Ménopause, toux chronique… de nouveaux médicaments « à éviter », selon la revue Prescrire
Un médicament contre la toux, un autre contre les bouffées de chaleur de la ménopause… Comme chaque année, la revue médicale indépendante Prescrire épingle des traitements jugés plus dangereux qu’efficaces et appelle à les éviter à tout prix.

Une femme dans une pharmacie à Caen.
Photo: AFP /Charly Triballeau
Chaque édition de ce palmarès critique ravive le débat entre exigence de rigueur scientifique et besoin de solutions pour des patients souvent en impasse thérapeutique. Chaque année, Prescrire, acteur singulier dans le paysage médical par l’indépendance qu’elle revendique vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique, dresse la liste de médicaments « à éviter ».
Ils sont plus d’une centaine, certains épinglés de longue date, à l’image de l’emblématique Smecta, présent dans de nombreuses armoires à pharmacie contre les diarrhées, mais jugé largement inefficace et potentiellement toxique en raison de la présence de plomb.
Une liste noire qui s’allonge
Cette année, quatre médicaments font leur entrée dans cette liste, couvrant un champ large, de la gynécologie à la pneumologie. « (Ils) exposent à des effets indésirables disproportionnés au regard d’une absence de démonstration d’efficacité clinique, d’une efficacité incertaine ou trop modeste par rapport à un placebo », résume la revue, qui assume une approche de précaution maximale.
L’un de ces traitements n’est pas disponible en France et a, de toute façon, peu de chances d’entrer dans le quotidien des patients. Il s’agit de l’andexanet alpha, développé par l’Américain Alexion, destiné à traiter en urgence à l’hôpital des hémorragies graves, mais lui-même soupçonné de pouvoir provoquer de lourdes complications cardiovasculaires.
Des traitements non remboursés et discutés
Les trois autres médicaments visés ont, eux, vocation à être pris régulièrement par certains patients, car ils s’adressent à des affections chroniques. Signe que leur intérêt n’avait déjà guère convaincu les autorités sanitaires, aucun n’est remboursé en France, ce qui limite d’emblée leur diffusion mais ne les soustrait pas au débat.
Interrogés par l’AFP, plusieurs spécialistes se montrent partagés sur les choix de Prescrire. Certains saluent l’indépendance de la revue, tout en jugeant parfois excessive l’exclusion de médicaments susceptibles d’apporter un soulagement à des affections pénibles pour lesquelles les alternatives restent rares.
Ménopause : un espoir contrarié
Premier de ces médicaments : le fézolinétant, commercialisé sous le nom de Veoza par le laboratoire néerlandais Astellas.
Ce traitement vise à réduire les bouffées de chaleur des femmes ménopausées et se distingue de la plupart des solutions existantes en n’agissant pas par voie hormonale.
Mais, selon Prescrire, il peut provoquer chez certaines patientes de graves hépatites. Un risque qui, aux yeux de la revue, ne justifie pas l’utilisation de ce médicament, tout juste arrivé dans l’arsenal des gynécologues et accueilli avec empressement par une partie de la profession.
« Comme toujours quand il y a un nouveau médicament, il y a eu beaucoup d’enthousiasme » chez les spécialistes, rapporte à l’AFP la gynécologue Anne Gompel, experte des traitements de la ménopause, appelant à modérer cet élan. Si elle admet « une inconnue majeure sur la toxicité » en raison du manque de recul, elle refuse toutefois de « jeter le bébé avec l’eau du bain » et estime que ce médicament peut être envisagé en dernier recours pour des femmes dont les bouffées de chaleur sont intolérables et chez qui les traitements hormonaux sont contre-indiqués, notamment après un cancer du sein.
Toux chronique : entre handicap et effets indésirables
Autre médicament récemment arrivé sur le marché et autre faux espoir, selon Prescrire : le géfapixant (Lyfnua), commercialisé par l’Américain Merck (MSD), destiné aux patients atteints de toux chronique réfractaire. La revue lui reproche de provoquer fréquemment des troubles du goût et évoque en outre des craintes concernant un risque accru de pneumonie.
Mais cette forme de toux chronique « n’a pas d’autre traitement et est extrêmement handicapante », rappelle à l’AFP le pneumologue Laurent Guilleminault, spécialiste de la toux au CHU de Toulouse. « Je ne pense pas que l’on puisse dire au patient ‘On ne vous les prescrits pas parce que vous aurez des troubles du goût’ », juge-t-il, tout en estimant « pas convaincantes » les études pointant un risque plus grave de pneumonie.
Arthrose : une efficacité en question
Dernier traitement ajouté à la liste, la chondroïtine – notamment vendue sous le nom Chondrosulf par le Suisse Ibsa – cible une pathologie douloureuse et très répandue : l’arthrose. Prescrire souligne que son efficacité n’a jamais été véritablement démontrée, alors qu’elle peut, dans de rares cas, provoquer de sévères réactions allergiques.
Ce traitement reste « moins dangereux qu’un opioïde ou même que du paracétamol », nuance auprès de l’AFP Francis Berenbaum, rhumatologue à l’hôpital parisien Saint-Antoine (AP-HP). Mais « s’il n’y a pas de bénéfice, le moindre risque grave est un risque de trop », reconnaît-il, rappelant plus largement que la prise en charge de l’arthrose doit d’abord passer par l’activité physique, avant les médicaments.

Articles actuels de l’auteur








