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Philippe Charlez : « Arrêter aujourd’hui le développement des nouveaux champs pétroliers constituerait une faute lourde »

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Photo: Crédit photo : Philippe Charlez

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Durée de lecture: 6 Min.

ENTRETIEN – Alors qu’un certain nombre d’activistes et d’organisations non gouvernementales environnementales plaident pour la fin des investissements dans les hydrocarbures, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a estimé au mois de septembre dans un rapport que de nouveaux financements dans ces énergies vont être nécessaires pour compenser le déclin des gisements.
Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l’École polytechnique de Mons (Belgique) et docteur en physique de l’Institut de Physique du Globe de Paris. L’augmentation de la demande en pétrole rend illusoire l’arrêt des investissements dans de nouveaux gisements, prévient-il.
Epoch Times – Philippe Charlez, vous critiquez dans Le Figaro les ONG environnementales et autres écologistes qui défendent l’arrêt des investissements dans les hydrocarbures et affirmez que cette politique énergétique engendrerait une crise énergétique mondiale. Par quoi se traduirait cette crise ?
Philippe Charlez – D’abord, rappelons des éléments essentiels. La production mondiale de pétrole est basée sur des champs dits « existants » qu’on appelle le socle.
Certains sont anciens comme ceux du Moyen-Orient, et d’autres, plus récents, comme les champs en grande profondeur d’eau d’Afrique australe.
La production de ce socle baisse naturellement de 4 à 6 % par an, alors que parallèlement, la demande en pétrole croît en moyenne de 1,5 % par an. Cette dernière devrait continuer d’augmenter à ce rythme pendant une dizaine d’années au moins.
Si de nouveaux investissements pétroliers pour développer des champs nouveaux et compenser ce déclin ne sont pas réalisés, nous assisterions alors très rapidement à une rupture majeure entre l’offre et la demande. En conséquence, le prix du baril exploserait, pourrait atteindre plusieurs centaines de dollars tandis que le litre d’essence pourrait s’accroitre jusqu’à 5 euros. Il en résulterait une colère sociale immense avec des millions de manifestants dans les rues.
De plus, cette rupture serait structurelle car le développement de champs pétroliers relève du temps long : lancer des investissements pétroliers nécessiterait du temps et énormément d’argent.
Vouloir arrêter le développement des nouveaux champs pétroliers constituerait donc une faute lourde et nous conduirait inéluctablement vers une crise énergétique mondiale avec des conséquences géopolitiques et sociales inédites.
En même temps, les écologistes invoqueront la nécessité de faire baisser le plus vite possible les émissions de gaz à effet de serre. Que leur répondez-vous ?
 Il y a aujourd’hui deux moyens de baisser la consommation de pétrole : par l’offre ou par la demande.
Réduire la consommation par le biais de l’offre en arrêtant tout nouveau développement pétrolier aurait des conséquences sociales et géopolitiques incommensurables, comme je viens de l’expliquer.
La seconde option est de laisser la demande baisser naturellement via la transition des usages énergétiques, par exemple par le remplacement de la voiture thermique par la voiture électrique. Une telle stratégie est beaucoup plus longue puisqu’elle dépend entièrement du comportement du consommateur et de son mode de vie.
 « L’Agence [AIE] conclut que la seule stratégie raisonnable est de ’combler ce déclin par de nouveaux projets pétroliers et gaziers développés à partir de ressources déjà trouvées ou en explorant de nouvelles ressources’ », écrivez-vous dans Le Figaro. C’est-à-dire ?
Il existe aujourd’hui trois types de ressources. Premièrement, celles qui ont déjà été développées et en cours de production. Les forages ont été réalisés et les installations de surface construites. Mais comme je l’ai expliqué, ces ressources qui constituent le socle déclinent d’environ 4 à 6 % par an.
Deuxièmement, il y a les champs qui ont été identifiés, mais pas encore développés. Dans ce cas, des forages et des installations de surface sont nécessaires pour leur mise en production.
Enfin, il y a les ressources qu’il faut explorer dans des zones encore vierges. Par exemple, les deltas du Nil et du Gange représentent un potentiel possible.
À plus long terme, l’arrêt des investissements dans le pétrole et le gaz est-il réaliste ?
Oui, quand la demande diminuera avec l’électrification des usages ou l’emploi d’alternatives aux hydrocarbures comme l’hydrogène, les biocarburants ou les carburants synthétiques. Le socle serait alors suffisant pour couvrir la fin des hydrocarbures.
Mais comme déjà mentionné à plusieurs reprises nous en sommes très loin. C’est la raison pour laquelle l’Agence internationale de l’énergie défendait il y a quelques semaines dans un rapport la nécessité d’investir massivement dans des nouveaux gisements, revenant ainsi largement sur sa position antérieure :  « Aucun nouveau projet de champs gaziers et pétroliers n’est nécessaire au-delà de ceux qui ont déjà été approuvés en vue de leur développement », estimait-elle en 2021.
J’avais à l’époque critiqué cette prise de position dans un article publié sur le site Contrepoints. 
Même face à la nécessité d’investir dans de nouveaux champs pétroliers, les ONG ne modèrent pas leur discours ?
Les ONG pures et dures ne modifieront pas leur discours. Elles continueront de véhiculer leur rhétorique anticapitaliste et de faire croire que les hydrocarbures ne servent qu’à enrichir les grandes compagnies alors qu’il ne faut pas l’oublier, les hydrocarbures ont depuis la révolution industrielle été l’un des piliers du développement humain.
Il ne faut pas espérer qu’elles fassent amende honorable et admettent que la transition énergétique demande beaucoup plus de temps.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.