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Prestations sociales

Prestations sociales : fraudes, erreurs et carences de contrôle coûtent des milliards à l’État

Fraudes, erreurs de versement, manque de contrôles : le système français de protection sociale affiche des dysfonctionnements qui se chiffrent en milliards d'euros et pèsent sur les finances publiques. Pour la troisième année consécutive, la Cour des comptes refuse de certifier les comptes de la CAF.

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La Cour des comptes a refusé sa certification aux comptes 2024 de la CAF.

Photo: PHILIPPE HUGUEN/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 6 Min.

Sur la Côte d’Azur, trois membres d’une fratrie circulaient en belles voitures et « flambaient dans des boutiques de luxe, des bars ou des casinos », alors qu’ils ne déclaraient quasiment que des allocations familiales. Les perquisitions menées en novembre 2024 ont permis de saisir près de 900.000 euros de patrimoine dissimulé. Au-delà de cette affaire de Beaulieu-sur-Mer, c’est l’ensemble du système de versement des prestations sociales qui révèle ses failles : fraudes organisées, mais aussi erreurs massives de versement et moyens de contrôle dérisoires face aux enjeux financiers.

Un train de vie incompatible avec les revenus déclarés

L’affaire qui a éclaté à Beaulieu-sur-Mer incarne parfaitement les dérives du système. Deux quadragénaires, fichés pour trafic de stupéfiants, vivaient officiellement des seules allocations familiales, d’après l’AFP. Dans les faits, leur quotidien était tout autre : véhicules haut de gamme, achats dans les enseignes de luxe, soirées dans les établissements chics et les casinos.
L’intervention d’une quarantaine de gendarmes en novembre 2024 a mis au jour un patrimoine considérable. Le butin s’élève à près de 900.000 euros, répartis entre espèces, biens de prestige et avoirs bancaires dispersés sur de multiples comptes. La fratrie fait désormais face à des poursuites pour blanchiment et escroquerie envers les organismes sociaux. Les autorités ont saisi la CAF départementale pour obtenir la restitution des sommes perçues frauduleusement.

800 milliards d’euros de prestations sociales

L’enveloppe consacrée annuellement aux prestations sociales atteint 800 milliards d’euros (Ndlr 888 milliards selon la Drees en 2023), représentant la moitié du budget de l’État, selon Benoît Perrin, directeur général de Contribuables associés.
Il affirme sur Cnews que la lutte contre les abus constitue « un enjeu majeur pour réaliser des économies, dans le cadre du budget 2026 », d’après Capital. Ses calculs démontrent qu’une détection limitée à 5% des fraudes générerait une économie pouvant aller jusqu’à 40 milliards d’euros.

Les comptes de la CAF non certifiés pour la troisième année consécutive

Pour la troisième fois d’affilée, après 2022 et 2023, la Cour des comptes a refusé sa certification aux comptes 2024 de la CAF. Le rapport annuel du 16 mai dernier dénonce « les erreurs liées aux données prises en compte pour verser les prestations », qui persistent au-delà de deux ans sans correction. L’institution chiffre ces anomalies à « 8% du montant des prestations, et concernent notamment le RSA, la prime d’activité et les aides au logement ». Un constat particulièrement alarmant concerne la prime d’activité : « plus d’un quart des montants versés au titre de la prime d’activité est entaché d’erreurs ».
Le préjudice total s’établit à 6,3 milliards d’euros pour « le montant des erreurs non corrigées par les actions de contrôle interne », englobant des « versements indus mais aussi de prestations non versées » recensés fin 2024, « qui ne seront jamais régularisés ». Cette situation crée une double injustice : des fonds publics gaspillés d’un côté, des foyers légitimes privés d’aides de l’autre.

Des moyens de contrôle nettement insuffisants

L’effectif mobilisé pour surveiller la distribution des aides sociales apparaît dérisoire : seulement 700 agents de contrôle à la CAF pour encadrer 90 milliards d’euros de versements. Benoît Perrin souligne l’inefficacité du système en rappelant qu’à peine 7% des sommes fraudées font l’objet d’un recouvrement effectif.
Pour la branche famille, l’Irap souligne la baisse constante des contrôles qui sont « cependant de plus en plus ciblés et productifs », grâce à la mise en place du SNLFE (Service national de lutte contre la fraude à enjeux). Le datamining et les systèmes de contrôle automatisés doivent néanmoins être développés pour redéployer les moyens humains vers la détection des fraudes les plus importantes.

Une fraude détectée en hausse mais loin de la réalité

Les fraudes identifiées ont progressé de près de 20% en 2024 comparé à l’exercice précédent, totalisant 449 millions d’euros, selon l’IFRAP. Mais ce résultat reste marginal face aux estimations réelles concernant la branche famille.
La Cour des comptes établit que « en 2024 (résultats au titre de 2023), la fraude estimée est comprise entre 4,6% et 5,7% des prestations légales versées, soit entre 3,8 Md€ et 4,7 Md€ ». Les dispositifs les plus vulnérables demeurent le RSA, la prime d’activité et les allocations logement.

Toutes les branches de la Sécurité sociale concernées

La branche Famille n’est pas isolée dans cette crise. La branche Maladie comptabilise 3,3 milliards d’euros d’anomalies en 2024, dont une fraude estimée entre 1,4 et 1,9 milliard d’euros, d’après Contribuables associés. Du côté des retraites, une pension sur dix présente une irrégularité financière.
La Cour des comptes rappelle un principe fondamental : « La Sécurité sociale ne crée pas de richesse. Ses déficits sont comblés par l’emprunt ou par des prélèvements supplémentaires. » Cette spirale alimente le déséquilibre des comptes sociaux, dont le financement retombe inévitablement sur les contribuables via les cotisations et la fiscalité.