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Les grandes banques chinoises vendent désormais directement des logements, provoquant un choc sur le marché
Les banques chinoises contournent la procédure habituelle des enchères pour vendre en direct les biens saisis. Objectif : accélérer le recouvrement des prêts douteux et éviter une aggravation de la crise financière.

Immeubles résidentiels en construction par le promoteur endetté Vanke à Hangzhou (province du Zhejiang), Chine, le 15 mars 2024.
Photo: STR/AFP via Getty Images
Depuis quelques mois, de nombreuses banques chinoises accélèrent la mise en vente directe de biens immobiliers saisis, attirant ainsi l’attention du grand public. Après avoir récupéré ces biens via une procédure judiciaire, elles contournent la traditionnelle vente aux enchères et diffusent directement les annonces en ligne, parfois à moitié prix par rapport à la valeur estimée.
La presse d’État reconnaît l’arrivée massive de logements appartenant aux banques sur le marché, avec plusieurs grands organismes — dont Agricultural Bank of China, China Construction Bank ou Bank of Communications — qui se délestent d’un volume sans précédent de biens dépréciés.
L’étiquette « vente directe banque », utilisée pour ces logements, se démarque désormais sur les plateformes immobilières en ligne. Des métropoles aux petites villes, le nombre d’annonces explose et les décotes atteignent des records.
Le 11 novembre, un appartement de 176 m² à Harbin a été vendu pour 315.000 yuans (environ 44.316 dollars), soit environ 1800 yuans (253 dollars) le mètre carré, selon la presse hongkongaise Sing Tao News. Ce prix de vente est supérieur à 50 % de moins que le prix du marché, estimé à au moins 3700 yuans (520 dollars) le mètre carré pour des biens similaires dans la même résidence.
Des agents immobiliers de plusieurs régions ont confirmé à l’édition chinoise d’Epoch Times que ces fortes décotes imposées par les banques tirent les prix vers le bas et fragilisent les vendeurs particuliers. Depuis plusieurs mois, les biens affichés au prix du marché restent invendus. Tous les agents interrogés ont requis l’anonymat, par crainte de représailles du régime communiste.
Un consultant immobilier d’Hefei (province de l’Anhui), nommé Wang, explique que la multiplication des ventes judiciaires et la hausse des créances douteuses créent de véritables risques systémiques : « Les banques se précipitent vers les ventes directes, car elles doivent impérativement liquider leurs actifs en défaut et récupérer des liquidités. »
Des médias officiels abondent dans ce sens, soulignant la lenteur des enchères classiques et la nécessité, pour les banques, de trouver des dispositifs de liquidation plus rapides. À l’approche du bilan annuel, la pression augmente pour faire baisser le taux de défaut sur les crédits immobiliers.
« Si les banques ne vendent pas rapidement elles-mêmes ces logements, c’est tout le marché financier qui s’effondrera — et, ensuite, c’est toute l’économie chinoise », prévient Wang. « Quand ce jour viendra, la population ne pourra même plus s’acheter à manger. »
Aux yeux de Wang, l’exemple des grandes banques nationales incitera bientôt de nombreux établissements locaux à adopter la même stratégie.
D’après le journal Economic Observer, les biens actuellement vendus par les banques se répartissent en deux catégories : logements résidentiels et actifs commerciaux (usines, boutiques…).
Wu, agent immobilier à Wuxi (province du Jiangsu), a confié que de nombreuses banques détiennent désormais d’énormes stocks de logements abandonnés par des mauvais payeurs :
« Les banques rechignent de plus en plus à recourir aux enchères publiques, un processus qui peut durer un an. »
Il a déclaré qu’un employé travaillant dans une banque locale avait révélé que son agence avait commencé à vendre des biens immobiliers saisis en septembre, mais qu’elle avait jusqu’à présent gardé ces ventes secrètes.
Selon les données publiques, le nombre de logements mis en vente directe par les banques a augmenté de 37 % sur un an début novembre, rapporte l’Economic Observer.
Le journal détaille aussi les mises en vente dans six provinces rurales : dans le système de crédit rural du Sichuan, 24.821 logements ont été proposés à la vente en douze mois.
Feng, agent à Xi’an (province du Shaanxi), explique que les prix de l’immobilier résidentiel ont été divisés par deux dans certaines régions :
« Même après la vente, nombre de propriétaires ne peuvent pas rembourser totalement leur prêt. Certains renoncent carrément à leur crédit devant une telle perspective. »
Les professionnels du secteur insistent : les fortes décotes bancaires entraînent tout le marché vers le bas. À leur tour, les promoteurs vendent à bas prix à grande échelle pour atteindre leurs objectifs.
Certaines banques recourent aux mêmes procédés.
L’Economic Observer révèle ainsi que la China Minsheng Bank met aux enchères un lot de dix logements à Pékin (district de Chaoyang) à un prix moyen par mètre carré deux fois inférieur au tarif local. Les achats sont en outre interdits aux agents publics et aux régulateurs financiers, et soumises à un contrôle anti-blanchiment.
D’après Wu, beaucoup de banques négocient désormais en direct avec les emprunteurs en défaut. Selon les accords, la banque vend le bien au nom du propriétaire :
Si le prix obtenu dépasse le solde du prêt, l’emprunteur conserve la différence ; S’il est inférieur, il reste redevable de la totalité du prêt ; Dans tous les cas, les banques continuent de s’appuyer sur les agents immobiliers pour finaliser les opérations.
Une confiance au plus bas depuis des décennies
L’arrivée massive de biens vendus à prix cassés par les banques a porté un coup sévère à un marché immobilier déjà fragile.
Chen, agent à Shenzhen (Guangdong), explique que ces ventes directes poussent les prix à la baisse. Mais le vrai problème réside dans le désintérêt global des acheteurs.
« Les acquéreurs sont rares, et ceux qui cherchent exigent des rabais spectaculaires. »
Dans le secteur de Chen, on ne recense en moyenne que 0,78 transaction par agent et par mois — autrement dit, la plupart ne concluent même pas une vente mensuelle.
« Plus personne ne se présente en agence pour se renseigner. Les agents eux-mêmes sont démotivés, ils jouent en quelque sorte en roue libre et sont nettement moins efficaces qu’avant. »
Tous se disent pessimistes.
Wu, à Wuxi, résume la tendance : « Je pense que les prix vont continuer à chuter, il n’y a aucun doute. L’an dernier, le marché était déjà atone. Aujourd’hui, beaucoup attendent : même ceux qui disposent de fonds hésitent à acheter. »
Chen ajoute que plus les vendeurs cassent les prix, plus les acquéreurs temporisent :
« Tout le monde craint que la chute des valeurs se poursuive. La confiance qui a fait la force du boom immobilier en Chine est à son plus bas niveau depuis plusieurs décennies. »
Fang Xiao et Xiong Bin ont contribué à la rédaction de cet article.

Olivia Li collabore avec Epoch Times sur des sujets liés à la Chine depuis 2012.
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