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Carnets de voyages médiévaux : entre couleurs et découvertes
L’exposition « Going Places : Travel in the Middle Ages », présentée au Getty Center à Los Angeles aux États-Unis, plonge dans le monde fascinant - et parfois fantastique - des voyages médiévaux tels qu’ils sont représentés dans l’art. L’exposition qui dure jusqu’au 30 novembre 2025 rassemble des manuscrits issus de la collection permanente du musée.

« Les villageois en chemin vers l’église », extrait d’un Livre d’Heures, vers 1550.
Photo: Simon Bening. Getty Center, Los Angeles. Getty Museum
L’exposition « Going Places : Travel in the Middle Ages » du Getty Center plonge dans le monde fascinant – et parfois fantastique – des voyages médiévaux tels qu’ils sont représentés dans l’art. Présentée jusqu’au 30 novembre 2025, l’exposition rassemble des manuscrits issus de la collection permanente du musée.
De nombreuses œuvres exposées sont rarement montrées au public, et certaines font partie de nouvelles acquisitions. S’appuyant sur des manuscrits enluminés issus de genres variés – textes religieux, histoires du monde, romans, fables et encyclopédies – l’exposition montre comment ces ouvrages se sont transformés en véritables carnets de voyage pour le lecteur médiéval « assis chez lui ».
Au Moyen Âge, la plupart des Européens ne quittaient pas leur domicile de plus de vingt kilomètres au cours de leur vie. Les déplacements plus lointains étaient généralement motivés par des obligations professionnelles ou religieuses ; le concept moderne de tourisme n’existait pas.
Parmi les pièces remarquables de l’exposition, on retrouve une miniature réalisée avec des couleurs à la détrempe éclatantes, de l’encre et de l’or, représentant Saint Christophe portant l’Enfant Jésus à travers une rivière tumultueuse. Saint Christophe était l’un des saints les plus populaires auprès des voyageurs. Le folio provient d’un Livre d’Heures français datant d’environ 1420. Le choix de l’artiste de représenter les bateaux avec leurs voiles déployées confère à la scène une vivacité remarquable – une caractéristique que l’on retrouve dans l’ensemble des œuvres présentées au Getty.

Saint Christophe portant l’Enfant Jésus, extrait d’un Livre d’Heures, vers 1420, par le Maître de Spitz. Couleurs à la détrempe, or et encre ; 20,2 × 14,9 cm. (Getty Center, Los Angeles. Getty Museum)
L’exposition se divise en trois sections thématiques :
- Sur les pas du Christ : christianisme et voyages.
- Terres lointaines : diplomatie, commerce et imagination.
- Les modes de voyage au Moyen Âge.
Certaines œuvres présentées offrent des représentations réalistes des voyages, tandis que d’autres relèvent de l’imaginaire. Ces manuscrits étaient conçus pour des Européens fortunés, leur permettant de contempler, selon le genre, d’une manière spirituelle ou plaisante, les récits visuels et textuels des lieux évoqués.
Christianisme et voyages

Les malades, les lépreux et les estropiés priant sur la tombe de sainte Hedwige ; les fidèles venant visiter la tombe de sainte Hedwige, 1353, Silésie, Pologne. Couleurs à la détrempe, lavis colorés et encre ; 34,1 × 24,8 cm. (Getty Center, Los Angeles. Getty Museum)
La première section, « Sur les pas du Christ », se concentre sur les voyages au cœur des récits de la Bible chrétienne et des pèlerinages médiévaux. Parmi les œuvres mises en avant figure Les malades, les lépreux et les estropiés priant sur la tombe de sainte Hedwige ; les fidèles venant visiter la tombe de sainte Hedwige.
Cette miniature datant de 1353 provient de Silésie, une région historique située aujourd’hui principalement en Pologne, avec de petites parties en République tchèque et en Allemagne. Les pèlerins se rendaient sur des sites sacrés, comme les sanctuaires de saints conservant des reliques, pour prier en quête de miracles.
Dans la partie inférieure de la page, les pèlerins arrivent de loin, à pied avec leur bâton (symbole médiéval du pèlerinage), à cheval ou encore en charrette, illustrant la diversité des moyens de déplacement au Moyen Âge.
Le Getty précise : « L’artiste a combiné l’usage de lavis colorés et de couleurs à la détrempe, créant une sensation rapide et spontanée grâce à son trait vif, tout en incluant des détails naturalistes soigneusement observés, comme la texture des planches de la charrette. »
Diplomatie, commerce et imagination

Chine (Seres), vers 1460–1465, par le Maître du Boccace de Genève, extrait du « Livre des Merveilles du Monde ». Lavis colorés, or et encre ; 14 × 8 cm. (Getty Center, Los Angeles. Getty Museum)
La deuxième section, « Terres lointaines », met en lumière les voyages entrepris pour le commerce, la diplomatie et la guerre, ainsi que les parcours fantastiques de l’imaginaire. Parmi les œuvres présentées figure le folio Chine (Seres), daté d’environ 1460–1465. Il représente un port chinois où des marchands chargent des marchandises sur un navire. Bien que le commerce entre la Chine et l’Europe ait bel et bien existé au Moyen Âge, l’artiste a choisi de représenter la Chine comme un paysage désertique peuplé de dragons.
Cette œuvre provient du Livre des Merveilles du Monde du Getty, acquis en 2022. Considéré comme un guide médiéval du globe, il combine informations issues de sources antiques, folklore médiéval et récits supposés de témoins oculaires sur des lieux proches ou lointains. Le texte, dont seules quatre copies subsistent, est en français et date du milieu du XVe siècle.
La version du Getty a été illustrée par le Maître du Boccace de Genève. Sa technique de dessin dans ce manuscrit, explique le Getty, « permet des compositions vives, dynamiques et fluides, capturant la sensation d’un voyageur se déplaçant rapidement d’un lieu à l’autre à travers le monde connu ».

Alexandre le Grand sous l’eau, extrait du « Roman d’Alexandre », vers 1290–1300, France ou Belgique. Couleurs à la détrempe, or et argent, et encre sur parchemin. (Getty Center, Los Angeles. Getty Museum)
Une autre acquisition récente et passionnante du Getty, qui inclut le folio Alexandre le Grand sous l’eau présenté dans l’exposition, a été achetée en 2025. Il s’agit d’une copie française ou flamande datant d’environ 1290-1300 du Roman d’Alexandre, un récit médiéval populaire retraçant la vie d’Alexandre le Grand.
Le texte mêle épopée héroïque, aventure et légende, présentant Alexandre non pas comme un conquérant historique de l’Antiquité, mais comme un chevalier médiéval idéal. Dans d’autres folios, il est représenté portant une armure du XIIIe siècle, bien qu’il soit décédé en 323 av. J.-C. Les miniatures de ce manuscrit dégagent une énergie et un mouvement remarquables.
Les modes de voyage au Moyen Âge

Barlaam, portant un sac sur l’épaule, traverse une rivière, 1469, par un élève de Hans Schilling. Encre, lavis colorés et couleurs à la détrempe ; 28,6 × 20,3 cm. (Getty Center, Los Angeles. Getty Museum)
La dernière section, « Les modes de voyage au Moyen Âge », présente à la fois les moyens de transport réels – à pied, à cheval ou en bateau – et des types fictifs. Le folio Barlaam, portant un sac sur l’épaule, traverse une rivière montre l’ermite Barlaam sur une petite embarcation, voyageant vers l’Inde pour convertir le prince Josaphat au christianisme. La scène illustre l’histoire du texte Barlaam et Josaphat, version christianisée du récit bouddhiste de Siddhartha. La copie du Getty est alsacienne et date de 1469.
L’artiste utilise des lavis de couleur vifs et des silhouettes audacieuses dans ses illustrations. Le manuscrit met l’accent sur le récit visuel, la plupart des images occupant une page entière. Comme dans le Roman d’Alexandre, l’artiste adapte les costumes des personnages au XVe siècle, afin de permettre au public médiéval de mieux s’identifier à l’histoire.
« Going Places : Travel in the Middle Ages » offre un aperçu approfondi des différentes raisons et manières dont les gens du Moyen Âge se déplaçaient. Outre les voyages vers des terres lointaines, l’exposition accorde également de l’attention aux déplacements plus modestes des habitants ordinaires. Le folio Les villageois en chemin vers l’église, issu d’un Livre d’Heures flamand datant d’environ 1550, montre des fidèles se rendant à leur église paroissiale locale.

Les villageois en chemin vers l’église, extrait d’un Livre d’Heures, vers 1550, par Simon Bening. Couleurs à la détrempe et or ; 5,6 × 9,5 cm. (Getty Center, Los Angeles. Getty Museum)
Malgré la petite taille de l’œuvre, l’artiste Simon Bening parvient à transmettre l’immensité du paysage, digne d’une grande peinture sur panneau. Les détails qu’il a inclus – la procession à la lueur des chandelles à l’intérieur de l’église et les bougies portées par les villageois – ont conduit les chercheurs à penser que la scène représente la célébration de la Chandeleur. Bien qu’il s’agisse d’un événement ordinaire, ce folio n’en demeure pas moins aussi magnifique que les autres œuvres de cette exposition audacieuse.
L’exposition « Going Places : Travel in the Middle Ages » est présentée au Getty Center à Los Angeles, Californie, et restera ouverte jusqu’au 30 novembre 2025. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site Getty.edu.
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