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La Chine multiplie les incitations au mariage face à la chute du taux de noces
Dans certaines provinces, des orphelinats constatent parallèlement une hausse des adoptions, signe que de plus en plus de Chinois choisissent d’élever des enfants sans passer par l’institution matrimoniale.

Wang Yanlong montre les 1500 yuans (177 €) qu'il a reçus du gouvernement local après son mariage début janvier, dans un bureau administratif de Luliang, dans la province du Shanxi, au nord de la Chine, le 11 février 2025.
Photo: ADEK BERRY/AFP via Getty Images
Partout en Chine, les administrations locales déploient des mesures incitatives afin d’encourager les habitants à se marier, sur fond de chute du nombre de mariages.
Un responsable des affaires civiles du Sichuan a récemment confié à l’édition chinoise d’Epoch Times que les autorités avaient fixé des quotas explicites d’enregistrements, contraignant les bureaux locaux à afficher chaque mois une hausse du nombre de nouveaux couples.
« En juin, les autorités supérieures nous ont ordonné d’améliorer le dispositif d’enregistrement des mariages, de lever les obstacles et d’augmenter de 20 % le nombre d’inscriptions chaque mois », témoigne ce fonctionnaire, resté anonyme par crainte de représailles. « Désormais, tout le monde s’efforce d’atteindre ces objectifs. On nous demande même de convaincre les divorcés de se remarier et de rapprocher des seniors célibataires. »
Il précise que ces quotas sont devenus plus précis : « On nous indique désormais combien de couples doivent se marier chaque mois, mais où trouver des volontaires ? Ceux qui souhaitaient se marier l’ont déjà fait. »
Le mariage, nouvel indicateur de performance
Cette offensive fait suite à un décret du Conseil d’État, signé par le Premier ministre Li Qiang en avril, révisant la réglementation sur l’enregistrement des mariages, entrée en vigueur en mai. Ce texte enjoint les administrations locales à renforcer l’accompagnement des couples et à instaurer des dispositifs de conseil familial. Beaucoup d’élus y voient une injonction à promouvoir activement l’union matrimoniale, selon plusieurs observateurs de la Chine.
Depuis le début de l’année 2025, les collectivités multiplient ainsi les incitations : primes, bons d’achat, aides diverses.
Selon les médias officiels, à Luliang, dans la province du Shanxi, les nouveaux époux de moins de 35 ans touchent une prime de 1500 yuans (180 €). Le mois dernier, la ville de Ningbo, dans le Zhejiang, a commencé à distribuer des bons de mariage d’une valeur de 1000 yuans (120 €), initiative rapidement imitée à Shaoxing et Hangzhou. À Nanling, village aisé de la municipalité de Canton, un couple titulaire de parts locales peut percevoir jusqu’à 200.000 yuans (environ 23.000 €) d’aide à la nuptialité et à la naissance.
Ces mesures suscitent de vives critiques sur les réseaux sociaux chinois.
« Le mariage est un choix personnel, pas un indicateur de performance gouvernementale », pointe un internaute.
Un autre ajoute : « Ceux qui subissaient la pression familiale pour se marier en subissent désormais une double ».
L’essor des adoptions
Dans le même temps, les institutions d’accueil du Sichuan constatent une vague inédite d’adoptions.
« Beaucoup ne veulent plus se marier : ils viennent directement adopter », relate Mme Wang, salariée d’un orphelinat provincial, qui souhaite garder l’anonymat. « Les enfants en bonne santé sont immédiatement adoptés. Les gens attendent en file, certains proposent même de devenir bénévoles pour être prioritaires lorsqu’un enfant est disponible. »
Selon elle, seuls les enfants lourdement handicapés restent sans famille ; « même les petits présentant des handicaps légers sont adoptés ».
« Les gens préfèrent adopter plutôt que de se marier », analyse-t-elle, y voyant le symptôme d’un désintérêt croissant pour la famille traditionnelle.
Le désamour du mariage s’installe
Le taux officiel de mariage en Chine décline depuis une décennie, atteignant des records à la baisse malgré les efforts des autorités pour enrayer la crise démographique.
Selon les dernières données du ministère des Affaires civiles, environ 6,1 millions de mariages ont été enregistrés en 2024, soit une chute de 20,5 % par rapport à 2023 (7,68 millions). Depuis 2014, les inscriptions déclinent : 6,84 millions en 2022, avant un léger rebond en 2023. Le chiffre 2024 correspond à moins de la moitié du niveau record de 2013.
« Avec un chômage élevé et si peu de perspectives, surtout dans les petites villes et campagnes, comment vouloir se marier ? » s’interroge M. Zhang, un économiste chinois qui préfère taire son identité, auprès d’Epoch Times.
« Acheter un logement et une voiture est désormais indispensable mais hors de portée, alors que le coût de la vie s’envole. »
Il poursuit : l’économie chinoise, dépendante de l’immobilier, a entamé l’optimisme des ménages. « Le modèle du parti, c’est de monétiser les 30 ou 40 prochaines années de revenus à travers l’inflation immobilière. C’est une stratégie à courte vue qui sacrifie le futur pour du gain immédiat. »
M. Zhang estime que la pression des autorités pourra certes provoquer un frémissement à court terme du nombre de noces, mais ne changera pas la donne économique.
« Ces mesures gonfleront peut-être les statistiques pour quelques mois, mais elles ne modifieront pas la tendance de fond : l’attitude des Chinois et leur réalité économique ont déjà basculé. »

Olivia Li collabore avec Epoch Times sur des sujets liés à la Chine depuis 2012.
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