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La Chine « verte » fonctionne au charbon sale

Des employés travaillent sur des modules solaires destinés à l'exportation dans une usine de Lianyungang, dans l'est de la province du Jiangsu, en Chine, le 4 janvier 2024.
Photo: STR/AFP via Getty Images
En 2020, la Chine a annoncé son intention d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2060, avec un pic des émissions prévu en 2030, suivi d’une baisse par la suite.
Selon Gao Yuhe, chef de projet basé à Pékin cité par Greenpeace le mois dernier, cette date pourrait être avancée. Il a déclaré que « 2025 est une année cruciale pour la Chine afin de mettre un terme à l’augmentation globale des émissions de son secteur énergétique ».
En matière d’énergie dite verte, les autorités chinoises font de belles promesses, mais agissent-elles concrètement pour réduire l’utilisation du charbon, très polluant ?
Pas vraiment. De plus, l’argument écologique dans son ensemble présente de nombreuses failles. Nous y reviendrons plus tard.
Technologie verte
La Chine est en effet un leader mondial dans le développement, la fabrication et l’installation de technologies vertes. Aucun autre pays ne peut rivaliser avec sa production de panneaux solaires, d’éoliennes, de batteries et autres technologies liées aux énergies renouvelables. Au cours des cinq premiers mois de 2025, la Chine a ajouté suffisamment d’infrastructures solaires et éoliennes pour produire autant d’électricité que la Pologne, l’Indonésie ou la Turquie. À partir de cette année, la capacité de production d’énergie solaire de la Chine représente environ 50 % de la capacité mondiale actuelle.
Sous l’impulsion de Pékin, cette tendance devrait se poursuivre. La Chine est non seulement à la pointe du déploiement des ressources renouvelables, mais elle domine également le marché mondial. Aucun autre pays ne peut rivaliser avec les prix bas pratiqués par la Chine dans le domaine des technologies liées aux énergies renouvelables.
La question des prix est toutefois un sujet sensible pour le reste du monde, car la domination chinoise repose sur des subventions publiques et des prix inférieurs aux coûts sur les marchés étrangers. C’est ce qu’on appelle le « dumping », une pratique contraire aux règles commerciales, car elle nuit considérablement aux secteurs de fabrication d’énergies renouvelables des autres pays. Mais c’est un autre débat, qui fera l’objet d’un autre article.
Le paradoxe énergétique de la Chine
Mais en termes d’utilisation des énergies renouvelables et de dépendance au charbon pour la production d’énergie, la situation énergétique de la Chine est plutôt paradoxale. D’un côté, la Chine est effectivement le leader mondial dans le déploiement des énergies renouvelables ; de l’autre, elle est également le leader mondial en matière d’utilisation du charbon, de dépendance à celui-ci et de pollution atmosphérique.
En bref, la Chine n’est pas seulement le plus grand producteur mondial d’énergie renouvelable, mais aussi le plus grand producteur et consommateur mondial de charbon et d’émissions de carbone.
Comment cela s’accorde-t-il avec son image de leader mondial dans le domaine des énergies propres ? Pas très bien. De plus, aucune de ces statistiques n’est susceptible de changer dans un avenir proche, malgré les déclarations officielles affirmant le contraire concernant la consommation de charbon.
La sécurité énergétique est une priorité absolue
La raison de la politique énergétique schizophrénique de la Chine est évidente : l’avenir de l’approvisionnement énergétique de la Chine est tout sauf certain ou sûr. C’est une préoccupation majeure pour le Parti communiste chinois (PCC), car la fiabilité des énergies renouvelables solaires et éoliennes est bien inférieure à celle du charbon. Les conditions météorologiques jouent un rôle déterminant, et aucune nation développée ne peut se permettre une telle incertitude énergétique.
Le PCC est douloureusement conscient de sa vulnérabilité énergétique, ce qui explique pourquoi, en 2024, la Chine a approuvé 66,7 gigawatts (GW) de nouvelle capacité de centrales à charbon et a commencé la construction de 94,5 GW de nouvelles centrales à charbon, un record en dix ans. Pour se faire une idée de l’ampleur des projets de construction de centrales à charbon en Chine, il suffit de savoir que 93 % des mises en chantier mondiales de centrales à charbon en 2024 se sont faites en Chine. De plus, 1 GW correspond à la production d’une seule grande centrale à charbon.
Ce fait explique également pourquoi la Chine est le premier producteur et importateur mondial de charbon en termes de volume. Bien que les importations de charbon ne couvrent qu’une petite partie de ses besoins énergétiques colossaux, la Chine en a importé 442 millions de tonnes en 2023 et un volume record de 542,7 millions de tonnes en 2024.
Bien que les projections concernant la consommation de charbon en Chine indiquent une légère baisse en 2025, la tendance en matière d’utilisation du charbon et de dépendance énergétique est indéniable. La Chine ne se contente pas de construire à toute vitesse de nouvelles centrales à charbon, elle a également repris la construction de projets de centrales à charbon suspendus d’une capacité totale de 3,3 GW. Avec une durée de vie historique mondiale des centrales à charbon d’environ 46 ans, et la possibilité qu’elles durent jusqu’à 60 ans, il est clair que Pékin n’a pas l’intention de passer aux énergies renouvelables comme principale source d’énergie dans un avenir proche.
L’illusion verte des « énergies renouvelables »
L’énergie verte est en soi une illusion.
Tout d’abord, les matériaux utilisés dans les éoliennes et les panneaux solaires, ainsi que les batteries nécessaires au stockage de l’énergie, doivent tous être extraits du sol, tout comme les matières nucléaires, le charbon, le pétrole et le gaz naturel. Une fois épuisés, il faut en produire davantage. Il s’agit donc en réalité de facteurs de production non renouvelables qui sont commodément laissés de côté dans le calcul écologique et qui sont loin d’être neutres en carbone ou respectueux de l’environnement.
Deuxièmement, étant donné le caractère imprévisible de l’énergie éolienne et solaire, ces deux sources d’énergie dépendent des conditions météorologiques et d’autres variables.
Troisièmement, la faible densité énergétique de l’énergie éolienne et solaire (voir la récente panne d’électricité en Espagne ou la crise énergétique en Allemagne en 2022) signifie que la quantité de matériaux à extraire de la terre, tels que les minéraux rares, le pétrole pour les plastiques et divers métaux nécessaires à la création des infrastructures, est énorme et continue. Et lorsqu’ils ne sont plus viables, bon nombre de ces matériaux ne peuvent pas être recyclés à moindre coût.
Ça a l’air écologique, non ?
Quatrièmement, une étude menée à l’université du Texas à Austin comparant les énergies renouvelables au gaz naturel a conclu que « l’éolien et le solaire sont respectivement 33 et 23 fois plus néfastes que le gaz naturel en termes de rareté des ressources minérales » et que « lorsque l’on tient compte du stockage par batterie, leur impact augmente considérablement, les rendant respectivement 421 et 412 fois plus néfastes ».
Cinquièmement, même les groupes de réflexion favorables aux énergies renouvelables, comme le Centre Kleinman pour la politique énergétique de l’Université de Pennsylvanie, voient se profiler un énorme problème non résolu, affirmant que « la transition vers les énergies propres nécessitera une mobilisation économique d’une ampleur sans précédent depuis la révolution industrielle et mettra à rude épreuve la production mondiale de silicium, de cobalt, de lithium, de manganèse et d’une multitude d’autres éléments essentiels ».
Au vu de ces faits, le maintien par la Chine de ses centrales à charbon est tout à fait logique, malgré les conditions météorologiques, l’environnement et la propagande.

James Gorrie est un journaliste basé au Texas. Il est l'auteur de "The China Crisis".
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