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Sébastien Lecornu reconduit : Emmanuel Macron prend le risque de la censure

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Photo: BENOIT TESSIER/POOL/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 6 Min.

Sébastien Lecornu, reconduit à Matignon vendredi soir, se retrouve immédiatement sous la menace d’une censure parlementaire.

Les socialistes ont prévenu qu’ils censureraient son gouvernement si le Premier ministre ne suspendait pas immédiatement la réforme des retraites et n’annonçait pas, lors de sa déclaration de politique générale, des mesures sur le pouvoir d’achat et l’abandon du 49-3.

Pierre Jouvet, secrétaire général du PS, a affirmé : « Nous rappelons de manière très claire ce soir au Premier ministre que s’il n’y a pas dès sa déclaration de politique générale la confirmation de l’abandon du 49-3, des mesures pour protéger et renforcer le pouvoir d’achat des Français et une suspension immédiate et complète de la réforme des retraites, nous le censurerons. »

Un soutien socialiste décisif

Le soutien des socialistes s’avère décisif, car LFI et le Rassemblement national ont déjà garanti leur vote pour la censure, Jordan Bardella assurant d’ailleurs que son parti censurerait « immédiatement cet attelage sans aucun avenir ». Emmanuel Macron, malgré les réserves de son camp et l’opposition farouche d’une large partie de l’Assemblée, a maintenu son choix en confiant à Lecornu une « carte blanche » pour constituer un nouveau gouvernement et négocier avec les partis.

Acceptation « par devoir »

Sébastien Lecornu a dit accepter « par devoir » cette reconduction, et il s’est engagé à ouvrir tous les dossiers évoqués lors de ses consultations politiques au débat parlementaire. Âgé de 39 ans, proche du chef de l’État mais peu connu du grand public, il avait démissionné lundi, après seulement quatorze heures de gouvernement, suite à l’implosion de la coalition présidentielle et de l’alliance avec les Républicains.

Fractures dans la majorité et tensions dans l’opposition

Dans l’opposition, le ton est particulièrement dur. Manuel Bompard, pour LFI, a dénoncé « un nouveau bras d’honneur aux Français ». Dans la majorité présidentielle, le choix de reconduire Lecornu suscite aussi des divisions. Agnès Pannier-Runacher, ministre démissionnaire, a publiquement mis en doute la pertinence de cette nomination : « Je ne comprendrais pas qu’il y ait une renomination d’un Premier ministre macroniste. »

Le soutien incertain des Républicains

Malgré ces dissensions, Lecornu pourrait compter sur le soutien parlementaire des Républicains, bien que leur engagement dans l’exécutif ne soit pas assuré. Lors d’une réunion, une très large majorité de députés LR a choisi d’apporter un « soutien » au Premier ministre, selon l’un des participants, alors que le porte-parole Vincent Jeanbrun a salué « une chance à la stabilité ». Toutefois, Bruno Retailleau et Gérard Larcher ont fermement exclu la participation des LR au futur gouvernement, le premier affirmant : « Ma conviction, c’est qu’il ne faut pas participer. Le PS « va faire du chantage à la censure et le prochain gouvernement devra renoncer à tout : le sérieux budgétaire, le régalien, la défense du travail », a prévenu Gérard Larcher.

Négociations et impasse politique

Après sa démission, Emmanuel Macron avait laissé 48 heures à Lecornu pour tenter de trouver un compromis avec l’ensemble des forces politiques et éviter une censure à l’Assemblée, où le gouvernement reste en minorité. Malgré deux jours de négociations, aucune solution n’a été trouvée, et la gauche – déçue des réponses présidentielles sur les retraites et le pouvoir d’achat – a quitté la dernière réunion à l’Élysée « sidérée ». Olivier Faure, premier secrétaire du PS, l’a déploré ; Marine Tondelier, pour les Écologistes, a évoqué une possible « dissolution » à venir.

Réforme des retraites, point de crispation

Emmanuel Macron a évoqué l’idée de « décaler dans le temps » la réforme des retraites, sans évoquer une suspension, proposition jugée insuffisante par Cyrielle Châtelain, présidente du groupe écologiste à l’Assemblée. Pierre Jouvet a confirmé que le PS n’avait « absolument aucun deal » avec Lecornu et aucune garantie sur ses demandes.

La feuille de route à préciser

Lecornu, dont la reconduction était évoquée depuis plusieurs jours, a réitéré qu’il n’ambitionnait aucune candidature présidentielle en 2027 pour lui-même ni son équipe. Il pourrait présenter très rapidement devant le Parlement sa déclaration de politique générale, tandis que LFI a déjà annoncé vouloir déposer dès que possible une motion de censure.

La crise politique en toile de fond

Après la crise politique engendrée par la dissolution de 2024 et l’échec de coalitions plus larges, Emmanuel Macron s’appuie désormais sur un cercle restreint de fidèles. Pour l’heure, l’urgence est l’examen du projet de budget qui doit être présenté lundi et débattu pendant 70 jours conformément à la Constitution, un exercice délicat dans un tel contexte d’instabilité.

Avec AFP