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Cambriolage au Louvre : les histoires étincelantes derrière les bijoux volés

Le 19 octobre 2025, un cambriolage a été commis en plein jour au Louvre, à Paris, alors même que le musée était ouvert aux visiteurs.

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La Galerie d’Apollon au Louvre, à Paris, où des voleurs ont dérobé neuf bijoux issus de la collection des joyaux de la Couronne française.

Photo: Stephane de Sakutin/Getty Images

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Durée de lecture: 19 Min.

En moins de huit minutes, à partir de 9 h 30 environ, des voleurs ont pénétré dans la Galerie d’Apollon, aux ors étincelants, où sont conservés de précieux objets royaux. Deux d’entre eux sont entrés par une fenêtre accessible grâce à une nacelle élévatrice montée sur un camion stationné le long de la façade du Louvre donnant sur la Seine. Deux autres complices sont restés dans la rue. Une fois à l’intérieur, les malfaiteurs ont fracturé deux vitrines contenant des joyaux de la Couronne française et ont dérobé neuf pièces d’une valeur historique inestimable. Après moins de quatre minutes passées dans le musée, ils se sont enfuis par la nacelle. Toute l’équipe a pris la fuite sur des scooters motorisés, en direction d’une autoroute toute proche.

L’un des objets subtilisés, la couronne de l’impératrice Eugénie, a été retrouvé après avoir été abandonné dans la rue. Malheureusement, il a été écrasé lors de son extraction par une ouverture trop étroite de la vitrine, et est endommagé, mais les experts pensent qu’il pourra être restauré. Huit bijoux restent introuvables, pour une valeur estimée à environ 88 millions d’euros. Au fil des heures, les chances de retrouver ces joyaux s’amenuisent. Les spécialistes redoutent que les pierres soient retirées de leurs montures, que les métaux soient fondus, que nombre de gemmes soient retaillées et que l’ensemble finisse par se disséminer sur le marché international de la joaillerie, sans plus jamais pouvoir être identifié.

La couronne de l’impératrice Eugénie exposée dans la Galerie d’Apollon du Louvre, après dix mois de rénovation, en janvier 2020. (Stephane de Sakutin/Getty Images)

Les bijoux dérobés sont un collier et des boucles d’oreilles en émeraude faisant partie d’un ensemble assorti ayant appartenu à l’impératrice Marie-Louise ; un diadème, un collier et une boucle d’oreille unique en saphir provenant de la parure de la reine Marie-Amélie et de la reine Hortense ; ainsi que le nœud-broche, le diadème et la broche-reliquaire de l’impératrice Eugénie.

Le trousseau de mariage de l’Impératrice

Un portrait de Marie-Louise d’Autriche, impératrice des Français, 1812, par Robert Lefèvre. Huile sur toile. Museo Glauco Lombardi, Parme, Italie. (Domaine public)

Marie-Louise (1791–1847), fille de l’empereur du Saint-Empire romain germanique et arrière-petite-nièce de la reine Marie-Antoinette, devint en 1810 la seconde épouse de l’empereur Napoléon. En tant qu’impératrice, elle avait besoin de bijoux d’exception pour être à la hauteur de son nouveau rang. Napoléon commanda, avant et après le mariage, de somptueux ensembles de bijoux – appelés parures – au joaillier français François-Régnault Nitot. (Sa maison deviendra plus tard Chaumet, aujourd’hui encore l’une des plus prestigieuses maisons de joaillerie parisiennes.) Certains de ces ensembles étaient destinés à la collection personnelle de Marie-Louise, tandis que d’autres furent désignés comme joyaux de la Couronne.

Le collier et les boucles d’oreilles de l’impératrice Marie-Louise, issus de sa parure de mariage, exposés dans la Galerie d’Apollon du Louvre. (Stephane de Sakutin/Getty Images)

L’une de ces parures personnelles, ornée d’émeraudes d’une finesse remarquable, fut offerte par Napoléon à son épouse à l’occasion de leur mariage. Elle se composait d’un diadème, d’un collier, d’une paire de boucles d’oreilles et d’un peigne. En 1814, Napoléon fut exilé à l’île d’Elbe, et Marie-Louise quitta Paris pour Vienne avec ses bijoux personnels. Elle les légua par la suite à différents membres de sa famille. La parure d’émeraudes revint à son cousin Léopold II, grand-duc de Toscane. Ses descendants conservèrent les bijoux jusqu’en 1953, date à laquelle ils les vendirent à Van Cleef & Arpels.

Le joaillier retira les émeraudes du diadème pour les remonter autrement, avant de les vendre à différents particuliers, dispersant ainsi leur histoire. Les pierres manquantes du diadème furent remplacées par de la turquoise, et la pièce fut acquise par la collectionneuse américaine Marjorie Merriweather Post pour le Smithsonian. Elle est aujourd’hui exposée au National Museum of Natural History, à Washington.

Le diadème de Marie-Louise, dont les émeraudes ont été remplacées par des turquoises, exposé au National Museum of Natural History de Washington. (Alvesgaspar/CC BY-SA 4.0)

Le collier, composé de 32 émeraudes et de 1 138 diamants, ainsi que les boucles d’oreilles, furent conservés dans leur état d’origine par Van Cleef & Arpels. Ils intégrèrent ensuite la collection de la baronne Élie de Rothschild avant d’être acquis par le Louvre en 2004.

Collier et boucles d’oreilles en émeraude de la parure de Marie-Louise, 1810, par François-Régnault Nitot. Émeraudes, diamants, or ; collier mesurant environ 43 cm sur 7 cm et boucles d’oreilles mesurant environ 5,7 cm sur 3 cm. (Jean-Gilles Berizzi/Musée du Louvre)

Saphirs dérobés

La parure de saphirs volée, remodelée au fil des siècles, a été portée par plusieurs femmes de la royauté. La première propriétaire attestée fut la reine Hortense de Hollande (1783–1837), belle-fille de Napoléon. Une légende non vérifiée prétend que les somptueux saphirs de Ceylan faisaient partie de la collection de sa mère, l’impératrice Joséphine, et remonteraient peut-être même à Marie-Antoinette.

La parure de saphirs de la reine Marie-Amélie et de la reine Hortense exposée dans la Galerie d’Apollon du Louvre, en 2020. (Stephane de Sakutin/Getty Images)

La parure fut achetée à Hortense par celui qui devint le roi Louis-Philippe Ier de France, pour son épouse italienne, la reine Marie-Amélie (1782–1866). À son tour, cette dernière offrit certains de ses bijoux à ses petits-enfants lors de leurs mariages. L’ensemble resta dans la famille d’Orléans jusqu’en 1985, année où le Louvre acquit le diadème, le collier, les boucles d’oreilles, une grande broche et deux petites broches auprès d’Henri d’Orléans, comte de Paris, pour 5 millions de francs (1,57 millions d’euros). Ce montant était inférieur à ce qu’ils auraient atteint sur le marché, le comte souhaitant qu’ils demeurent en France. Ils étaient au Louvre depuis quarante ans, jusqu’au vol.

Le diadème est constitué de 5 éléments articulés, chacun surmonté d’un large saphir. Il compte au total 24 saphirs et 1 083 diamants.

Diadème de la parure de la reine Marie-Amélie et de la reine Hortense, début du XIXᵉ siècle. Diamants et saphirs de Ceylan ; env. 6,2 cm sur 10,7 cm. (Stéphane Maréchalle/Musée du Louvre)

Cet ornement de tête peut être démonté pour former des broches. On peut l’observer sur un portrait de Marie-Amélie : les éléments du diadème viennent orner la jupe de sa robe.

Un portrait de Marie-Amélie de Bourbon, reine des Français, 1836, par Louis Hersent. Huile sur toile ; env. 225 cm sur 158 cm. Château de Versailles, France. (Domaine public)

Le collier, composé de huit saphirs rehaussés de diamants, est un remarquable exemple de savoir-faire. Tous ses maillons sont articulés, c’est-à-dire conçus avec des éléments souples permettant le mouvement ; cette particularité confère au bijou un véritable dynamisme. Les boucles d’oreilles présentent, quant à elles, des pendants en saphir taillés en briolette. Une seule boucle d’oreille a été dérobée lors du vol.

Collier et boucles d’oreilles de la parure de la reine Marie-Amélie et de la reine Hortense, début du XIXᵉ siècle. Diamants et saphirs de Ceylan ; collier mesurant env. 3,3 cm sur 40 cm et boucles d’oreilles env. 5,1 cm sur 2,3 cm. (Stéphane Maréchalle/Musée du Louvre)

Le somptueux diadème d’Eugénie

L’élégante impératrice Eugénie (1826–1920), née en Espagne, fut une véritable icône de mode au milieu du XIXᵉ siècle. Épouse de l’empereur Napoléon III – lui-même fils de la reine Hortense et du frère de Napoléon Ier – Eugénie affectionnait les toilettes fastueuses et les bijoux opulents. Peu après leur mariage, un portrait officiel fut réalisé par le peintre mondain Franz Xaver Winterhalter. L’original aurait été perdu dans un incendie en 1871, mais plusieurs copies de la toile de Winterhalter subsistent.

Un portrait de l’impératrice Eugénie en habit de cour, vers le milieu du XVIIIᵉ siècle, d’après Franz Xaver Winterhalter. Huile sur toile ; env. 208 cm sur 158 cm. Château de Compiègne, France. (Domaine public)

Sur ce portrait, l’impératrice porte un somptueux diadème de perles et de diamants datant de 1853. Cette pièce d’exception fut commandée par Napoléon III au joaillier de la Cour, Alexandre-Gabriel Lemonnier, comme cadeau de mariage. Lemonnier utilisa des perles provenant d’une parure initialement créée pour Marie-Louise. Le diadème entier réunit 212 perles naturelles et 1 998 diamants.

Diadème de l’impératrice Eugénie, 1853, par Alexandre-Gabriel Lemonnier. Perles et diamants ; env. 7,0 cm × 19,1 cm × 18,5 cm. (Stéphane Maréchalle/Musée du Louvre)

En 1870, Eugénie s’exila en Angleterre, et Napoléon III la rejoignit l’année suivante. Comme Marie-Louise avant elle, elle emporta avec elle ses bijoux personnels. Le diadème, considéré comme appartenant aux joyaux de la Couronne, resta en France. En 1887, une vente aux enchères monumentale des joyaux de la Couronne eut lieu au Louvre. La Troisième République française, régime qui avait succédé au Second Empire de Napoléon III, se méfiait de conserver ces symboles puissants de la monarchie, susceptibles de nourrir des velléités de restauration. Presque tous les joyaux de la collection furent vendus, y compris le diadème de l’impératrice Eugénie.

En 1890, la famille noble allemande de Thurn und Taxis acquit le diadème. Il passa entre les mains des générations successives avant d’être vendu en 1992 chez Sotheby’s pour 3 719 430 francs suisses (environ 420 000 dollars). Il fut acheté afin d’être exposé au Louvre.

Pages du catalogue de la vente des joyaux de la Couronne de 1887. (Domaine public)

La couronne d’Eugénie retrouvée figure également sur le portrait de Winterhalter, où elle est posée sur un pouf. La représentation à l’huile de la couronne d’or, d’émeraudes et de diamants diffère de l’objet réel ; lorsque Winterhalter peignit le tableau, la couronne n’avait pas encore été achevée par Lemmonier. Le peintre dut donc s’appuyer sur les dessins de travail du joaillier. La couronne terminée présente huit arcs en forme d’aigle, entrecoupés de palmettes de diamants – deux symboles impériaux. Au sommet des arcs se trouve un globe de diamants surmonté d’une croix.

Couronne de l’impératrice Eugénie, 1855, par Alexandre-Gabriel Lemonnier.  Or, diamants, émeraudes, cuir ; env. 13,0 cm × 15,0 cm. (Stéphane Maréchalle/Musée du Louvre)

Créée pour l’Exposition universelle de 1855, la couronne fut restituée à l’impératrice par la Troisième République en 1875. Eugénie la légua à la princesse Marie-Clotilde Napoléon, fille de l’héritier désigné de son fils défunt. Elle fait partie des collections du Louvre depuis 1988.

La broche « grand nœud de corsage »

La broche « grand nœud de corsage » de l’impératrice Eugénie, 1855, par François Kramer. Argent, diamants, or ; env. 3,5 cm × 22,2 cm × 10,4 cm. (Stéphane Maréchalle/Musée du Louvre)

La broche « grand nœud de corsage » d’Eugénie, créée par François Kramer, est composée de 2 438 diamants. Haute de près de 23 cm, sa taille est stupéfiante. Elle fut réalisée en 1855 puis adaptée en 1864. D’un dessin virtuose, il s’agit d’un nœud sculptural aux liens asymétriques se terminant par des houppes dont les franges sont articulées. Cinq cascades de diamants jaillissent du nœud ; elles sont montées « en pampille », c’est-à-dire se terminant en forme de stalactite.

Vendue lors de la fameuse vente aux enchères de 1887 sous le numéro cinq du catalogue, cette broche spectaculaire fut achetée par un joaillier pour le compte de la « reine » de la haute société new-yorkaise de l’Âge d’or, Caroline Astor, pour la somme de 42 200 francs (plus de 8 000 dollars de l’époque). En 1902, elle fut acquise par le duc de Westminster pour le mariage de sa fille avec le septième comte Beauchamp. L’épouse du huitième comte la vendit à un marchand de pierres précieuses de New York en 1980. Lorsque la collection de ce dernier devait être mise en vente chez Christie’s en 2008, le Louvre était déterminé à rapatrier la broche en France. Bien que la vente aux enchères ait finalement été annulée, une vente privée au musée fut négociée pour la somme de 10,7 millions de dollars.

Broche-reliquaire royale

Broche-reliquaire, 1855, par Paul-Alfred Bapst. Diamants, or ; env. 17,3 cm × 4,6 cm. (Stéphane Maréchalle/Musée du Louvre)

La broche-reliquaire d’Eugénie fut l’un des rares joyaux de la Couronne à ne pas être mis aux enchères par la Troisième République. Elle intégra directement les collections du Louvre. Son nom est impropre : la pièce ne comporte aucun espace permettant d’abriter une relique. Des spécialistes avancent l’idée que son écrin aurait pu être destiné à cet usage. La broche fut réalisée en 1855 par Alfred Bapst, issu d’une lignée de joailliers royaux. Sous la rosette qui orne son sommet se trouvent deux gros diamants, évoquant chacun la forme d’un cœur. Ces pierres majeures remontent au cardinal Jules Mazarin. Principal ministre de France, Mazarin constitua au milieu du XVIIᵉ siècle une collection légendaire composée de 18 diamants rares. À sa mort, il les légua au roi Louis XIV et aux joyaux de la Couronne française. Les diamants numéros 17 et 18 furent utilisés par le souverain comme boutons de manteau et, des siècles plus tard, réemployés pour la broche d’Eugénie.

Au XXᵉ siècle, le Louvre, déplorant la perte d’une part du patrimoine français lors de la vente de 1887, entreprit de racheter des bijoux royaux. Il est ironique que les huit joyaux dérobés aient été volés dans un lieu précisément destiné à les protéger pour les offrir au regard du public. Le chagrin causé par ce vol ne tient pas seulement à la disparition de diamants, de saphirs, d’émeraudes et de perles, mais aussi à celle des histoires que ces bijoux incarnent. Ils sont – ou peut-être désormais étaient – des témoins vivants de l’artisanat, de la beauté, du pouvoir, de la politique et de la romance, bien après que leurs protagonistes ont disparu. Symboles du patrimoine français, leur disparition lèse non seulement le Louvre et le peuple français, mais aussi tous les citoyens du monde attachés à l’histoire et à sa préservation.

Michelle Plastrik est conseillère en art et vit à New York. Elle écrit sur un grand nombre de sujets, dont l'histoire de l'art, le marché de l'art, les musées, les foires d'art et les expositions spéciales.

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