« Notre belle Polynésie est gangrénée » : des milliers de personnes défilent contre le « fléau » de la méthamphétamine à Papeete

Une marche pour dire NON à l'ICE (méthamphétamine en Polynésie) et réclamer des mesures plus fermes contre la crise de la méthamphétamine à Papeete, en Polynésie française, le 6 septembre 2025.
Photo: SULIANE FAVENNEC/AFP via Getty Images
La Fédération citoyenne polynésienne de lutte contre les drogues dénonce l’inaction face à une épidémie de méthamphétamine qui ravage l’archipel depuis vingt ans.
La Fédération citoyenne polynésienne de lutte contre les drogues et la toxicomanie a organisé une manifestation rassemblant diverses associations et confessions religieuses, des anonymes et quelques élus.
Cette mobilisation vise à sensibiliser sur un problème ancien mais toujours d’actualité. « On souhaite que la population prenne conscience de l’ampleur de ce fléau et alerter les autorités. Le problème de l’ ‘ice’ (nom donné à la méthamphétamine en Polynésie, NDLR) a plus de 20 ans. À l’époque, on n’a rien fait et, aujourd’hui, on voit le résultat sur le terrain », explique Kathy Gaudot, présidente de la Fédération, contactée par l’AFP.
Une drogue aux effets dévastateurs
La méthamphétamine, très addictive, est réputée pour stimuler la concentration, retarder le sommeil ou renforcer les performances sexuelles, mais provoque des effets destructeurs sur le corps et la santé mentale.
Charles Renvoyé, membre actif de la Fédération et ancien consommateur, témoigne de l’ampleur du désastre social. Il dit être « appelé tous les jours » par des familles confrontées à l’addiction d’un proche. « Ce matin, je suis encore allé voir une personne qui a arrêté il y a trois semaines. Elle est en pleine descente et elle explose. On parle de ceux qui sont addicts, mais on oublie les familles qui souffrent (…) Notre belle Polynésie est gangrénée », déplore-t-il.
Des chiffres alarmants et des moyens réclamés
L’omniprésence de cette substance inspire à Kathy Gaudot une métaphore saisissante : « On dit même qu’il neige à Tahiti tellement il y en a ! » La présidente souhaite que les autorités, au niveau local comme national, mènent des « actions concrètes » pour endiguer le phénomène.
Ses revendications portent sur le renforcement des moyens « pour la surveillance maritime » et le « service des douanes », ainsi que sur des réponses médicales. « Un centre de désintoxication est une véritable priorité aujourd’hui. La situation est dramatique. Toutes les classes sociales sont concernées, même les personnes bien insérées », précise-t-elle.
La responsable avance des chiffres vertigineux : la Polynésie compterait quelque « 30.000 consommateurs » pour une population d’environ 280.000 habitants. « De ce que l’on voit sur le terrain, on est même au-delà », estime-t-elle.
Une réalité judiciaire
Ces estimations restent difficiles à vérifier officiellement. La procureure de la République à Papeete, Solène Belaouar, a déclaré ne disposer « d’aucun indicateur » permettant de confirmer ce chiffre. Elle reconnaît néanmoins que « la consommation d’ice figure en toile de fond de nombre d’affaires pénales ».
Les saisies témoignent de l’ampleur du trafic : 265 kilos de méthamphétamine ont été interceptés sur le territoire depuis le début de l’année, indique la magistrate. La prise la plus importante, 181 kilos, a été effectuée à bord d’un voilier dans l’archipel des îles Marquises en juillet. Cette drogue n’était cependant pas destinée au marché polynésien.
La drogue importée des États-Unis et du Mexique
L’approvisionnement de la Polynésie française s’effectue principalement par importations illégales, souvent depuis les États-Unis et le Mexique. Le trafic s’est intensifié depuis les années 2000, orchestré par des réseaux locaux connectés à des filières internationales opérant un trafic maritime à travers le Pacifique.
Articles actuels de l’auteur









