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Gaza : l’impact des réalités intérieures israéliennes

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Les forces de sécurité israéliennes montent la garde tandis que des manifestants brandissent le drapeau national à l'entrée de la Knesset, le parlement israélien, à Jérusalem, le 24 juillet 2023, dans le cadre d'une vague de protestations qui dure depuis plusieurs mois contre le projet de réforme judiciaire du gouvernement.

Photo: MENAHEM KAHANA/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 11 Min.

À en juger par les gros titres, la guerre de Gaza pourrait sembler une simple campagne militaire. Mais en réalité, c’est aussi un miroir : celui des divisions internes les plus profondes d’Israël, de sa politique de coalition et de ses questions identitaires et stratégiques non résolues.
Un contexte politique fragile
La guerre n’a pas éclaté dans un vide politique. Entre 2019 et 2022, Israël a organisé cinq élections en moins de quatre ans, un bilan révélant une instabilité persistante. Lors de trois de ces élections, Benyamin Netanyahou a remporté le plus grand bloc, mais n’a pas réussi à former un gouvernement. Lors d’une de ces élections, ses rivaux Naftali Bennett et Yaïr Lapid ont formé une coalition idéologiquement diversifiée qui l’a brièvement évincé. Ce n’est qu’en novembre 2022 que Netanyahou est revenu avec une coalition qui gouverne encore aujourd’hui.
Ces turbulences sont en partie dues à des facteurs structurels. Le système israélien est un système de représentation proportionnelle nationale : 120 sièges à la Knesset (Parlement) sont attribués en fonction du pourcentage de voix, avec un seuil bas de 3,25 %. Cela signifie que de petits partis aux programmes restreints entrent régulièrement au Parlement. Aucun parti n’ayant jamais obtenu la majorité absolue, les coalitions sont nécessaires. Un parti avec seulement cinq ou six sièges peut faire pencher la balance, ce qui lui confère un poids considérable dans les négociations.
La tempête de la réforme judiciaire
En 2023, la coalition s’appuyait sur des factions nationalistes de droite et des partis religieux ultra-orthodoxes. Le gouvernement a mis en œuvre de vastes réformes judiciaires. Ses partisans ont fait valoir que la Cour suprême et le procureur général d’Israël (et plus généralement, la fonction publique) étaient devenus trop actifs, bloquant les décisions légitimes des gouvernements élus. Ses détracteurs ont rétorqué que les réformes allaient trop loin, car elles annihileraient le dernier véritable frein au pouvoir exécutif dans un système parlementaire où le gouvernement contrôle déjà le pouvoir législatif.
L’affrontement a déclenché les plus grandes manifestations de l’histoire d’Israël, avec des centaines de milliers de personnes descendues dans les rues. D’anciens chefs de l’armée et des services de renseignement ont publiquement averti que la cohésion nationale se fracturait, et des réservistes ont menacé de refuser leur service. Les adversaires, du Hamas au Hezbollah, étaient sans aucun doute présents. Certains commentateurs israéliens – tous bords confondus – ont par la suite émis l’hypothèse que le Hamas avait programmé son attaque du 7 octobre en partie à la lumière de ces divisions.
Choc, unité et politique
Les attentats du 7 octobre ont été un traumatisme sans précédent. Plus d’un millier d’Israéliens ont été tués et des centaines enlevés. J’ai déjà évoqué certains échecs qui ont pu conduire à ce désastre. Quoi qu’il en soit, les Israéliens de tous bords se sont ralliés, dans une démonstration d’unité sans doute inattendue de la part du Hamas. Un chef de l’opposition, Benny Gantz, s’est associé à son parti pour former un cabinet de guerre temporaire pendant plusieurs mois. Mais cette unité était fragile. Les critiques exigeaient la démission de Netanyahou, même en temps de guerre. Aux yeux de nombreux observateurs, chaque décision militaire comportait une seconde dimension implicite : préserverait-elle ou entraînerait-elle l’effondrement de la coalition ?
Le dilemme de l’exemption ultra-orthodoxe
La guerre a également mis en lumière l’une des divisions internes les plus profondes d’Israël : le statut des ultra-orthodoxes (Haredim). Depuis 1948, leurs étudiants de yeshiva sont exemptés du service militaire, un compromis autrefois négocié par Ben Gourion comme temporaire et limité. Aujourd’hui, des communautés entières s’attendent à des exemptions à vie, assorties de bourses pour des études religieuses à temps plein. Peut-être enhardies par la dépendance de la coalition à l’égard de ces partis, elles ont exigé que ces exceptions soient inscrites dans la loi, une fois pour toutes.
Pendant ce temps, de nombreux Israéliens laïcs et traditionalistes ont effectué 100 à 200 jours de service de réserve pendant la guerre de Gaza, risquant leur vie et leurs moyens de subsistance. Ce déséquilibre est devenu intolérable pour une multitude. Dans une guerre exigeant des sacrifices nationaux, nombreux sont ceux, y compris à droite, qui se demandent pourquoi certains devraient se battre et mourir tandis que d’autres restent en dehors du système.
Victoire totale
Au sein de la coalition, les partenaires d’extrême droite insistent sur la « victoire totale » : le démantèlement complet du Hamas. Pour eux, compromis équivaut à trahison. Mettre fin à la guerre sans victoire totale pourrait faire tomber la coalition de Netanyahou. Mais la prolonger érode la patience internationale, met à rude épreuve l’économie israélienne et sape le moral de l’opinion publique.
De plus, il est difficile de définir une victoire totale autrement que par une reddition inconditionnelle, ce qui ne semble pas envisageable lorsque l’ennemi est profondément ancré dans la société. De plus, une action d’une ampleur comparable au largage de bombes atomiques sur le Japon, qui l’avait poussé à capituler, même si elle était possible et moralement acceptable, pourrait s’avérer inefficace face à un adversaire comme le Hamas.
Il est crucial de s’arrêter un instant, à ce stade, pour considérer la nature des organisations terroristes et la manière dont elles se sont manifestées dans ce conflit. Les horribles tortures, meurtres et enlèvements – utilisés comme monnaie d’échange – d’hommes, de femmes et d’enfants, y compris des nourrissons, le 7 octobre 2023. De plus, l’intégration intentionnelle de moyens militaires au sein de leur propre population autochtone afin de maximiser la mort de civils et de faire pression sur Israël, etc. (comparez cela aux dirigeants et généraux du PCC qui ont déclaré être prêts à perdre 50 % de la population chinoise dans une guerre contre les États-Unis).
Autrefois, les guerriers qui attaquaient les femmes et les enfants, ou se cachaient derrière eux comme des « boucliers humains », étaient considérés comme des lâches. Malheureusement, de tous côtés, certains sont aujourd’hui endoctrinés à les considérer comme des héros.
Tout cela signifie qu’il est probable que la réaction du gouvernement israélien n’aurait pas eu beaucoup d’importance ; nous serions toujours dans le même bourbier aujourd’hui. Pour conclure un accord, il faut deux parties consentantes. Le Hamas, quant à lui, a renié à plusieurs reprises des accords potentiels. Le résultat est une paralysie : une guerre qui s’éternise, car s’arrêter trop tôt ou trop tard a un coût politique.
Fiction et réalité
La Somme de toutes les peurs, de Tom Clancy, posait un dilemme moral. Après une attaque nucléaire sur Denver, le président américain envisage de détruire une ville iranienne en représailles. Le protagoniste, Jack Ryan, refuse : la vengeance pour l’humiliation n’est pas une raison pour tuer des centaines de milliers de civils, affirmant qu’il existe d’autres solutions pour des dirigeants responsables, avec moins de dommages collatéraux.
À l’intérieur comme à l’extérieur d’Israël, une question similaire jette une ombre grandissante : combien de morts gazaouies sont acceptables dans la poursuite de la victoire ?
La doctrine militaire traditionnelle d’Israël privilégiait les guerres rapides et décisives : de la bien nommée guerre des Six Jours en 1967 à, plus récemment, l’anéantissement du Hezbollah par Israël en septembre 2024, avec l’opération « bip » et d’autres attaques. Ce qui a conduit à la chute du régime d’Assad en Syrie. Le programme nucléaire iranien a été frappé par Israël et les États-Unis en juin 2025 pendant 12 jours. Dans les deux cas récents, les adversaires ont survécu, mais étaient stratégiquement affaiblis, et les opérations ont rapidement pris fin.
À l’inverse, Gaza est devenue une campagne prolongée, la rhétorique s’orientant même vers des discussions sur l’expulsion des populations. Cette rupture avec la doctrine passée souligne l’enchevêtrement croissant de la guerre.
En conclusion
Israël subit une pression incessante de la part de Washington et de l’Europe pour obtenir des cessez-le-feu et des accords de prise d’otages. Mais les concessions risquent de diviser le gouvernement. Les refus risquent d’aliéner les alliés. Il en résulte une guerre par à-coups, faite de trêves, de ruptures et d’objectifs changeants.
La guerre à Gaza ne concerne pas seulement le Hamas ou Israël. Elle illustre parfaitement comment l’agenda national influence la politique étrangère. Cela n’a rien d’inhabituel en soi : les relations internationales sont souvent tributaires de la politique intérieure. La politique étrangère de chaque pays reflète ses débats internes, ses divisions et son instinct de survie. Le véritable test réside dans les résultats de ces pressions. Produisent-elles des politiques et des actions qui, à long terme, protègent la société et perdurent, ou engendrent-elles des cycles de division et de déclin ?

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.