La Chine impose l’enseignement du mandarin dans les écoles de Mongolie intérieure, suscitant la crainte d’une disparition culturelle

Des Mongols manifestent contre le projet chinois d'introduire des cours dispensés uniquement en mandarin dans les écoles de Mongolie intérieure, sur la place Sukhbaatar à Oulan-Bator, la capitale de la Mongolie, le 15 septembre 2020.
Photo: Byambasuren Byamba-Ochir/AFP via Getty Images
Les autorités chinoises ont mis en œuvre un profond virage en matière de politique linguistique dans la région de Mongolie intérieure, imposant le mandarin comme langue principale d’enseignement pour l’ensemble des programmes scolaires. Nombre de Mongols ont récemment exprimé auprès d’Epoch Times une vive inquiétude quant à la préservation de leur langue, de leur culture et de leur identité.
Toutes les personnes interrogées ont refusé de donner leur nom complet par crainte de représailles des autorités.
Selon les nouvelles règles, introduites progressivement depuis 2020 et désormais pleinement en vigueur, la majorité des matières – mathématiques, histoire, politique – doivent être enseignées en mandarin. Seul un cours reste dédié à la langue mongole.
Les enseignants mongols qui dispensaient auparavant ces matières dans leur langue sont réaffectés ou contraints de suivre une formation afin d’enseigner en mandarin.
« J’ai enseigné les mathématiques en Mongolie plus de dix ans. Depuis l’automne dernier, j’ai dû basculer entièrement vers l’enseignement en mandarin. La formation a été précipitée, et nombre d’entre nous peinent à s’adapter. Les élèves ont encore plus de difficultés à suivre en classe », témoigne Saren, institutrice dans une école primaire de la région, lors d’un entretien avec l’édition chinoise d’Epoch Times.
Dans une école primaire d’Ordos, une autre enseignante, Naren-Gowa, a observé que des élèves auparavant excellents ont vu leurs notes chuter brutalement depuis le changement de langue.
Elle évoque le cas d’un élève de CE2 qui réussissait en mathématiques avant le passage au mandarin.
« Ses parents pensaient qu’il se relâchait », explique-t-elle.
Certains s’inquiètent des conséquences culturelles à long terme.
« Si les manuels nationaux en mandarin sont utilisés dès le primaire, notre langue maternelle disparaîtra peu à peu. Et si notre langue disparaît, il en ira de même pour notre identité ethnique », confie Adma, parent originaire de Hulun Buir.
« C’est ça qui nous effraie le plus. Que va-t-il advenir de nos enfants et du peuple mongol dans l’avenir ? »
Par ailleurs, les fonctionnaires mongols sont désormais tenus de s’exprimer en mandarin lors de tout événement public.
« Ce climat nous fait craindre de parler mongol, même entre nous », déclare un responsable local à Epoch Times. « Nous redoutons d’être perçus comme arriérés ou incompétents. »
Dans certaines écoles, les bureaux du personnel réunissent enseignants han et mongols afin de favoriser l’intégration. Une enseignante rapporte que cette politique a provoqué des tensions.
« Une collègue m’a demandé de ne pas parler mongol au bureau. Je me suis sentie étrangère dans mon propre lieu de travail », raconte-t-elle anonymement, de peur des représailles.
Efforts d’assimilation culturelle de longue date
Cette réforme linguistique s’inscrit dans une longue campagne menée par le Parti communiste chinois (PCC) pour assimiler les minorités ethniques du pays.
Le PCC a imposé des mesures similaires d’enseignement exclusivement en mandarin au Xinjiang et au Tibet – régions où la population non-Han est nombreuse – suscitant la réprobation de nombreux observateurs internationaux, parlementaires et organisations de défense des droits humains.
Le 29 janvier, le Southern Mongolian Human Rights Policy Act (Loi sur la politique des droits de l’homme en Mongolie méridionale, ndlr) a été présenté au Sénat américain. Ce texte vise à soutenir et protéger les droits linguistiques et culturels des Mongols de Chine, notamment le droit à l’enseignement en langue mongole.
« Nos enfants rentrent à la maison en ne parlant que le mandarin », confie un père de Xilingol, interrogé anonymement par l’édition chinoise de Epoch Times, par crainte de représailles.
« Ils ne savent plus écrire le mongol, et ne veulent plus le parler. Nous essayons de pratiquer la langue à la maison, mais le poids de l’environnement scolaire est trop fort. »
« Nous ne sommes pas opposés à l’apprentissage du mandarin. Mais ça ne devrait pas se faire au détriment de notre langue maternelle. »
Lorsque le premier volet de la réforme linguistique de Pékin a été mis en place en 2020, il a entraîné de vastes protestations. Les parents ont gardé leurs enfants chez eux, des éleveurs ont manifesté, et des enseignants ont refusé de s’y conformer.
Les autorités ont réagi par la surveillance, des arrestations et la censure. Les discussions en ligne ont été rapidement supprimées des réseaux sociaux chinois. Au fil des années, avec l’intensification du contrôle étatique, la plupart des parents se sont résignés au silence, craignant des conséquences pour l’avenir de leurs enfants, selon les organisations de défense des droits.

Des parents patientent devant une école à Tongliao, dans le nord de la Mongolie intérieure, le 10 septembre 2020. (Noel Celis/AFP via Getty Images)
« Il y a cinq ans, les gens se sont mis en grève, ont retiré leurs enfants de l’école et ont soumis des pétitions au gouvernement », raconte Baolerima, activiste mongol vivant désormais aux États-Unis, dans un récent entretien avec Epoch Times. « La police a arrêté beaucoup de personnes. Nous avons aussi protesté à l’étranger, mais rien n’a changé. »
Peuple traditionnellement nomade, les Mongols ont enrichi leur langue d’un vocabulaire très précis, notamment concernant les chevaux. Ils disposent de nombreux termes pour décrire les races, couleurs, marques, tempéraments et comportements des chevaux, reflétant l’importance vitale de l’animal dans leur quotidien.
La langue mongole intègre également des mots spécifiques pour les paysages, les phénomènes météorologiques et le comportement animal – des connaissances essentielles pour survivre dans les steppes et déserts hostiles de leur région.
Pour bien des Mongols, la défense de leur langue dépasse la simple communication : elle incarne leur identité, leur survie et leur dignité.
« Le mongol n’est pas qu’une langue », insiste Adma. « C’est ce que nous sommes. »
Yang Qian a contribué à la rédaction de cet article.

Olivia Li collabore avec Epoch Times sur des sujets liés à la Chine depuis 2012.
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