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Opinion

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Pékin cible le Japon pour miner la détermination de Taïwan

La nouvelle dirigeante conservatrice du Japon bouleverse les plans de la Chine dans le Pacifique.

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La Première ministre japonaise Sanae Takaichi lors d’une conférence de presse après le sommet des dirigeants économiques de la Coopération économique Asie Pacifique (APEC) en 2025 à Gyeongju, en Corée du Sud.

Photo: Chung Sung Jun/Getty Images

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Durée de lecture: 7 Min.

À l’image de son héroïne politique Margaret Thatcher, ancienne Première ministre britannique, Sanae Takaichi, première femme à diriger le Japon et nouvelle cheffe de file conservatrice, n’a pas peur de faire des vagues dans la région Asie‑Pacifique. Certains de ses récents choix de politique étrangère ont déjà secoué Pékin, à juste titre.

La fin du pacifisme japonais

Face à l’agressivité croissante du régime chinois dans l’Indo‑Pacifique, Tokyo a réévalué ses besoins en matière de sécurité régionale et s’engage désormais vers une politique de défense bien plus active.
Sous la houlette de Mme Takaichi, le Japon abandonne sa posture sécuritaire pacifiste héritée de l’après‑guerre pour adopter une approche plus offensive et directe, identifiant la Chine communiste comme « le plus grand défi stratégique » du pays. Cette inflexion stratégique rompt avec quatre‑vingts années de relative passivité, durant lesquelles Tokyo s’est reposé sur la garantie de sécurité offerte par les États‑Unis.
Ce contexte n’est plus d’actualité.

Un rôle accru en matière de sécurité régionale

Mme Takaichi s’est engagée à soutenir ouvertement l’armée américaine, y compris en cas de crise à Taïwan, si Pékin décidait d’intervenir militairement. Le Japon apporterait alors des bases, voire engagerait ses propres forces navales ou terrestres. Cet engagement s’accompagne de plaidoyers pour le renforcement de l’armée, l’augmentation des dépenses publiques pour soutenir la croissance, le développement de la fusion nucléaire et de la cybersécurité, ainsi que l’adoption de politiques migratoires plus strictes.
La nuance semble avoir disparu du nouvel arsenal diplomatique japonais. Le ton, tranché et direct, exprime clairement que la sécurité de Taïwan est considérée, à Tokyo, comme un impératif existentiel pour la sécurité nationale.
Ce lien entre sécurité japonaise et taïwanaise a été martelé, tant par les commentateurs de l’alliance nippo‑américaine que par les stratèges militaires japonais et les chercheurs de la Heritage Foundation.
Aujourd’hui, la dynamique géopolitique d’Asie de l’Est évolue rapidement alors que le Japon s’affirme comme un acteur régional de poids, contrebalançant les ambitions de Pékin envers Taïwan et la région.

La réaction virulente du PCC face à l’audace japonaise : plus qu’une stratégie

La réaction du Parti communiste chinois à la fermeté de la nouvelle Première ministre et à sa posture sécuritaire visant la Chine n’a pas tardé, ni manqué de vigueur. Cela relève de l’euphémisme : le consul général chinois à Osaka a menacé de « couper la tête répugnante » de Mme Takaichi — un post rapidement supprimé, mais le message était clair. Quelques jours plus tard, le ministère chinois des Affaires étrangères a publié sur X un avertissement à l’adresse du Japon : « Cessez de jouer avec le feu sur la question de Taïwan. »
Pourquoi réagir avec tant de dureté ? Plusieurs raisons politiques, stratégiques et diplomatiques l’expliquent.
D’abord, la nouvelle doctrine de défense japonaise bat en brèche l’un des postulats stratégiques clés de Pékin : le Japon, pensait‑on, resterait discret et éviterait tout engagement direct en cas de conflit à Taïwan. La posture actuelle annule cette assurance et complique toute velléité de réunification forcée.

Des missiles sol‑mer déployés lors d’un exercice de tir de la Force terrestre d’autodéfense japonaise, au pied du Mont Fuji, à Gotemba (préfecture de Shizuoka), le 8 juin 2025. (Tomohiro Ohsumi/Getty Images)

Par ricochet, Taïwan s’estime renforcé par la nouvelle posture nippone, ruinant ainsi les efforts de Pékin pour démoraliser Taipei, affaiblir sa détermination et réduire les oppositions politiques à la mainmise chinoise.
Pékin sait par ailleurs que les îles du sud-ouest du Japon deviendraient, en cas de conflit, des points d’appui cruciaux pour les forces nippo-américaines, facilitant l’acheminement logistique et le déploiement des troupes. L’acquisition récente par Tokyo de missiles hypersoniques fragilise par ailleurs les positions chinoises.
Mais surtout, le fait que le Japon lie publiquement sa survie à celle de Taïwan inquiète le PCC, car cette stratégie fédère les démocraties régionales — tout l’inverse de ce que recherche le régime chinois.
La réaction de Pékin ne relève pourtant pas uniquement de la stratégie ou de la question taïwanaise. Elle se nourrit aussi d’un passé douloureux et très émotionnel. Dans sa communication officielle, le PCC dénonce régulièrement les exactions japonaises de la Seconde Guerre mondiale pour attaquer Tokyo, instrumentalisant l’Histoire à des fins politiques et de propagande.
Cela éclaire la vigueur des critiques de Pékin, alors même que le Japon a décidé d’accroître massivement ses budgets de Défense, de réorganiser son commandement militaire et d’acquérir des missiles à longue portée.

Tokyo dans le viseur de Pékin

Le nouveau leadership japonais bouleverse l’équilibre de tout le Pacifique, ce dont le PCC est parfaitement conscient. Le Japon, d’ailleurs, n’agit pas seul : il considère Washington comme un partenaire indispensable. Les États‑Unis poursuivent le réajustement de leur stratégie vers l’Indo‑Pacifique, avec à la clé un renforcement des structures de commandement, une coordination accrue des industries de défense nippones et américaines, ainsi qu’un projet conjoint d’expansion du bouclier antimissile.
L’indignation de Pékin à l’égard de Tokyo se traduit par des attaques médiatiques et des menaces économiques, toutes visant le Japon. Un exemple récent est la réaction virulente de Pékin à l’égard du gouvernement japonais suite à des commentaires sur Taïwan, qualifiés d’« outrageants » et dont le retrait a été exigé. Un autre exemple est la stratégie plus large de Pékin consistant à punir le Japon sur les plans économique et politique lorsque Tokyo sort du rang sur les questions relatives à Taïwan ou à la sécurité.
En affichant une posture de Défense très affirmée, en soutenant Taïwan et en contestant l’influence chinoise dans la région, Tokyo se trouve aujourd’hui au centre du viseur de Pékin.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.