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Saviez-vous que l’inventeur du code Morse était un artiste ?
Voici l’héritage artistique, moins connu mais influent, du célèbre inventeur américain.

« The House of Representatives », 1822, probablement retouché en 1823, par Samuel F. B. Morse. Le jeune artiste ambitionnait que cette toile lui apporte une renommée nationale en tant que peintre d’histoire.
Photo: National Gallery of Art, Washington. Domaine public
Samuel F. B. Morse (1791–1872) est connu dans le monde entier pour avoir co-inventé le télégraphe électromagnétique et développé le code Morse qui porte son nom. L’immense impact sociétal de sa carrière scientifique s’accompagne d’un héritage artistique moins célèbre mais pourtant déterminant. De son vivant, M. Morse jouissait d’une solide réputation de peintre, notamment dans le domaine du portrait.
Formé en Angleterre et en France, il se passionnait pour la promotion de l’appréciation de l’art aux États-Unis. Après avoir peiné à obtenir des commandes correspondant à son ambition de devenir peintre d’histoire, M. Morse abandonna sa carrière artistique pour se consacrer à l’invention — et la suite appartient à l’Histoire. Toutefois, ses toiles majeures continuent d’être admirées, et son engagement pédagogique a nourri plusieurs générations d’artistes américains.
Un artiste en devenir

Un autoportrait de Samuel F. B. Morse, 1812. Huile sur carton ; 27,3 cm × 22,5 cm. National Portrait Gallery, Smithsonian Institution. (Domaine public)
Né à Charlestown, dans le Massachusetts, Samuel F.B. Morse était le fils d’un éminent pasteur congrégationaliste. Son père, Jedidiah Morse, est considéré comme le « père de la géographie américaine », ayant écrit le premier ouvrage sur le sujet.
Désireux de devenir artiste professionnel, Samuel Morse étudia au Yale College puis poursuivit sa formation à la Royal Academy of Arts de Londres auprès de Benjamin West, peintre d’histoire d’origine américaine. Durant ses années à Yale, M. Morse fut initié à l’étude de l’électricité.
À son retour d’Angleterre en 1815, M. Morse commença à travailler comme portraitiste à travers les États-Unis. Il reçut des commandes municipales et privées pour peindre des citoyens éminents. En 1819, la ville de Charleston lui commanda un portrait du président James Monroe (1758–1831) pour commémorer sa visite, la première d’un président depuis Washington. Une deuxième version, vers 1819, réalisée par M. Morse, fait partie de la collection de la Maison-Blanche et est exposée dans le Salon Bleu

Un portrait de James Monroe, vers 1819, par Samuel F. B. Morse. Huile sur toile ; 75 cm × 62,5 cm. Maison-Blanche, Washington. (Domaine public)
Exalter la démocratie
Un tableau monumental, aujourd’hui conservé à la National Gallery of Art de Washington, est The House of Representatives (La Chambre des représentants). Peint entre 1821 et 1822 et probablement retouché l’année suivante, il s’agit de la première grande composition de l’artiste. M. Morse y célèbre la démocratie américaine. Il représente la noble salle de la Chambre des représentants, avec son impressionnant plafond en dôme, ses colonnes à chapiteaux sculptés, ses rideaux dramatiques d’un rouge vif et ses loges théâtrales.

« The House of Representatives », 1822, probablement retouché en 1823, par Samuel F. B. Morse. Huile sur toile ; 220,3 cm × 331,5 cm. National Gallery of Art, Washington. (Domaine public)
M. Morse compose la scène dans un jeu de lumière atmosphérique orchestré avec finesse, émanant d’un lustre à trois niveaux. Sont réunis pour une session du soir des membres du Congrès, des employés, des juges de la Cour suprême, des journalistes et, tout à droite dans la tribune des visiteurs, le chef Petalesharo (Nation Pawnee). Ce dernier avait rendu visite au président Monroe en 1821. M. Morse passa quatre mois sur place, à Washington, pour peindre plus de 60 personnages destinés à la toile finale. L’artiste était réputé pour son éthique de travail — il pouvait enchaîner jusqu’à quatre séances de pose par jour.
Samuel Morse nourrissait de grands espoirs pour ce tableau, convaincu qu’il ferait sa renommée et améliorerait sa situation financière. Il le présenta en tournée en 1823, mais l’œuvre ne suscita guère l’enthousiasme du public. À l’époque, le goût des Américains ne s’était pas encore tourné vers la peinture d’histoire, considérée comme le genre le plus noble en Europe. M. Morse continua à peindre des portraits pour subvenir aux besoins de sa famille grandissante, bien qu’il n’appréciât guère ce genre.
Le marquis de Lafayette
Une nouvelle opportunité d’accroître sa notoriété naquit en 1825, lorsque la ville de New York lui commanda un portrait du vétéran de la guerre d’Indépendance, le marquis de Lafayette (1757–1834). M. Lafayette était en visite depuis la France pour être honoré par les gouvernements fédéral et locaux pour son engagement volontaire dans l’armée continentale. Le portrait en pied, achevé en 1826, est considéré comme l’un des meilleurs de l’art américain.
M. Morse représenta ce héros national avec des traits réalistes et sculptés, le plaçant dans un décor symbolique. Les Pères fondateurs disparus et amis de Lafayette, Benjamin Franklin et George Washington, figurent en bustes sculptés devant un ciel aux couleurs de coucher de soleil.

(G) Portrait en pied du marquis de Lafayette, 1826, par Samuel F. B. Morse. Huile sur toile. City Hall Portrait Collection, New York. (D) Portrait du marquis de Lafayette, 1825, par Samuel F. B. Morse. Huile sur toile ; 75,5 cm × 62,7 cm. Crystal Bridges Museum of American Art, Arkansas. (Domaine public)
Alors qu’il travaillait à Washington sur une étude peinte du marquis (achetée en 2005 pour 1,36 million de dollars par le Crystal Bridges Museum of American Art à Bentonville, Arkansas), un drame personnel frappa M. Morse. Le musée rapporte que celui-ci reçut la nouvelle de la mort soudaine de sa jeune épouse, survenue alors qu’elle se remettait de la naissance de leur troisième enfant. Le message lui fut transmis par un messager à cheval.
Lorsque M. Morse arriva à son domicile de New Haven, dans le Connecticut, elle avait déjà été enterrée. Son chagrin fut aggravé par l’absence de moyen rapide de communication à distance. Le musée note que « cette expérience le poussa à réfléchir à des moyens d’accélérer la transmission des messages importants ».
Encourager l’appréciation de l’art en Amérique
Après la mort de son épouse, M. Morse vécut et enseigna à New York. Il fut élu à l’American Academy of the Fine Arts, dont la mission était de développer le goût du public pour les arts. De jeunes artistes sollicitèrent son enseignement, et il forma une association de dessin dont les élèves comprenaient Asher B. Durand et Thomas Cole. Avec ses étudiants, il co-fonda en 1826 la National Academy of the Arts of Design, inspirée de la Royal Academy, et dont il devint président.
De nombreux artistes du XIXᵉ siècle y étudièrent, parmi lesquels Winslow Homer et George Inness. M. Morse fut par la suite nommé professeur de peinture et de sculpture à la New York University, la première chaire de ce type aux États-Unis.
En 1829, M. Morse se rendit à Paris pour un séjour d’étude de trois ans. Il fréquentait le Louvre et observait les visiteurs venus de divers pays et milieux admirer les chefs-d’œuvre. Cette expérience inspira le tableau emblématique de sa carrière, aussi l’une de ses dernières œuvres. Gallery of the Louvre est une toile monumentale de 1,80 m × 2,74 m. Il l’entama à Paris en 1831 et l’acheva à New York en 1833.

« Gallery of the Louvre », 1831–1833, par Samuel F. B. Morse. Huile sur toile ; 187,3 cm × 274,3 cm. Terra Foundation for American Art, Chicago. (Domaine public)
Pensée pour éduquer les Américains à l’art européen, la scène se situe dans le Salon Carré du Louvre. Par un effet de licence artistique, M. Morse réunit dans une même salle 38 tableaux et deux antiquités visibles à différents endroits du musée, les accrochant à la manière d’un « Salon », en une superposition dense du sol au plafond.
Les chefs-d’œuvre de Léonard de Vinci, dont la Mona Lisa, de Caravage, Rembrandt, Rubens, Titien, Van Dyck et Véronèse, sont reproduits en miniature avec une précision minutieuse, aux côtés de la célèbre statue romaine Diane de Versailles. Cette composition complexe s’inscrit dans la tradition du « tableau de galerie » du XVIIᵉ siècle. Celui de Samuel Morse est le seul exemple majeur de ce genre dans tout l’art américain.
Gallery of the Louvre appartient à la Terra Foundation for American Art, basée à Chicago. La fondation écrit que l’œuvre « se présente comme un traité pictural sur la pratique artistique, plaçant M. Morse — représenté au centre, instruisant une élève — en lien entre l’art européen du passé et l’avenir culturel de l’Amérique ».
M. Morse était un ami proche de l’écrivain américain James Fenimore Cooper, célèbre auteur du Dernier des Mohicans, à qui il offrit une apparition dans la toile. L’écrivain apparaît dans le coin gauche, entouré de sa famille.

Détails de (G) James Fenimore Cooper et sa famille et de (D) M. Morse instruisant une élève, extraits de « Gallery of the Louvre », 1831–1833, par Samuel F. B. Morse. (Domaine public)
Il exposa ce tableau à deux reprises, à New York et à New Haven. Bien que l’œuvre fût saluée par les critiques et les connaisseurs, le public demeura indifférent. L’artiste en fut profondément découragé. De plus, après avoir échoué à obtenir une commande fédérale pour peindre une œuvre monumentale destinée à la rotonde du Capitole, M. Morse déposa définitivement ses pinceaux et se tourna vers les expériences électriques.
Une invention s’élance
Lors d’une traversée transatlantique en 1832, entre la France et les États-Unis, M. Morse rencontra Charles Thomas Jackson (1805–1880), avec qui il eut de longues discussions sur l’électromagnétisme et qui l’invita à observer ses expériences. Cela déclencha chez Samuel Morse l’idée de développer un moyen de transmettre rapidement des messages à longue distance par un fil électrique.
M. Morse mit au point un dispositif capable d’envoyer des messages codés via un télégraphe à fil unique. En 1843, la Chambre des représentants vota un projet de loi l’autorisant à construire une ligne expérimentale reliant la salle de la Cour suprême, à Washington, à une gare de Baltimore, à environ 64 km de là. Le 24 mai 1844, il envoya le premier message télégraphique. Son dispositif était plus efficace que les autres télégraphes électriques existants.

Message télégraphique de Morse, « What Hath God Wrought », envoyé et transcrit le 24 mai 1844. National Museum of American History, Smithsonian, Washington. (Domaine public)
Grâce à cette invention, ainsi qu’au développement du code Morse — un système où les lettres sont représentées par des combinaisons de signaux longs et courts — il accéda à la célébrité et à la fortune. Le travail de M. Morse transforma la technologie des communications à longue distance et est considéré comme le précurseur de l’e-mail moderne.
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