Collectivités départementales
Départements au bord de l’asphyxie : Sébastien Lecornu annonce des mesures d’urgence
La moitié des départements français se trouvent au bord de l'asphyxie financière. Face à cette crise sans précédent, le Premier ministre Sébastien Lecornu a annoncé vendredi une série de mesures d'urgence lors des Assises des départements à Albi.

Le Premier ministre Sébastien lors de la clôture de la 94e édition des Assises nationales des départements de France, au parc des expositions d'Albi, le 14 novembre 2025.
Photo: ED JONES/AFP via Getty Images
Les collectivités départementales traversent une période critique. Prises en étau entre l’effondrement de leurs ressources et l’envolée incontrôlable de leurs charges sociales, elles tirent la sonnette d’alarme.
D’après Départements de France, la situation s’est considérablement détériorée : fin 2025, 54 départements devraient afficher des comptes dans le rouge, représentant la moitié des départements du pays. L’organisation pointe du doigt 6 milliards d’euros de nouvelles dépenses imposées par l’État depuis deux ans et demi, auxquels s’ajoute une baisse de recettes atteignant 8,5 milliards d’euros.
Un constat d’échec dressé par le Premier ministre
Ancien président du département de l’Eure, Sébastien Lecornu a reconnu l’inaction politique des dernières années. Il a dressé un constat qu’il qualifie lui-même de « triste » en observant que rien n’a véritablement changé depuis 2015, année de son élection comme conseiller départemental.
« Plus la situation est difficile, plus les discours sont sucrés vis-à-vis des départements (…), plus les mots sont doux, moins les solutions arrivent », a-t-il admis devant l’assemblée. Cette franchise tranche avec les déclarations habituellement entendues lors de tels événements.
Le doublement du fonds de sauvegarde comme mesure d’urgence
Pour répondre à la principale revendication des départements, le chef du gouvernement a annoncé le dépôt d’un amendement au projet de budget. Ce texte vise à faire passer le fonds de sauvegarde de 300 à 600 millions d’euros, sans modification des critères d’attribution actuels.
« Ça évite tout défaut, et donc ce n’est qu’une mesure conservatoire », a précisé Sébastien Lecornu. Cette enveloppe doublée constitue une réponse immédiate à l’urgence, même si elle ne résout pas les problèmes structurels.
Le Premier ministre a également évoqué une révision du Dilico, ce mécanisme controversé qui contraint les collectivités à mettre en réserve une partie de leurs recettes fiscales. « Ce Dilico, par définition, ne peut pas être demandé aux conseils départementaux qui sont dans la difficulté. Les ministres ont le mandat pour non seulement le plafonner dans son montant » mais aussi « dans le nombre de conseils départementaux qui seront concernés », a-t-il déclaré.
Une ouverture vers un nouveau financement par la CSG
Innovation majeure dans le discours gouvernemental, Sébastien Lecornu s’est déclaré favorable à l’attribution d’une fraction de CSG aux départements. Cette piste de financement représenterait un changement de paradigme dans les ressources des collectivités.
« Si l’on fait du conseil départemental la collectivité des solidarités (…), il est logique que les conseils départementaux perçoivent une part de CSG », a-t-il justifié. Cette proposition répond à la demande de ressources pérennes, en lien direct avec les missions sociales des départements.
Des réformes structurelles annoncées pour décembre
Au-delà des mesures d’urgence, le Premier ministre a présenté des pistes de transformation en profondeur.
Un projet de loi sera déposé dès décembre pour instaurer une « allocation sociale unique », réclamée notamment par les députés LR. Cette allocation vise à « rapprocher la prime d’activité, le RSA et un certain nombre d’aides au logement », selon les termes de Sébastien Lecornu. L’objectif affiché consiste à réaliser des économies « de gestion » et « non pas sur les bénéficiaires ».
Promesse présidentielle depuis 2018, cette réforme doit clarifier le système des prestations sociales, bien que ses contours demeurent encore imprécis. Les associations de défense des plus précaires restent vigilantes pour que cette simplification ne pénalise pas les personnes les plus vulnérables.
Un nouvel acte de décentralisation centré sur les départements
Sébastien Lecornu a également annoncé vouloir proposer « quelques ruptures » à travers un nouvel acte de décentralisation. « C’est avec les conseils départementaux que l’on va tenter d’écrire le premier chapitre de la réforme de l’État et notamment de la grande clarification autour des questions sociales, médico-sociales et sanitaires », a-t-il affirmé.
Parmi les pistes évoquées figure le transfert aux départements de la gestion de 10.000 kilomètres de routes nationales non concédées. Le Premier ministre s’est également prononcé pour une « réforme profonde des agences régionales de santé ».
« Au moment où il faut faire France Santé sur la même logique que France Services (…), on voit bien que c’est la structure départementale qui pourra la mettre en œuvre et la planifier », a-t-il expliqué, souhaitant intégrer l’accès aux soins dans son avant-projet de décentralisation.
Des réactions prudentes mais globalement positives
Les représentants des départements ont accueilli ces annonces avec un optimisme mesuré. François Sauvadet (UDI), président de Départements de France, a lancé un appel aux parlementaires pour qu’ils votent l’amendement sur le fonds de sauvegarde : « C’est ce que nous demandions (…). Ça nous permettra d’avoir la tête hors de l’eau. »
Jean-Luc Gleyze, président PS des départements de gauche, a salué la proposition de transfert de CSG, y voyant une « vraie réponse » pour la « solidification d’un socle de recettes cohérent ». De son côté, Nicolas Lacroix, président des départements de droite et du centre, s’est montré satisfait : « On est satisfaits, il faut qu’on prenne la perche qui nous a été tendue. »
Reste à concrétiser ces engagements dans un contexte politique complexe. « Quoi qu’il arrive (…) il faut qu’il y ait un budget voté à la fin de l’année », a insisté le Premier ministre, malgré l’absence de majorité à l’Assemblée nationale.
Avec AFP
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