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Passoires énergétiques : l’État modifie le DPE et reclasse 850.000 logements chauffés à l’électricité

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L'indice de diagnostic de performance énergétique (DPE).

Photo: Shutterstock

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Durée de lecture: 6 Min.

Après deux changements en 2021 et 2024, le diagnostic de performance énergétique (DPE), principal outil de la rénovation énergétique des bâtiments, va à nouveau être modifié pour devenir plus favorable aux chauffages électriques, a annoncé le Premier ministre mercredi.
Cette réforme devrait faire sortir de la catégorie de passoire énergétique 850.000 habitations, sur les 5,8 millions de logements classés F ou G au DPE, selon le gouvernement qui base son évaluation sur la plateforme de données de l’Agence de l’environnement (Ademe).
« Corriger une inégalité de traitement pénalisant jusqu’ici les logements chauffés à l’électricité »
Matignon affirme dans un communiqué que cette « évolution permettra de mieux refléter la réalité du mix énergétique français, largement décarboné grâce au nucléaire, et de corriger une inégalité de traitement pénalisant jusqu’ici les logements chauffés à l’électricité ».
Teoman Bakoglu, délégué général adjoint de la Fédération des industries électriques (FIEEC), a souligné qu’il ne s’agissait pas d’un nouvel avantage, mais de « la suppression partielle d’un handicap imposé à tort ».
Dans le détail, c’est le coefficient de conversion de l’électricité, qui sert à calculer l’énergie réellement consommée, qui va changer, pour passer de 2,3 actuellement à 1,9. Le gaz naturel bénéficie d’un coefficient de 1, plus avantageux que l’électricité.
« Cette décision permettra par ailleurs de cibler plus efficacement les aides à la rénovation énergétique sur les logements chauffés aux énergies fossiles », avance Matignon, alors que le gouvernement avait dit en juin vouloir changer les règles d’attribution de ces aides MaPrimeRénov’ et les recentrer sur les logements les plus énergivores.
Nicolas Goldberg, expert en énergie chez Colombus Consulting, explique que « cette modification évite à certains logements de moins de 40 m² d’être classés comme des passoires thermiques parce qu’ils sont à l’électricité, alors qu’ils ne l’auraient pas été s’ils avaient été chauffés au gaz ».
Par conséquent, 14% des logements à étiquette F ou G « ne seront plus des passoires, sans même faire des travaux, c’est magnifique », a ironisé auprès de l’AFP David Rodrigues, responsable juridique de l’association CLCV (Consommation, logement et cadre de vie).
« Une énième réforme mal pensée, mal préparée, et totalement arbitraire »
Ruben Arnold, dirigeant de KRNO, start-up d’analyse de la fiabilité des DPE, dénonce lui « une énième réforme mal pensée, mal préparée, et totalement arbitraire », qui « affaiblit de manière perverse le dispositif ». KRNO estime par ailleurs que le nombre de 850.000 passoires énergétiques en moins est largement surévalué.
Dans une lettre ouverte, une coalition de 16 organisations, dont des associations écologistes et de protection des consommateurs, demande au Premier ministre de renoncer à cette réforme dont les « premiers perdants » seraient « bien entendu les locataires, souvent précaires, de passoires et bouilloires thermiques ».
La nouvelle est en revanche saluée par Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), qui aurait cependant voulu voir coefficient descendre jusqu’à 1,5.
Mathieu Darnaud, président des sénateurs Les Républicains, juge lui la réforme « largement insuffisante » et demande « une équité entre les Français qui utilisent l’électricité et les autres, qui se chauffent au gaz » par exemple.
Pour David Rodrigues, ce changement de calcul du DPE « n’est ni plus ni moins qu’un positionnement politique pour favoriser l’électricité et le nucléaire, et un cadeau fait aux bailleurs et aux professionnels qui demandaient depuis des années un allègement des contraintes ».
La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher s’est félicitée de cette décision, qu’elle qualifie de « signal fort en faveur de l’électrification des logements ».

La ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques Agnès Pannier-Runacher. (LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images)

Néanmoins, au delà du seul calcul du DPE, le rapport de la Cour des comptes publié le 3 juin dressait pourtant un constat alarmant et pointait des diagnostiqueurs mal formés, des logiciels mal maîtrisés et des règles mal appliquées, rapportait Epoch Times.
La Cour de comptes reprochait, sans le nommer, au gouvernement Castex d’avoir réformé le DPE en 2021, lui donnant un poids considérable sans prendre la mesure des conséquences en chaîne de telles décisions.
La crainte d’un blocage du marché immobilier
La modification du DPE devrait être effective au 1er janvier 2026.
Une attente incompréhensible pour Loïc Cantin, qui craint que cela bloque le marché immobilier pour le reste de l’année. « On ne va pas vendre maintenant un appartement F ou louer un appartement G alors qu’il pourrait changer d’étiquette au 1er janvier 2026 », a-t-il expliqué.
L’actualisation d’un DPE existant sera possible gratuitement via la plateforme de l’Ademe, sans faire appel à nouveau à un diagnostiqueur et il n’y aura pas de réévaluation négative des DPE existants, a précisé à l’AFP le ministère chargé du Logement.
La bascule pourra permettre de gagner au maximum un cran sur l’échelle de notes, qui va de A (la meilleure) à G (la plus médiocre).
Les logements classés F ou G se vendent en moyenne 15% moins cher que les logements classés D, selon une étude de la plateforme SeLoger.