Pékin durcit encore l’étau sur la société civile à l’approche de la Journée des droits de l’homme
Vagues d’arrestations, procès opaques et disparitions prolongées illustrent le contrôle accru de Pékin sur les militants, les groupes religieux et l’expression politique.
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Des manifestants brandissent une feuille blanche contre la censure lors d’une marche contre les strictes mesures « zéro Covid » à Pékin, le 27 novembre 2022.
Dans les jours précédant la Journée internationale des droits de l’homme, le 10 décembre, une nouvelle vague de répression à travers toute la Chine a ravivé les inquiétudes des organisations internationales.
Les rapports récents décrivent un espace civique en constante réduction, des détentions arbitraires et des procédures judiciaires opaques mises en œuvre par le Parti communiste chinois (PCC), affectant militants, dissidents politiques, communautés religieuses et avocats spécialisés dans la défense des droits humains.
Des militants privés d’un véritable procès équitable
Les défenseurs des droits humains affirment que la situation générale des libertés en Chine s’est nettement durcie ces dernières années. Début décembre, un tribunal de Xinyang, dans la province du Henan, a confirmé une peine de trois ans de prison à l’encontre du militant pour les droits des travailleurs Xing Wangli, reconnu coupable de « querelles et troubles », une incrimination régulièrement utilisée pour viser les dissidents, et immédiatement transféré en détention après le verdict.
Son fils, Xing Jian, installé en Nouvelle‑Zélande, a indiqué à Epoch Times que son père avait été maintenu au secret pendant toute sa détention. Militant de longue date, M. Xing a déjà été emprisonné à cinq reprises, purgeant au total 12 ans et 8 mois, sans compter les périodes de détention extrajudiciaire, de surveillance ou de détention administrative.
« Cela montre un schéma clair de ciblage », a‑t‑il déclaré, en ajoutant que les pressions s’exercent désormais au‑delà des frontières chinoises.
Parallèlement, les participants aux manifestations du « mouvement de la feuille blanche » de 2022 – ces protestations nationales contre les restrictions sanitaires liées au Covid‑19 – continuent d’en subir les conséquences judiciaires. De nombreux jeunes manifestants auraient été inculpés ou jugés à huis clos en 2024 et 2025.
Le militant des droits humains Xing Wangli en 2020. (Avec l’aimable autorisation de Xing Jian)
Les manifestants de la « feuille blanche » toujours portés disparus
L’une des évolutions les plus inquiétantes reste la disparition prolongée de certains participants. Un jeune homme de Nankin, désigné sous le pseudonyme « Xiao Fang », a indiqué à Epoch Times que Li Kangmeng, étudiant au Nanjing Communication College qui avait brandi une feuille blanche pendant les manifestations, est porté disparu depuis des années.
« Nous avons essayé de savoir où se trouve Li Kangmeng, nous sommes même allés au sein de l’établissement, mais nous n’avons toujours pas réussi à le retrouver », a‑t‑il confié.
Des manifestants brandissent une feuille blanche contre la censure lors d’une marche contre les strictes mesures « zéro Covid » à Pékin, le 27 novembre 2022. (Kevin Frayer/Getty Images)
Un article publié le mois dernier par The Diplomatsignalait que le traitement des dossiers liés aux manifestations de la « feuille blanche » se poursuit dans tout le pays, en citant des chiffres selon lesquels plus de 100 participants ont été arrêtés depuis la fin de 2022. Certains ont été inculpés ou condamnés au cours de l’année écoulée, souvent sans que leurs proches ne soient informés des audiences ni des jugements.
Les avocats des droits humains sous pression croissante
Les inquiétudes internationales portent aussi de plus en plus sur le sort des avocats chinois spécialisés dans les droits humains. Human Rights Watch a documenté la disparition prolongée du célèbre avocat Gao Zhisheng, introuvable depuis plus de huit ans, sans aucune information publique quant à sa localisation ou à son état de santé. Un autre avocat, Xia Lin, est quasiment coupé du monde extérieur depuis sa condamnation à douze ans de prison en 2016 pour avoir défendu des dossiers jugés politiquement sensibles.
Dans le même temps, le célèbre avocat Yu Wensheng purge une peine de trois ans pour « incitation à la subversion ». Il a été autorisé à rencontrer brièvement son épouse Xu Yan et leur fils plus tôt cette année, leur première visite familiale en deux ans.
Dans une déclaration conjointe publiée en juillet, Amnesty International et Human Rights Watch ont affirmé que, depuis la vaste campagne de répression contre les avocats en 2015 – connue sous le nom de « répression 709 » – les avocats de la défense des droits humains continuent de faire face à des détentions, des disparitions, du harcèlement et à des procédures d’agrément instrumentalisées à des fins politiques. Plusieurs avocats et leurs familles affirment que les conditions se sont encore durcies cette année, certaines firmes s’étant vu enjoindre de renforcer la tutelle du PCC et de réduire leur implication dans les affaires d’intérêt public.
Un avocat du Shandong, familier des renouvellements annuels de licence, a expliqué à Epoch Times que nombre de confrères ne sont plus disposés à accepter des dossiers politiquement sensibles.
« Les avocats de Shanghai se voient interdire depuis longtemps de traiter des affaires sensibles sans autorisation préalable », a‑t‑il indiqué. « À Pékin, dans le Shandong et le Henan, le renouvellement annuel du permis d’exercer est également utilisé comme moyen de pression. »
Des militants chinois manifestent devant le consulat de Chine à San Francisco pour le 61e anniversaire de l’avocat des droits humains porté disparu Gao Zhisheng. (Crystal Lu/Epoch Times)
Les groupes religieux visés par des descentes, arrestations et procès secrets
Les communautés religieuses – notamment les groupes chrétiens non enregistrés et les pratiquants de Falun Gong – ont elles aussi subi une pression accrue au cours de l’année écoulée.
Le 14 octobre, Human Rights Watch a rapporté que les autorités avaient lancé début octobre des descentes coordonnées contre l’Église Zion, un important réseau de « maisons d’église » opérant dans la clandestinité à Pékin, Shanghai, au Zhejiang et dans au moins quatre autres villes. Près de 30 pasteurs, évangélistes et fidèles ont été arrêtés. Reuters a de son côté indiqué qu’au moins 18 responsables de cette Église ont été officiellement inculpés et encourent jusqu’à trois ans de prison.
Un pasteur d’une église de maison à Anyang, en Chine, a expliqué à Epoch Times que ses fidèles avaient été interrogés à plusieurs reprises cette année et qu’on leur avait demandé de limiter leur fréquentation et de demander l’autorisation pour leurs activités religieuses.
« Seuls les membres de la famille peuvent participer aux réunions à domicile – les personnes extérieures ne sont pas admises », a‑t‑il rapporté. « Les agents de la Sécurité d’État nous ont ordonné de fréquenter les Églises officielles du Mouvement patriotique des Trois autonomies, nous disant que les rassemblements non enregistrés étaient illégaux. »
Sous l’égide du PCC, le régime a mis en place le Mouvement patriotique des Trois autonomies, qui regroupe les Églises protestantes au sein d’une structure placée sous la supervision directe du Parti. Les enseignements dispensés dans ces Églises officielles doivent recevoir l’aval des autorités.
Grace Jin Drexel, fille du pasteur fondateur Ezra Jin de l’Église Zion en Chine, s’exprime lors du China Forum organisé par la Victims of Communism Memorial Foundation à Washington, le 27 octobre 2025. (Madalina Kilroy/Epoch Times)
La Commission américaine sur la liberté religieuse internationale (USCIRF) a indiqué en mars que de nombreux pratiquants de FalunGong avaient été arrêtés ou condamnés en 2024 et 2025 pour avoir tenu des réunions ou distribué des supports d’information. Des proches ont expliqué à Epoch Times que ces arrestations se faisaient sans documents officiels, et qu’il était ensuite très difficile d’obtenir des précisions sur le sort des personnes détenues.
Une pétitionnaire de la province de Jilin, qui suit de près les dossiers Falun Gong, a confié à Epoch Times : « La police et les tribunaux traitent les affaires liées à Falun Gong dans le plus grand secret. Les audiences et les verdicts ont souvent lieu à huis clos. Nous n’avons même pas le droit de poser des questions. »
Falun Gong, également connu sous le nom de Falun Dafa, est une discipline spirituelle fondée sur les principes de vérité, compassion et tolérance. Introduite publiquement en Chine en 1992, la pratique s’est rapidement répandue par le bouche‑à‑oreille, jusqu’à rassembler, selon les estimations, entre 70 et 100 millions d’adeptes en 1999.
Craignant que la popularité de Falun Gong ne menace son emprise, le PCC a lancé le 20 juillet 1999 une campagne brutale visant à éradiquer la pratique. Depuis, un nombre incalculable de pratiquants ont subi détentions arbitraires, travaux forcés, torture et même la mort par prélèvement forcé d’organes.
La censure du discours en ligne se durcit
Human Rights Watch et les rapports du département d’État américain sur les droits humains font état d’un renforcement continu des restrictions à la liberté d’expression sous le PCC. D’innombrables internautes chinois ont été arrêtés en 2024 et 2025 pour des publications portant sur des sujets d’intérêt public, selon le site China Digital Times, des familles racontant que la police ordonne fréquemment aux personnes interpellées de supprimer ensuite leurs comptes.
Un utilisateur ne s’identifiant que par son nom de famille, M. Lyu, a rapporté à Epoch Times que ses comptes WeChat et Weibo avaient été fermés à de multiples reprises. Ces plateformes chinoises, étroitement surveillées par la censure, jouent un rôle central dans la vie sociale en ligne. « Ils ont bloqué sept ou huit de mes comptes », explique‑t‑il. « À la fin, ils se sont mis à me bloquer même lorsque je ne publiais rien. La semaine dernière, ils en ont fermé un de plus. Ils ont dû repérer le modèle de mon téléphone et mon adresse IP. »
Un resserrement qui se poursuit
Li Li, spécialiste du système juridique chinois, a déclaré à Epoch Times que l’année 2025 s’était traduite par un nouveau tour de vis en matière de droits humains, les procédures judiciaires opaques devenant un point de tension central.
« Les incidents publics sont de plus en plus absorbés par le système judiciaire », observe‑t‑il. « Il faudra suivre de près l’évolution, au cours de l’année qui vient, de l’espace laissé à l’expression publique et du fonctionnement du système juridique. »
Xin Ling a contribué à la rédaction cet article.
Michael Zhuang est un collaborateur d'Epoch Times, spécialisé dans les sujets se rapportant à la Chine.