique.
« En particulier dans des endroits comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Îles Salomon et les Îles Fidji, la Chine utilise la coopération en matière de sécurité comme prétexte pour s’engager auprès de ces nations. Les Australiens y voient clairement une menace pour leur défense nationale », a expliqué M. Lin.
Richard Herr, chargé d’enseignement à la Faculté de Droit de l’Université de Tasmanie, explique que la montée en puissance navale chinoise est « un sujet de préoccupation mondiale » et porte atteinte à la liberté de navigation – l’un des principaux objectifs de Canberra dans l’Indo-Pacifique.
« Au cours des deux dernières décennies, la Chine a développé une marine de haute mer capable d’aller partout, de sorte que la portée de sa puissance incite clairement les gens à se recentrer sur leurs intérêts en matière de sécurité », a souligné M. Herr à Epoch Times.
M. Herr cite les déploiements chinois dans les mers lointaines en février et mars 2025, qui illustrent la nécessité pour Canberra de renforcer sa réaction face à l’expansion de Pékin. En février et mars, la marine de l’Armée populaire de libération (APL) a mené des exercices à balles réelles dans l’Indo-Pacifique, notamment entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande, et effectué sa première circumnavigation de l’Australie.
« Cette initiative semblait délibérément agressive. Il ne s’agissait pas seulement de tester la capacité des navires à naviguer, mais plutôt de dire : « Nous allons le faire, nous ne vous en informerons pas, et vous devriez vous en inquiéter », observe M. Herr.

Le navire ravitailleur de classe Fuchi, Weishanhu, de la marine chinoise, en mer des Salomon. (Département australien de la Défense)

Comment Canberra va-t-elle réagir ?

Lors de la conférence, M. Marles a insisté sur la nécessité pour les forces australiennes de projeter leur intervention, grâce à « une marine de surface et une flotte sous-marine à longue portée et hautement performantes ».
M. Herr voit dans cette évolution une riposte nécessaire à la stratégie musclée d’intimidation de Pékin, notant que Canberra réagit en renforçant l’accord AUKUS : un pacte de sécurité trilatéral avec le Royaume-Uni et les États-Unis, destiné à défendre la sécurité dans l’Indo-Pacifique.
« [Cela signifie] que nous ne nous contentons pas d’assurer la défense côtière de l’Australie, mais que nous faisons partie d’une capacité plus large permettant de déployer des forces si nécessaire, plus près de la Chine si cette dernière en venait à le rendre nécessaire », indique M. Herr.
Le 5 novembre, dans le cadre du plan AUKUS, le constructeur principal BAE Systems a annoncé un accord avec trois sociétés visant à installer des systèmes de combat sur les nouveaux sous-marins SSN-AUKUS.
Outre AUKUS, M. Herr ajoute que l’Australie a tissé des liens sécuritaires et militaires plus étroits avec ses voisins (Japon, Inde, Indonésie) afin de contrecarrer les accords portuaires chinois en Asie du Sud-Est.
« Ces dispositions sont indispensables pour éviter que nous-mêmes, mais aussi nos voisins, soyons victimes d’intimidations par cette capacité chinoise », souligne-t-il.
M. Lin indique que Canberra veut resserrer ses relations avec les pays partageant ses valeurs et renforcer la capacité de ses alliés par la multiplication des exercices militaires conjoints.
« Il existe déjà des organisations comme le partenariat quadrilatéral Indo-Pacifique (Quad), l’exercice naval Malabar, ou encore les exercices américano-philippins “Shoulder-to-Shoulder”. L’Australie va élargir ces partenariats pour renforcer les alliances face à la pression militaire chinoise », anticipe M. Lin.

Un hélicoptère Apache survole le char Sabrah et le canon Atmos 155 mm lors d’un exercice militaire à la plage à Aparri, province de Cagayan, Philippines, durant l’exercice américano-philippin du 3 mai 2025. (Ezra Acayan/Getty Images)

Le harcèlement pourrait fragiliser les relations

Mais tous ces actes offensifs de Pékin visent, selon M. Lin, à isoler l’Australie – l’un des alliés indo-pacifiques les plus importants des États-Unis – et à contraindre Canberra si un conflit éclatait dans le détroit de Taïwan ou la mer de Chine méridionale.
« Si l’Australie renforce ses capacités, elle pourrait contrer les stratégies perturbatrices de la Chine, mais si les capacités de la Chine continuent de croître tandis que l’Australie reste à la traîne, elle sera perturbée lorsqu’elle tentera d’aider les forces américaines ou japonaises », poursuit M. Lin.
M. Herr souligne toutefois que les manœuvres d’intimidation militaire chinoises et l’historique de coercition économique font craindre de nouvelles sanctions, ce qui pousserait Canberra à réduire davantage ses liens économiques – une évolution qui tendrait les relations bilatérales.
« La relation commerciale avec la Chine n’est ni strictement commerciale ni véritablement amicale – et il faut en tenir compte », observe M. Herr.
« Nous cherchons à diversifier nos liens économiques et sécuritaires afin d’être moins dépendants de la Chine. D’où ce rapprochement avec les démocraties est-asiatiques comme le Japon, la Corée et les Philippines : pour que nous ayons, dans notre zone régionale, des partenaires sur lesquels compter. »
Jarvis Lim est un écrivain basé à Taïwan qui s'intéresse particulièrement aux droits de l'homme, aux relations entre les États-Unis et la Chine, à l'influence économique et politique de la Chine en Asie du Sud-Est et aux relations entre la Chine continentale et Taïwan.

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