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Opinion

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Les purges et la corruption affaiblissent la capacité de combat de l’armée chinoise

Les campagnes anticorruption de Xi Jinping, dirigeant du régime communiste chinois, censées renforcer le contrôle politique, perturbent au contraire la production d’armements et soulèvent des doutes sur la capacité de la Chine à mener une guerre de haute intensité.

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Des officiers et autres délégués quittent la séance d’ouverture de la Conférence consultative politique du peuple chinois au Grand Palais du Peuple, à Pékin, le 4 mars 2025.

Photo: Kevin Frayer/Getty Images

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Durée de lecture: 8 Min.

L’an dernier, l’industrie mondiale de l’armement a connu un boom : les fabricants d’armes au Japon, en Allemagne, en Corée du Sud, aux États‑Unis et au Royaume‑Uni ont tous enregistré de fortes hausses de chiffre d’affaires, tandis que les ventes d’armes mondiales atteignaient un record historique de 679 milliards de dollars.
À l’inverse, un rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) montre que les revenus des grands groupes publics chinois de défense ont reculé de 10 % en 2024, soit la chute la plus marquée parmi les principaux producteurs mondiaux d’armes, les enquêtes anticorruption ayant entraîné de nombreux reports et annulations de contrats militaires.
Norinco, principal fabricant public chinois de systèmes d’armes terrestres, a vu ses revenus s’effondrer de 31 % après l’éviction de sa haute direction. La China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC) a enregistré une baisse de 16 % après la purge de son président. AVIC a signalé un ralentissement des livraisons d’avions. La China Electronics Technology Group Corporation (CETC) a connu un recul de 10 %. Seuls les groupes chinois de construction navale et de moteurs aéronautiques ont vu leurs résultats progresser.
Ces reculs trouvent leur origine dans la concentration par Xi Jinping du pouvoir politique sur l’Armée populaire de libération (APL). Sa campagne anticorruption, présentée officiellement comme une opération de nettoyage, a démantelé les réseaux de clientélisme concurrents et placé la loyauté politique au‑dessus des compétences. Elle a entraîné la purge de dizaines de hauts responsables militaires et industriels au sein de l’APL, de la Commission militaire centrale et des principaux fabricants d’armements, perturbant des programmes clés et provoquant le report ou l’annulation de contrats majeurs.
La purge, en octobre 2025, de neuf généraux de haut rang de l’APL constitue le plus grand remaniement militaire depuis des décennies. Parmi les évincés figurent le vice‑président de la Commission militaire centrale, He Weidong, le commandant de la Force des fusées, Wang Houbin, des commissaires politiques de premier plan et des responsables clés des ressources humaines, des promotions et de la planification opérationnelle. Beaucoup étaient des proches nommés par Xi lui‑même, révélant à la fois l’ampleur supposée de la corruption au sein de l’APL et la méfiance croissante du dirigeant chinois envers ses propres alliés.
Le discours officiel a mis l’accent sur la « déloyauté », présentant la purge comme un durcissement idéologique. Elle a toutefois été déclenchée par des enquêtes sur des faits de corruption, de clientélisme et de pots‑de‑vin dans les programmes de missiles et d’achats de la Force des fusées.
Au cours des deux dernières années, deux commandants de la Force des fusées ont été démis. Le commandant Li Yuchao a été relevé de ses fonctions et fait l’objet d’une enquête en 2023, et son successeur, Wang Houbin, a été purgé en 2025. Ces limogeages successifs révèlent de graves dysfonctionnements structurels au sein des forces de missiles et nucléaires chinoises, jetant un doute sur leur fiabilité.
La Force des fusées est depuis longtemps considérée comme l’arme la plus secrète et la plus élitiste de la Chine. Elle bénéficie d’un financement prioritaire, d’une supervision au plus haut niveau et d’un accès direct à Xi. Si ce corps est gangrené par la corruption, des analystes estiment que le reste de l’APL pourrait être dans un état encore plus préoccupant.
Les purges suggèrent des défaillances systémiques dans l’acquisition de missiles, les essais et l’intégrité de la chaîne de commandement. Des schémas de corruption et de rétrocommissions semblent avoir orienté l’attribution de contrats pour les composants de missiles, les systèmes de lancement et les véhicules de soutien. Des informations faisant état de résultats d’essais falsifiés laissent penser que certains systèmes pourraient ne pas fonctionner comme annoncé.
Si la corruption a pénétré les services de maintenance ou de logistique, la fiabilité des vecteurs nucléaires ne peut plus être tenue pour acquise. Et si des hauts responsables ont été compromis, la discipline opérationnelle et l’intégrité des processus de décision s’en trouvent également menacées.
Les changements de personnel ont laissé la Commission militaire centrale avec son plus grand nombre de postes vacants depuis l’ère Mao Zedong, affaiblissant la représentation militaire au sein du Comité central du PCC et créant des vides au sommet de la chaîne de commandement. Xi peut certes remplacer les cadres purgés par des fidèles, mais l’expérience montre que même ses proches restent exposés à la corruption, ce qui laisse planer un doute sur l’efficacité réelle de ces purges dans la lutte contre les malversations. Dans le même temps, la priorité donnée à la loyauté au détriment des compétences devrait peser sur la capacité opérationnelle de l’APL.
À court terme, les lacunes de commandement, combinées à la nomination d’officiers loyaux mais potentiellement moins qualifiés, risquent de ralentir les opérations, les exercices et la planification concernant Taïwan, le temps que les nouveaux responsables prennent leurs marques. À plus long terme, Xi vise à reconstruire une armée plus disciplinée, politiquement docile et loyale à sa personne, mais cette centralisation extrême supprime aussi les contre‑pouvoirs internes. L’APL pourrait en sortir encore plus alignée sur les objectifs politiques de Xi, plus idéologisée, et potentiellement plus agressive.
Les conséquences des purges dépassent la seule question des profits industriels et des décisions prises au sommet : elles menacent directement la modernisation de l’armée chinoise et sapent des secteurs clés de l’industrie de défense. Les évaluations américaines de la défense indiquent que les purges ordonnées par Xi ont perturbé des programmes de missiles, d’aéronautique et de cyber‑défense, en particulier ceux liés à la Force des fusées, entraînant des retards et révélant des failles dans l’effort chinois pour déployer des capacités avancées.
La conscience qu’a Xi des vulnérabilités créées par ses propres purges pourrait aussi expliquer la virulence de sa réaction aux récents propos venus du Japon, laissant entendre une volonté de soutenir la défense de Taïwan. Affaiblie par les enquêtes anticorruption, les vides de commandement et les purges politiques, l’APL est moins prête à affronter un conflit de haute intensité, notamment si celui‑ci impliquait une réponse coordonnée des États‑Unis et du Japon.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Antonio Graceffo, docteur en philosophie, a passé plus de 20 ans en Asie. Il est diplômé de l'Université des sports de Shanghai et titulaire d'un MBA chinois de l'Université Jiaotong de Shanghai. Il travaille aujourd'hui comme professeur d'économie et analyste économique de la Chine, écrivant pour divers médias internationaux.

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