Outre-mer
Outre-mer : le Sénat examine le projet de loi contre la « vie chère » déjà décrié
Le Sénat examine mardi un projet de loi destiné à combattre la vie chère dans les territoires ultramarins, une priorité affichée par Sébastien Lecornu. Pourtant, l'adoption de ce texte s'accompagne d'un scepticisme palpable : les sénateurs redoutent qu'il ne provoque la "déception" des populations concernées.

Sébastien Lecornu, prononce un discours politique général devant les membres du Sénat, à Paris, le 15 octobre 2025.
Photo: MAGALI COHEN/Hans Lucas/AFP via Getty Images
La nouvelle ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, a ouvert les débats en promettant de devenir la « ministre de la lutte contre les abus et les ententes qui pèsent sur le portefeuille de nos compatriotes ultramarins ». Ce texte répond directement aux mobilisations qui ont agité la Martinique durant l’automne 2024.
Des écarts de prix vertigineux
Les données de l’Insee révèlent une réalité accablante : les produits alimentaires peuvent coûter jusqu’à 42% plus cher en Outre-mer qu’en métropole, la Guadeloupe et la Martinique étant les plus touchées. En Guadeloupe, les prix alimentaires ont explosé de 35% en une décennie.
« Il en résulte un déséquilibre économique durable, une fracture d’égalité entre les citoyens d’un même pays », « une injustice vécue quotidiennement », a martelé la ministre.
Le vote devrait intervenir dans la nuit de mardi à mercredi, ou mercredi soir au plus tard, avant que le texte ne rejoigne l’Assemblée nationale.
Un consensus… pour critiquer le manque d’ambition
Si les quinze mesures gouvernementales recueillent un large soutien, l’unanimité règne aussi pour déplorer les insuffisances du projet. Micheline Jacques, sénatrice Les Républicains de Saint-Barthélemy et rapporteure du texte, n’y va pas par quatre chemins : elle qualifie ce projet « d’outil de communication » et met en garde contre les « faux espoirs » qui mèneront à « d’amères déceptions ».
Chez les socialistes, Victorin Lurel, sénateur de Guadeloupe et ex-ministre des Outre-mer, a déposé une cinquantaine d’amendements pour attaquer « structurellement » la concentration des entreprises et l’opacité du marché. Il déplore auprès de l’AFP une occasion ratée : « Ce pourrait être un grand texte s’il y avait une vraie volonté gouvernementale derrière. Mais malheureusement, Bercy a repris la main » dans un contexte budgétaire contraint.
La Fédération des entreprises des Outre-mer enfonce le clou en dénonçant « un manque d’ambition et une absence de prise en compte des enjeux structurels ».
Une mesure phare déjà sabordée
Révélateur des réticences sénatoriales, une disposition centrale du texte a déjà été supprimée en commission : l’exclusion des frais de transport du calcul du seuil de revente à perte (SRP). Cette limite empêche les distributeurs de vendre en dessous d’un certain prix.
Le gouvernement espérait qu’en abaissant ce seuil, les prix en rayon diminueraient, notamment pour les produits essentiels. Mais les sénateurs craignent l’effet inverse : renforcer les grands distributeurs au détriment de la concurrence. « C’est un leurre qui irait à rebours de la lutte contre les monopoles », insiste Micheline Jacques.
Le casse-tête de la « péréquation »
Autre pomme de discorde : un article autorisant le gouvernement à créer par ordonnance un système de « péréquation » pour réduire les « frais d’approche » des produits de première nécessité a également été supprimé. L’exécutif tentera de le réintroduire en séance publique avec un dispositif plus détaillé.
Des avancées malgré tout
Le texte n’est pas dépourvu de mesures concrètes. Il renforce le « bouclier qualité-prix » (BQP), qui encadre le prix d’un panier de produits essentiels. Désormais, l’objectif ne sera plus seulement de modérer les prix, mais de réduire effectivement l’écart avec l’Hexagone.
Un volet transparence impose également aux entreprises de transmettre des données sur leurs marges et leurs comptes, avec des sanctions à la clé pour les récalcitrantes.
Avec l’AFP

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