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Près d’un patient à risque sur deux échappe encore aux recommandations actuelles contre l’infarctus, selon une étude

Les médecins devraient dépister la présence de plaque – et pas seulement les facteurs de risque – selon de nouvelles recherches. Si l’on vous demandait d’imaginer le profil type d’une personne sur le point de faire son premier infarctus, vous penseriez sans doute à quelqu’un ayant un taux de cholestérol élevé, fumeur, en surpoids et présentant des lipides sanguins au-dessus des normes : le portrait classique. Pourtant, les personnes correspondant à ce schéma ne représentent qu’une minorité de celles qui feront effectivement une crise cardiaque

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Photo: Image Point Fr/Shutterstock

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Durée de lecture: 7 Min.

Des chercheurs ont découvert que de nombreux infarctus surviennent chez des personnes qui, selon les lignes directrices médicales actuelles, sont considérées comme à faible risque.
« Ce que nous voulions comprendre, expliquait à Epoch Times la Dre Anna Mueller, première auteure de l’étude, c’était : si nous avions vu ces patients deux jours avant leur infarctus, dans quelle mesure nos outils auraient-ils été performants ? »
Leur étude, publiée dans JACC : Advances, révèle que 45 à 61 % des patients victimes d’un infarctus n’auraient pas été éligibles à un traitement préventif seulement deux jours avant l’événement.
« On les aurait rassurés et renvoyés chez eux, sans médicament ni examen complémentaire », souligne Anna Mueller.

La majorité des patients victimes d’un infarctus étaient « à faible risque »

Les chercheurs ont analysé les données de 465 patients de moins de 66 ans, sans antécédent de maladie coronarienne, ayant présenté un premier infarctus entre janvier 2020 et juillet 2025.
L’équipe a recueilli des informations de santé très complètes : données démographiques, antécédents médicaux, taux de cholestérol, tension artérielle, tabagisme, ainsi que les symptômes présents au moment de la crise, dont les douleurs thoraciques ou l’essoufflement. Les chercheurs ont ensuite calculé le score de risque de chaque patient deux jours avant son infarctus.
Les patients ont été répartis en quatre catégories de risque – faible, limite, intermédiaire et élevé – et la majorité des infarctus sont survenus chez les personnes classées « faible » ou « limite ».
De plus, 60 % des patients n’ont développé les symptômes typiques de l’infarctus — comme les douleurs thoraciques ou l’essoufflement — que moins de deux jours avant leur crise, un délai beaucoup trop court pour une intervention préventive.
Aux États-Unis, les directives utilisées par les chercheurs pour évaluer le risque étaient le score ASCVD (athérosclerotic cardiovascular disease) et l’algorithme PREVENT, deux outils largement utilisés en pratique clinique. L’ASCVD a manqué 45 % des patients à risque, tandis que PREVENT en a manqué 61 %.
En France, l’équivalent du score ASCVD est le système SCORE ou SCORE2, recommandé par la Société européenne de cardiologie (ESC) et les recommandations françaises pour l’estimation du risque cardiovasculaire fatal à 10 ans. Ces outils prennent en compte l’âge, le sexe, le tabagisme, la pression artérielle systolique et le taux de cholestérol, en privilégiant leur applicabilité aux populations européennes plutôt qu’aux populations américaines. Des calculateurs PREVENT existent en ligne, mais ne sont pas systématiquement recommandés par la SFC ni la HAS en raison d’un recalibrage limité. Les cliniciens peuvent les utiliser pour les patients d’origine américaine ou pour des analyses comparatives, en complément d’outils comme RisqueCV.fr.

Pourquoi les outils actuels manquent souvent leur cible

« Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité depuis des décennies, et pourtant notre capacité à repérer précocement les personnes à risque ne s’est pas vraiment améliorée, déplore Anna Mueller. Cela doit changer de toute urgence. »
Aujourd’hui, les médecins calculent le score ASCVD lors des bilans annuels, principalement chez les personnes de 40 à 75 ans sans maladie cardiaque connue. Ce score estime le risque à 10 ans d’infarctus ou d’AVC. À partir de ces résultats, les praticiens décident s’il faut débuter des traitements préventifs, comme les médicaments destinés à faire baisser le cholestérol.
Mais l’étude montre qu’un score faible, associé à l’absence de symptômes classiques comme la douleur thoracique ou l’essoufflement, n’offre aucune garantie de sécurité à l’échelle individuelle.
Anna Mueller et ses collègues estiment que les médecins devraient déplacer leur attention : au lieu de rechercher uniquement une maladie cardiaque symptomatique, ils devraient dépister la présence de plaque artérielle, afin de traiter plus tôt — une stratégie qui, selon eux, pourrait sauver de nombreuses vies.
Les crises cardiaques sont causées par la plaque. Lorsque celle-ci se détache d’un vaisseau sanguin et se coince, elle bloque l’arrivée d’oxygène au cœur, provoquant l’infarctus.
Le problème, explique le Dr Peter Kowey, cardiologue et professeur de médecine, c’est qu’il est difficile de prévoir quand la plaque va se rompre et déclencher une crise. Il n’a pas participé à l’étude.
Les outils de dépistage actuels n’incluent pas le dépistage direct de la plaque, qui nécessite des examens d’imagerie et n’est pas utilisé systématiquement.
« Il existe tellement de variables dans les évaluations du risque qu’elles restent imparfaites, rappelle Peter Kowey. Nous essayons seulement d’obtenir une estimation approximative du risque. »
Peter Kowey renvoie à un point qu’il répète souvent dans son livre Failure to Treat : « les patients devraient construire une relation avec un bon médecin généraliste, capable d’interpréter la littérature scientifique et de donner des conseils éclairés. »
Ce médecin devient alors un conseiller de confiance, apte à déterminer si des examens supplémentaires sont nécessaires, lesquels demander et comment interpréter les résultats.
Mais malgré tous les efforts possibles, une part d’incertitude demeure.
Peter Kowey lui-même, ayant des antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire, prend une statine et de la metformine pour un pré-diabète.
« J’espère réduire mon risque, dit-il. Mais malheureusement, l’imprévisibilité reste très grande, et nous ne pouvons pas la maîtriser totalement. C’est un fait. »