filets de pêche bretons anti-drones
Quand les filets de pêche bretons deviennent des armes anti-drones pour l’Ukraine
Les filets de pêche bretons connaissent une seconde vie surprenante. Après avoir servi à capturer des lottes et autres poissons dans les eaux françaises, ces équipements usagés prennent désormais la route de l'Ukraine pour une mission bien différente : intercepter les drones russes.

Des filets de pêche sont transportés après avoir été collectés par l'association caritative française « Kernic Solidarités » afin d'être envoyés en Ukraine et utilisés comme protections contre les attaques de drones, dans le port breton de Roscoff, le 17 octobre 2025.
Photo: FRED TANNEAU/AFP via Getty Images
Christian Abaziou, 70 ans, et Gérard Le Duff, 63 ans, sont aux premières loges de cette initiative originale. Ces bénévoles de l’association Kernic Solidarités chargent inlassablement leur camion sur le port de Roscoff, dans le Finistère. « Ça sent le poisson pourri », plaisante Christian en manipulant les énormes sacs blancs remplis de filets.
Un besoin urgent face à la guerre des drones
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : début octobre, 120 kilomètres de filets ont déjà été acheminés en Ukraine. Un second convoi transportant 160 kilomètres supplémentaires a quitté Treflez vendredi dernier.
« Quand nous avons lancé les convois humanitaires il y a trois ans, les drones n’étaient pas un problème », témoigne Gérard, président de l’association. Mais le conflit a évolué, se transformant en « guerre de drones ».
La Russie utilise massivement de petits appareils volants commerciaux équipés d’explosifs, capables de frapper à plus de 25 kilomètres du front. Face à cette menace aérienne permanente, l’Ukraine a développé une parade ingénieuse.
Des toiles d’araignée géantes sur les routes ukrainiennes
La stratégie de défense est simple mais efficace : des filets sont tendus sur des poteaux le long des routes, sur des centaines de kilomètres. Les drones qui s’en approchent se retrouvent piégés, comme des insectes dans une toile d’araignée.
Informé de ce nouveau besoin, Christian Abaziou a contacté un pêcheur retraité. « En 48 heures, j’avais tous les filets nécessaires », raconte-t-il.
La générosité des pêcheurs bretons
« C’est de bon cœur », confirme Jean-Jacques Tanguy, 75 ans, ancien président du comité des pêches du Finistère. Les pêcheurs sont fiers de contribuer à sauver des vies grâce à leur matériel usagé.
Chaque année, les filets de pêche sont renouvelés et s’accumulent sur les quais bretons. Marc-Olivier Lerrol, directeur adjoint du port de Roscoff, qui en collecte environ 20 à 25 tonnes annuellement, accueille favorablement cette initiative : « Ces filets étaient destinés au retraitement. Autant qu’ils servent à une bonne cause ! »
« Vous êtes les bienvenus, revenez quand vous voulez ! », lance-t-il aux deux bénévoles en guise d’encouragement.
Un parcours de 2 300 kilomètres jusqu’au front
Les filets bretons entament un long voyage. Stockés avec plusieurs tonnes de soupes, de lait infantile et de matériel médical, ils sont transférés dans un camion ukrainien à la frontière polonaise, à 2 300 kilomètres du Finistère.
Le premier convoi s’est dirigé vers Zaporijjia, dans le sud de l’Ukraine. Le second devrait rejoindre Kherson, ville en première ligne qui subit quotidiennement les attaques de drones.
« Les Ukrainiens ont les larmes aux yeux »
Un Français établi en Ukraine, souhaitant garder l’anonymat, a servi d’intermédiaire entre Kiev et les volontaires bretons.
« Le besoin en filets est colossal ici », explique-t-il. « Quand on raconte aux Ukrainiens que des bénévoles bretons envoient des kilomètres de filets de pêche pour sauver des vies, ils en ont les larmes aux yeux. »
Un mouvement qui prend de l’ampleur
Pour l’avenir, Christian Abaziou espère optimiser la logistique : « Idéalement, les Ukrainiens enverraient leurs propres transporteurs récupérer les filets en Bretagne. Nous les aiderions à les rassembler et les charger, mais notre budget ne nous permet pas de financer indéfiniment ces convois. »
Kernic Solidarités n’est pas seule dans cette démarche. Stéphane Pochic, patron d’un armement de six chalutiers à Loctudy, a également expédié des filets en août via l’association Arasfec Paca, basée dans les Hautes-Alpes.
« C’est un geste symbolique pour montrer notre soutien », explique-t-il. Il prévoit bientôt d’envoyer un chalut pélagique entier en Ukraine.
Une solidarité européenne
Cette générosité dépasse les frontières françaises. Les positions ukrainiennes sont également protégées par des filets venus du nord de l’Europe, notamment de Suède et du Danemark, témoignant d’une mobilisation européenne face à l’ingéniosité tragique de cette guerre moderne.
Avec AFP

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