La seconde danse de Donald Trump avec Xi Jinping sur fond de pourparlers commerciaux sino-américains
Tous les quelques mois, les gros titres annoncent une nouvelle avancée dans les négociations commerciales entre les États‑Unis et la Chine : des droits de douane sont allégés, des achats de soja sont promis, les terres rares sont sécurisées, et une action contre le fentanyl est de nouveau annoncée.
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Des conteneurs au port de Nankin, dans la province du Jiangsu, à l’est de la Chine, le 12 août 2025.
En 2025, la relation sino-américaine s’est installée dans un étrange ballet fait d’énergie, mais sans réel déplacement. Alors que l’année s’achève et que l’encre du dernier accord est à peine sèche, une question s’impose : combien de temps ce jeu peut-il encore durer ?
Le cycle se déploie
Tout a commencé en janvier, à peine la seconde administration Trump installée, avec une hausse des tarifs douaniers sur les produits chinois. Parmi les mesures phares, une taxe de 20 % sur le fentanyl visant les exportations chimiques liées à la crise des opioïdes aux États‑Unis. Autre décision : la fermeture de la faille dite « de minimis », cette règle qui permettait à des millions de colis de faible valeur en provenance de Chine et de Hong Kong d’entrer en franchise sur le marché américain. Cette faille était devenue l’autoroute des géants du e-commerce comme Shein et Temu, sans oublier les filières grises acheminant les précurseurs chimiques utilisés pour fabriquer des drogues de rue.
Les conséquences ont été immédiates : les expéditions se sont accumulées dans les ports, les commerçants américains se sont plaints de rayons vides, et la Poste a suspendu les livraisons en provenance de Chine et de Hong Kong. Certaines pièces automobiles ont disparu des chaînes d’assemblage, le prix du lait infantile a grimpé. Dès février, la Maison‑Blanche a fait machine arrière, annonçant que l’interdiction serait déployée ultérieurement, « après concertation supplémentaire ».
Puis est venu le printemps, et à Genève, à l’issue de discussions-marathon, les deux parties ont annoncé une avancée : une trêve de 90 jours accompagnée d’une baisse substantielle des droits de douane : côté américain, de 145 % à environ 30 % ; côté chinois, de 125 % à 10 %. Les marchés se sont emballés, les prix des matières premières se sont stabilisés, certains ont crié au « reset ». Les deux parties ont accepté de suspendre l’escalade, le temps de débattre des sempiternelles « questions structurelles » — subventions industrielles, vol de propriété intellectuelle, transferts technologiques forcés.
La question a été repoussée jusqu’à la saison des concombres en août. Et, comme prévu, la trêve a été prolongée de 90 jours supplémentaires. La machine à exporter chinoise a poursuivi son activité, en passant par l’Asie du Sud-Est, tandis que les importateurs américains continuaient de déplacer leurs chaînes d’assemblage vers le Mexique et le Vietnam.
En septembre, Washington a déplacé l’enjeu des droits de douane vers la technologie. Le département du Commerce a préparé la règle dite « Affiliates Rule », élargissant les contrôles à l’export, qui black-listait automatiquement toute filiale détenue majoritairement par une société chinoise sanctionnée. Pékin a protesté : la presse officielle a dénoncé un « confinement économique » et les ministères chinois ont menacé de restreindre l’accès aux terres rares, ces minéraux stratégiques pour l’électronique et la défense occidentales.
Puis, le 30 octobre, à Busan (Corée du Sud), Donald Trump et Xi Jinping se sont rencontrés en marge du sommet de l’APEC. Trump a évoqué une rencontre « 12 sur 10 », Xi a parlé de « stabilité et d’avantages partagés ». Les marchés se sont de nouveau envolés, les analystes ont salué une « désescalade ». Mais la réalité a vite repris ses droits : quelques jours après, Reuters révélait que la Chine continuait à acheter du soja brésilien — et russe non OGM — car il était moins cher. En d’autres termes, retour au statu quo.
Tel est le drôle de tempo de la relation sino-américaine : un conflit suivi d’une chorégraphie, une sanction suivie d’un pardon partiel. Les thèmes reviennent en boucle, tels des devoirs jamais terminés mais constamment redonnés. Cela donne l’illusion d’un dialogue, mais n’aboutit en réalité qu’à stabiliser une forme d’impasse.
Les lecteurs de cette chronique ne seront pas surpris : comme je l’ai déjà démontré, c’est le vieux manuel du Parti communiste chinois : négocier et se poser en « bon élève » sous pression, puis, sitôt la pression relâchée, saper les engagements — depuis son adhésion à l’OMC jusqu’à aujourd’hui. Mais pourquoi Washington, même sous un Trump expérimenté, persiste-t-il à jouer ce rôle, qui n’a manifestement profité qu’au PCC par le passé ?
Un couple sur un tricycle passe devant une affiche célébrant l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à Pékin, le 23 décembre 2001. (AFP via Getty Images)
Deux scénarios : le négociateur ou le temporisateur
Selon une première lecture, chaque nouvelle administration hérite des ruines des anciens pourparlers avec le Parti communiste chinois, et se persuade pourtant que cette fois sera différente. Trump n’est alors pas une exception, mais le successeur d’une vieille tradition américaine : croire que le bon leadership peut réussir là où d’autres ont échoué. C’est aussi le propre du grand négociateur : non pas de la naïveté, mais la conviction que les accords échouent à cause de ceux qui les négocient. L’idée sous-jacente est simple : avec la bonne équipe, le bon ton, le juste équilibre entre menace et charme, on peut traiter avec n’importe qui, même Xi. Cette croyance a quelque chose de typiquement américain : pragmatique, adaptable, irrémédiablement optimiste, persuadée que tout problème a une solution négociable.
L’autre interprétation veut que les États‑Unis sachent déjà que le PCC ne se réforme ni par la carotte ni par le bâton, car son comportement n’est pas à proprement parler stratégique, mais identitaire.
Tout comme le scorpion de la fable qui pique la grenouille au milieu de la rivière, même s’il sait qu’il va se noyer, le PCC agit selon sa nature. Sa survie dépend de la tromperie, du contrôle et de sa capacité à transformer la dépendance en arme. S’il honore un accord, c’est uniquement parce que l’équilibre des avantages l’exige. Espérer une réciprocité durable, c’est mal comprendre la créature que vous transportez.
Vu sous cet angle, les négociations répétées ne cherchent pas tant la réconciliation qu’à gagner du temps : donner à Washington le temps de se découpler discrètement, sans déclencher un séisme économique mondial. Car les États‑Unis ne peuvent ni remplacer du jour au lendemain les terres rares chinoises, ni démanteler quarante ans d’intégration industrielle. Il leur faut du temps : des mois pour relocaliser les usines, des années pour construire de nouvelles raffineries, peut‑être une décennie pour retrouver une profondeur industrielle.
D’où ce théâtre contrôlé. Chaque « trêve » apaise les marchés, chaque « avancée » achète un trimestre de tranquillité. Sous la surface pourtant, stratégies d’approvisionnement, alliances de défense et incitations industrielles orientent lentement l’Occident loin de la poigne pékinoise.
C’est un pari audacieux, qui peut sembler inévitable, pour maintenir la stabilité nationale et internationale, tout en tentant l’une des plus grandes manœuvres géopolitiques de notre époque. La mise en garde, cependant, est la même que lorsqu’on tente d’anticiper l’évolution du marché financier. Sans boule de cristal, il est impossible de toujours voir juste.
Le levier que nous n’utilisons jamais
Lorsque les États‑Unis s’assoient face au Parti communiste chinois, ils disposent d’un levier considérable : économique, militaire, diplomatique. Pourtant, une arme puissante est rarement exploitée : le bilan du PCC en matière de droits humains. Sur ce sujet, le PCC est extrêmement sensible, prompt à surréagir — ce qui pourrait constituer un atout.
Depuis des décennies, toutes les administrations connaissent et documentent la répression religieuse, les camps de rééducation, les allégations crédibles de prélèvements forcés d’organes sur des prisonniers d’opinion, ouïghours et pratiquants de Falun Gong notamment. Ce ne sont pas de vagues accusations, mais des faits avérés par des rapporteurs de l’ONU, des ONG et des tribunaux indépendants. Pourtant, lorsque les négociateurs américains rencontrent leurs homologues chinois, ils parlent soja, terres rares, fentanyl et militarisation de la mer de Chine méridionale.
C’est sans doute la raison pour laquelle le sujet est soigneusement évité — non parce qu’il est faux, mais parce qu’il est trop vrai : si Washington admettait publiquement que les actes du PCC relèvent du crime contre l’humanité, la suite logique ne serait pas de conclure un meilleur accord, mais de cesser toute relation. Jusqu’ici, aucun président ne s’y est résolu : ni Clinton, ni Bush, ni Obama, ni Trump lors de son premier mandat, ni Biden, et sans doute pas Trump lors de son second, du moins à ce jour. Cette retenue n’est pas pure faiblesse, mais crainte de la clarté — car la clarté implique un choix.
Ironie du sort, cette prudence renforce peut-être la main de Pékin. Le PCC a compris que l’Occident critiquerait, mais n’irait pas plus loin : son indignation a des limites, et Pékin calibre donc sa répression juste en-deçà du seuil qui ferait tout basculer.
Si l’hypothèse précédente tient — Washington cherche soit un réel accord, soit à gagner du temps —, alors ce silence s’explique. Un négociateur ne peut se permettre de criminaliser l’adversaire, de même que Trump refusait d’accuser frontalement Vladimir Poutine tant qu’il gardait espoir de négocier sur l’Ukraine. Un temporisateur ne peut saborder les discussions avant que le basculement soit prêt. Dans les deux cas, le résultat est le silence : un silence stratégique, voulu. Mais ce silence a un prix. À force d’éviter la clarté, on pourrait retarder l’inévitable affrontement, et en rendre le coût plus élevé.
Conclusion
On dit que certaines ruptures se produisent d’abord très lentement, puis brutalement. Le désenchevêtrement mondial vis‑à-vis du PCC sera peut‑être de cet ordre. Comme il est difficile de prévoir le moment d’un krach boursier, il l’est tout autant d’anticiper les grands événements géopolitiques. Pourtant, à l’image des investisseurs qui étudient les fondamentaux pour détourner ou placer leur capital, nous pouvons faire de même en géopolitique — en investissant ou désinvestissant notre argent, notre capital politique et notre volonté collective. À nous d’investir avec sagesse.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
Tamuz Itai est journaliste et chroniqueur à Tel Aviv, en Israël.