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La déforestation au cœur de l’accord de libre-échange conclu entre l’Indonésie et l’Union européenne

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Vue d'un terrain récemment défriché pour la plantation d'huile de palme dans la forêt tourbeuse de l'écosystème de la tourbière de Singkil Leuser, habitat de l'orang-outan de Sumatra (Pongo abelii) dans le village d'Iemeudama, le 13 novembre 2016, dans le sous-district de Trumon, dans la province d'Aceh, en Indonésie.

Photo: Ulet Ifansasti/Getty Images

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Durée de lecture: 6 Min.

L’Indonésie et l’Union européenne (UE) ont signé mardi un accord de libre-échange à l’issue de longues négociations marquées par la question sensible de la déforestation et des produits qui y sont liés, notamment l’huile de palme.

Paraphé par le ministre indonésien de l’Économie, Airlangga Hartarto, et le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, le CEPA (Accord de partenariat économique global) doit faciliter les échanges entre les Vingt-Sept et la première économie d’Asie du Sud-Est.

Une négociation freinée par l’huile de palme et la législation anti-déforestation

Les discussions avaient été retardées par l’opposition de Bruxelles aux produits issus de la déforestation, en particulier l’huile de palme, dont l’Indonésie est un grand exportateur. L’UE a adopté une législation interdisant l’importation de ces produits, dont l’entrée en vigueur était prévue fin 2024, mais la Commission a proposé mardi de la reporter à fin 2026.

« La mise en place du système informatique de surveillance des forêts nécessite davantage de temps », a justifié la commissaire européenne à l’Environnement, Jessika Roswall.

Un protocole spécifique sur l’huile de palme a été intégré à l’accord afin de « maximiser le potentiel du CEPA pour soutenir le commerce d’huile de palme durable » et de créer « une plateforme de dialogue » sur les évolutions réglementaires. Selon M. Airlangga, M. Sefcovic a promis un « traitement spécial » pour Jakarta concernant cette politique.

L’Indonésie et la Malaisie représentent à elles deux environ 85 % de la production mondiale d’huile de palme, utilisée dans les cosmétiques, l’agroalimentaire et les biocarburants. Cette culture est l’une des principales causes de déforestation en Asie du Sud-Est, où plusieurs millions d’hectares de forêts tropicales ont été détruits au cours des dernières décennies pour laisser place à des plantations.

Les défenseurs de l’environnement redoutent que cet accord entraîne une intensification de la déforestation. « Les forêts naturelles restantes dans les concessions de palmiers à huile seront potentiellement défrichées dans un avenir proche et converties en plantations », a alerté Syahrul Fitra de Greenpeace Indonésie.

La loi européenne anti-déforestation est critiquée par plusieurs pays exportateurs, dont les États-Unis, le Brésil et l’Indonésie, qui estiment qu’elle constitue une barrière commerciale déguisée et qu’elle pénalise leurs secteurs clés comme l’huile de palme, le soja ou la viande bovine, le bois et ses dérivés.

Le coup de pouce des droits de douane américain

La négociation s’est accélérée après la décision de l’administration Trump d’imposer des droits de douane plus élevés. Taxée à 19 % par les États-Unis, Jakarta a cherché à diversifier ses débouchés vers l’Europe, tandis que les Vingt-Sept, eux aussi visés par Washington, cherchaient de nouveaux partenaires commerciaux.

« Cette signature (…) a été finalisée en raison de la guerre tarifaire de Donald Trump. L’Indonésie doit chercher un marché alternatif en Europe et l’Europe (…) a besoin d’un marché à pénétrer », a commenté Bhima Yudhistira Adhinegara, directeur exécutif du Centre d’études économiques et juridiques de Jakarta.

Les retombées de l’accord

Selon l’accord, 80 % des produits indonésiens exportés vers l’UE bénéficieront de droits de douane nuls, a précisé M. Airlangga. Cela concernera notamment les chaussures, textiles, produits de la pêche et l’huile de palme.

Pour Bruxelles, « notre accord avec l’Indonésie crée de nouvelles opportunités pour les entreprises et les agriculteurs » et « nous assure également un approvisionnement stable et prévisible en matières premières essentielles », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans un communiqué.

Kaja Kallas (au c.), haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne, marche aux côtés du ministre indonésien des Affaires étrangères Sugiono (à dr.) lors du 32e Forum régional de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) organisé dans le cadre de la 58e réunion des ministres des Affaires étrangères de l’ASEAN et des réunions connexes au Centre des congrès de Kuala Lumpur, le 11 juillet 2025. (MOHD RASFAN/AFP via Getty Images)

Les exportateurs européens devraient économiser environ 600 millions d’euros par an en droits de douane grâce à cet accord, qui ouvre aussi la voie à des investissements en Indonésie dans les secteurs des véhicules électriques, de l’électronique et de la pharmacie.

Avec 30,1 milliards de dollars (25,6 milliards d’euros) d’échanges en 2024, l’UE est le cinquième partenaire commercial de l’Indonésie.

Une ratification encore nécessaire

Le texte doit désormais être ratifié par les Parlements des 27 États membres de l’UE et de l’Indonésie avant une entrée en vigueur prévue en 2027.