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La Chine défie le Japon sur les îles Senkaku et accroît le risque d’un conflit États Unis-Chine

L’incursion de garde‑côtes chinois dans les eaux japonaises et les attaques du PLA Daily contre la Première ministre japonaise Sanae Takaichi marquent une escalade significative susceptible de rapprocher les États‑Unis d’un affrontement autour de Taïwan.

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Yonaguni, photographiée le 13 avril 2022, est la dernière île habitée à l’ouest du Japon, située à seulement 111 kilomètres de Taïwan et proche des îles Senkaku disputées. Yonaguni connaît une augmentation de la présence militaire alors que le gouvernement japonais cherche à contrer les activités chinoises dans des territoires revendiqués par les deux pays.

Photo: Carl Court/Getty Images

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Durée de lecture: 9 Min.

Le 16 novembre, quatre navires armés de la garde‑côtière chinoise ont pénétré dans les eaux administrées par le Japon autour des îles Senkaku, intensifiant une tension déjà sévère en mer de Chine orientale. Pékin revendique les îles Senkaku, qu’elle nomme Diaoyu. Tokyo conserve l’autorité administrative complète sur ces îles inhabitées et considère l’incursion chinoise comme une violation de ses eaux territoriales.
Selon la garde‑côtière japonaise, les quatre navires ont franchi la zone des 12 milles nautiques (222 km) vers 10h15, ont été confrontés « à un contingent supérieur de navires japonais », puis ont quitté la zone environ deux heures plus tard. Pékin a défendu son action sur Weibo, décrivant « une patrouille de protection des droits opérée par la garde‑côtière chinoise conformément à la loi ». Minoru Kihara, secrétaire général du gouvernement japonais, a condamné cette incursion comme « une violation du droit international » et « inacceptable », et Tokyo a déposé une protestation diplomatique.
L’intrusion s’est produite quelques jours après que la Première ministre Takaichi a averti qu’une attaque chinoise contre Taïwan constituerait « une menace existentielle » justifiant une intervention militaire japonaise.
Le consul général chinois à Osaka, Xue Jian, a alors lancé une menace violente sur les réseaux sociaux : « Ce cou souillé qui s’est invité seul – je n’ai d’autre choix que de le trancher sans la moindre hésitation. Êtes‑vous prêts ? ». Le message a été supprimé par la suite. Pour la première fois en plus de deux ans, la Chine a convoqué l’ambassadeur du Japon.
La pression s’est intensifiée via la propagande de Pékin : plusieurs éditoriaux dans le PLA Daily, journal officiel de l’Armée populaire de libération, ont attaqué la Première ministre japonaise pour avoir affirmé que l’urgence taïwanaise pourrait devenir « une situation de menace pour la survie » du Japon. Selon le média chinois, ses propos violent le « principe d’une seule Chine », interfèrent dans les affaires internes du pays et « remettent gravement en cause les intérêts fondamentaux de la Chine ». Les éditorialistes qualifient son intention de « extrêmement pernicieuse », ses propos de « particulièrement odieux », et somment Tokyo de rétracter sa position ou d’en « assumer toutes les conséquences ». Certains la désignent comme la première dirigeante japonaise, depuis 1945, à affirmer qu’« une crise à Taïwan est une crise pour le Japon », interprétant cela comme une menace militaire envers la Chine.
Le Parti communiste chinois (PCC), par la voix de Xi Jinping, a renouvelé sa promesse d’unifier Taïwan à la mère patrie « par la force, si nécessaire ». Face à cette escalade, George Glass, ambassadeur américain au Japon, a affirmé le soutien de Washington à Tokyo, rappelant que « l’alliance États‑Unis–Japon demeure résolue à préserver la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan » et que les États‑Unis « s’opposent fermement à toute tentative unilatérale de modifier le statu quo régional par la force ou la coercition ».
Le PLA Daily va plus loin, soulignant que le Japon révise ses documents de sécurité, accroît ses capacités offensives et « se transforme en un État prêt à la guerre ». L’organe officiel prévient que si « le Japon ose s’impliquer militairement dans la situation du détroit », le PCC délivrera « une riposte résolue » et exercera son droit à l’autodéfense.
D’autres articles répètent que toute intervention « risque de transformer l’intégralité du pays en champ de bataille » et accusent Tokyo d’une « ambition prédatrice d’ingérence militaire » dans les affaires internes étrangères. Un compte affilié à l’armée avertit que le Japon « paierait un lourd tribut », tandis que le ministère chinois de la Défense promet que Tokyo « subirait une défaite écrasante ».
Du point de vue américain, l’incursion des garde‑côtes, les prises de position de Mme Takaichi et les menaces du PLA posent d’importantes questions stratégiques. Le Japon accueille le plus grand nombre de militaires américains hors du territoire des États‑Unis, et ces bases seraient ciblées en cas d’offensive chinoise sur Taïwan. En vertu du Traité de sécurité États‑Unis–Japon, Tokyo doit défendre les forces américaines stationnées sur son sol. Historiquement, les dirigeants japonais évitaient de lier Taïwan à une intervention militaire, mais les propos de Mme Takaichi franchissent une ligne ambiguë et marquent une escalade.
Mme Takaichi n’a pas renoncé explicitement à l’« ambiguïté stratégique » ni promis de défendre Taïwan. Le Japon reconnaît toujours le principe « d’une seule Chine » et ne reconnaît pas l’indépendance de Taïwan. Ce qu’elle a réalisé, c’est une rupture avec ses prédécesseurs, en déclarant que certaines actions militaires chinoises autour de Taïwan pourraient constituer « une menace existentielle » pour le Japon. Sa position rappelle l’avertissement de Shinzo Abe en 2021 : « Une urgence à Taïwan est une urgence pour le Japon », déclaration qui avait également suscité la colère du PCC.
Depuis la loi de sécurité adoptée en 2015, une « menace pour la survie » ne peut être déclarée que lorsqu’une attaque contre un pays « étroitement lié au Japon » menace la survie du Japon. Selon Mme Takaichi, un blocus ou une opération militaire chinoise pourrait mettre en péril les voies maritimes japonaises, menacer le territoire national ou les forces américaines stationnées au Japon. Sa déclaration constitue une justification légale pour l’autodéfense japonaise, non un engagement à intervenir directement pour Taïwan.
Ce virage reste essentiel pour Washington. Si le Japon activait ses Forces d’autodéfense, les militaires américains présents sur son sol seraient immédiatement impliqués dans la confrontation, toute riposte chinoise pouvant entraîner l’application du traité bilatéral. Les îles méridionales japonaises se trouvent à quelque 110 km de Taïwan, les voies maritimes essentielles traversent la zone contestée, et les troupes américaines à Okinawa sont donc exposées à un potentiel théâtre d’opérations. Lorsque le PLA Daily prévient que le Japon « risque de transformer tout son territoire en champ de bataille », cette menace inclut tacitement les installations américaines.
L’incursion des garde‑côtes chinois vise aussi à tester la détermination japonaise, leurs navires arborant des mitrailleuses lourdes, preuve d’une volonté d’escalade. Le PCC montre ainsi sa capacité à exercer une pression simultanée sur le Japon, militairement, diplomatiquement et économiquement. Après l’accrochage diplomatique, Pékin a suggéré à ses ressortissants d’éviter le Japon, et les compagnies aériennes chinoises ont proposé remboursements et modifications gratuits – signe précurseur d’une coercition économique plus large.
L’administration Trump a réaffirmé sa stratégie de réponse. Sur CBS, lors de l’émission « 60 Minutes », Donald Trump rappelait que Xi Jinping lui avait promis de ne pas intervenir militairement contre Taïwan « parce qu’il en connaissait les conséquences », sans préciser la nature de la réaction américaine.
En février, les États‑Unis et le Japon ont publié une déclaration conjointe soulignant « la détermination inébranlable des États‑Unis à défendre le Japon, en utilisant l’ensemble de leurs capacités, y compris nucléaires ».
En octobre, Trump a assuré à Mme Takaichi qu’il viendrait en aide au Japon à tout moment. L’administration américaine a également réaffirmé l’application pleine et entière du traité de sécurité aux îles Senkaku, réitérant avec Tokyo leur opposition à toute tentative visant à miner la souveraineté japonaise sur ces territoires.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Antonio Graceffo, docteur en philosophie, a passé plus de 20 ans en Asie. Il est diplômé de l'Université des sports de Shanghai et titulaire d'un MBA chinois de l'Université Jiaotong de Shanghai. Il travaille aujourd'hui comme professeur d'économie et analyste économique de la Chine, écrivant pour divers médias internationaux.

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