Pour soutenir l’Ukraine, la Suède ferme trois ambassades et coupe son aide à plusieurs pays africains
La Suède va mettre fin à son aide au Zimbabwe, à la Tanzanie, au Mozambique, au Liberia et à la Bolivie, et fermer trois ambassades, afin de dégager des marges de manœuvre budgétaires au profit de l’Ukraine en guerre contre la Russie.

Photo: JONATHAN NACKSTRAND/AFP via Getty Images
Dans le même mouvement, Stockholm reconfigure en profondeur une politique d’aide au développement longtemps considérée comme l’une des plus généreuses au monde.
La décision concerne d’abord les ambassades suédoises en Bolivie, au Liberia et au Zimbabwe, où l’aide au développement constituait jusqu’ici l’essentiel de l’activité diplomatique. Ces représentations devront mettre la clé sous la porte, a annoncé le ministre de la Coopération internationale, Benjamin Dousa, qui entend redéployer les moyens vers les priorités du gouvernement.
Une aide réorientée vers l’Ukraine
Les changements seront appliqués progressivement et prendront effet l’an prochain, le temps d’organiser la fermeture des missions concernées et de clore les programmes en cours. L’exécutif assume une logique de bascule financière : l’enveloppe destinée à l’Ukraine doit être relevée d’au moins 10 milliards de couronnes (environ 913 millions d’euros), ce qui portera à près de 20% la part de l’aide suédoise consacrée à ce seul pays.
Sur le long terme, l’effort consenti en Afrique fut considérable : en un quart de siècle, les quatre pays africains concernés ont bénéficié de plus de 50 milliards de couronnes. La Tanzanie, à elle seule, a reçu au total 70 milliards de couronnes (6,4 milliards d’euros) depuis 1962, illustrant la place centrale qu’occupait ce partenariat dans la diplomatie de Stockholm.
Un revirement assumé de la politique d’aide
Pays scandinave réputé pour sa générosité en matière d’aide publique au développement depuis les années 1970, la Suède a engagé un virage net depuis l’arrivée au pouvoir, en 2022, d’un gouvernement conservateur soutenu par un parti d’extrême radicale anti-immigration. Désormais, une partie de cette politique est explicitement pensée comme un levier pour réduire l’immigration et accélérer les expulsions, deux priorités affichées de l’exécutif.
Dans ce cadre, la Suède a déjà mis fin, l’an dernier, à son aide à l’Irak et entend désormais conditionner plus strictement celle versée à la Syrie. Aux yeux de Benjamin Dousa, l’ancienne doctrine relevait d’un saupoudrage inefficace : « Pendant trop longtemps, l’aide suédoise a été trop dispersée. Nous avons fonctionné comme un arroseur, ce qui a entraîné un manque de contrôle », estime-t-il, allant jusqu’à reconnaître : « Dans de nombreux cas, nous ne savons même pas si cela a été utile ».
Des critiques d’ONG et d’experts
Le ministre juge en outre que « plusieurs pays, notamment en Afrique, ont développé depuis des décennies une véritable dépendance à l’aide (…) ce qui a pu conduire ces pays à ne pas entreprendre autant de réformes que nous aurions souhaité voir ». Une analyse que contestent de nombreuses organisations et experts, inquiets de l’effet d’entraînement de ce repli.
« C’est un abandon des mouvements démocratiques que l’on a soutenus pendant longtemps avec de bons résultats », déplore auprès de l’agence TT Mattias Brunander, secrétaire générale de l’organisation à but non lucratif Diakonia, très présente en Tanzanie.
« Malheureusement, la politique du gouvernement a pour conséquence le transfert de l’aide vers d’autres domaines. Par exemple, pour favoriser le commerce suédois, les entreprises suédoises ou encore les expulsions », juge pour sa part Julia Schalk, responsable au sein de l’organisation Water Aid, qui œuvre pour un accès égal à l’eau potable à travers le monde.

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