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Ukraine : dans l’ombre du scandale de corruption, un accord historique conclu avec la France
L'Ukraine prévoit d'acquérir jusqu'à 100 avions de chasse français Rafale, mais le financement reste incertain. Parallèlement, le président Zelensky est soumis à une pression immense due au vaste scandale de corruption dans le secteur énergétique. Point sur les nombreux défis auxquels le pays fait face.

Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky après la signature d'un accord le 17 novembre 2025 sur la base aérienne de Villacoublay à Vélizy-Villacoublay, près de Paris. Photo : CHRISTOPHE ENA/POOL/AFP via Getty Images
L’Ukraine prévoit d’acquérir jusqu’à 100 avions de chasse Rafale et d’autres équipements militaires auprès de la France au cours des dix prochaines années.
Cette annonce a été faite le 17 novembre par le président Macron et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky lors d’une conférence de presse conjointe au palais de l’Élysée.
Ukraine : Accord de dix ans avec la France
Comparés aux chasseurs américains F-35 couramment utilisés par les pays de l’OTAN, les Rafale français sont plus rapides et ont une plus grande autonomie. Dans le cas de l’Ukraine, ils pourraient donc pénétrer plus profondément dans l’espace aérien russe.
La livraison de drones devrait débuter à la fin de cette année. Simultanément, huit systèmes de défense aérienne SAMP/T, conçus pour se protéger contre les aéronefs et les missiles, seront livrés. L’Ukraine prévoit également d’acquérir des systèmes radar français. « Il s’agit d’un accord stratégique qui sera en vigueur pendant dix ans à compter de l’année prochaine », a déclaré Zelensky, comme cité par la presse.
Qui paie ?
Lors de la rencontre entre les deux chefs d’État, l’origine du financement de cette vente d’armes est restée floue.
Par conséquent, l’accord est actuellement considéré comme une simple déclaration d’intention de la part de l’Ukraine.
Le coût estimé d’un avion Rafale varie entre 86 et 108 millions d’euros. Le président ukrainien plaide depuis longtemps pour que les fonds provenant des avoirs russes gelés à l’étranger servent à financer ces achats d’armements. Les États membres de l’UE ont jusqu’à présent rejeté cette proposition, la dernière fois à la mi-octobre.
L’annonce de cet important contrat d’armement vise à renforcer les liens de l’Ukraine avec l’OTAN et l’UE. Cependant, le président Zelensky subit dans le même temps une forte pression politique intérieure en raison d’un vaste scandale de corruption le concernant.
La situation militaire se détériore également. Les troupes russes progressent vers la ville ukrainienne de Pokrovsk. La conjugaison des pressions politiques et des défis militaires met à rude épreuve le gouvernement de Zelensky.
Corruption dans l’entourage immédiat de M. Zelensky
Le dernier scandale de corruption dans le secteur énergétique ukrainien expose une fois de plus Zelensky aux soupçons selon lesquels il ne prend pas de mesures suffisamment fermes contre la corruption dans son pays.
Le 10 novembre, le Bureau national anti-corruption d’Ukraine (NABU), en collaboration avec le Bureau du procureur spécialisé dans la lutte contre la corruption (SAPO), aurait mis au jour un scandale de corruption présumé d’un montant total d’environ 100 millions d’euros au sein de la société nucléaire publique Energoatom.
Les autorités anticorruption ont fondé leurs accusations sur une opération d’écoutes téléphoniques menée pendant 15 mois. Elles ont également procédé à plus de 70 perquisitions. Ces mesures s’inscrivaient dans le cadre de la vaste chasse à l’homme baptisée « Opération Midas ».
Une organisation criminelle dirigée par Timur Mindich
L’enquête aurait mis au jour une « organisation criminelle » prétendument dirigée par un homme d’affaires. Il s’est avéré par la suite que cet homme d’affaires était probablement Timur Mindich, producteur de cinéma et ancien partenaire commercial du président Zelensky.
Deux autres personnalités politiques de haut rang ont été citées comme suspects. Il s’agit notamment de l’ancien ministre de l’Énergie et récemment nommé ministre de la Justice, Hermann Halushchenko, et d’Oleksiy Chernyshov, ancien directeur de la compagnie énergétique publique Naftogaz et actuel vice-Premier ministre.
L’ancien ministre de la Défense, Rustem Umerov, aujourd’hui membre du Conseil national de sécurité et de défense, est lui aussi soupçonné. Il en va de même pour Ihor Myroniuk, ancien conseiller d’Hermann Halushchenko.
Selon le magazine d’actualités américain Politico, M. Mindich s’est enfui en Israël la veille de la perquisition de son domicile. Cette information a également été rapportée par The Israel Times.
Pour M. Zelensky, l’affaire est particulièrement délicate, car MM. Chernyshov et Mindich ont entretenu des relations d’affaires avec lui pendant des années. Il était notamment copropriétaire avec ce dernier du studio de télévision Kvartal95, fondé par Zelensky.
Des accusations formelles ont été portées contre huit des accusés. Hermann Halushchenko a annoncé qu’il se défendrait devant les tribunaux.
Des accusations formelles ont été portées contre huit des accusés. Hermann Halushchenko a annoncé qu’il se défendrait devant les tribunaux.
Comment fonctionnait le système de corruption
Selon les autorités anticorruption, l’activité principale de cette organisation criminelle consistait à extorquer systématiquement des paiements illégaux aux contractants de la société nucléaire publique Energoatom. Entre 10 et 15 % de la valeur des contrats respectifs auraient été exigés.
Selon le NABU, les entreprises étaient contraintes de verser des pots-de-vin pour éviter le blocage de leurs factures ou pour ne pas perdre leur statut de fournisseur. En interne, cette pratique était appelée « shlahbaum », que l’on pourrait traduire par « barrière ».
Il est également indiqué que le chef de l’organisation criminelle présumée impliquait deux autres personnes dans le système : l’ancien directeur adjoint du Fonds des biens de l’État, qui a ensuite travaillé comme conseiller auprès du ministre de l’Énergie, et un ancien responsable des forces de l’ordre qui occupait le poste de directeur exécutif de la protection physique et de la sécurité chez Energoatom.
Selon le NABU et le bureau du procureur anti-corruption, ces individus ont utilisé leurs relations officielles au sein du ministère de l’Énergie et de l’entreprise publique pour prendre le contrôle de secteurs clés, notamment les décisions relatives au personnel, les procédures d’approvisionnement et d’importants flux financiers.
Selon le think tank Atlantic Council, basé à Washington, les fonds issus de la corruption auraient été blanchis par l’intermédiaire d’un bureau lié à Andrii Derkach, ancien député ukrainien en fuite et actuel sénateur russe. Andrii Derkach fait l’objet de sanctions depuis 2021 et a perdu sa nationalité ukrainienne en 2023.
Les mesures de Volodymyr Zelensky
Ce n’est que le 16 novembre que le président ukrainien a exposé dans un article publié sur X les mesures que le gouvernement prendrait pour parvenir à une « restructuration et une relance de la gestion du secteur de l’énergie et des institutions connexes ».
Cela inclut un projet de loi portant sur la réorganisation de l’Autorité nationale de régulation de l’énergie et des services publics. Par ailleurs, la direction de l’Autorité de régulation nucléaire de l’État et de l’Autorité de régulation de l’énergie de l’État sera renouvelée.
En outre, des enquêtes doivent être menées immédiatement. Des dispositions doivent également être prises en vue de la vente des actifs et des actions appartenant à des sociétés russes ou à des collaborateurs ayant fui en Russie.
Le plus grand défi du président Zelensky ?
« Dans le contexte de l’invasion russe en cours, l’Ukraine est désormais confrontée au plus grand scandale de corruption depuis l’arrivée au pouvoir de Volodymyr Zelensky », note l’Atlantic Council.
Cette affaire pourrait bouleverser en profondeur le paysage politique du pays. Les allégations de pots-de-vin dans le secteur énergétique, gangrené par la corruption, prétendument blanchis via des réseaux russes et initiés par des proches du président, pourraient constituer une épreuve aussi difficile pour M. Zelensky que la guerre elle-même.
Il avait déjà essuyé de vives critiques en juillet dernier après avoir signé une loi restreignant l’indépendance des deux agences anticorruption.
Tom Goeller est journaliste, spécialiste des États-Unis et politologue. Il a travaillé comme correspondant à Washington D.C. et à Berlin, notamment pour le journal américain The Washington Times. Depuis avril 2024, il écrit entre autres pour Epoch Times. De 1995 à août 2023, il a également été officier de réserve avec le grade de lieutenant-colonel et a participé à des missions à l'étranger, notamment pendant dix mois en Irak.
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