« Non, je ne vous serre pas la main » : échange tendu entre une avocate et Gérald Darmanin, venu pour présenter sa réforme pénale

Photo: THOMAS SAMSON/AFP via Getty Images
En déplacement à Nanterre ce mardi 29 juillet pour présenter son projet de réforme de la justice pénale, Gérald Darmanin a été publiquement défié par une avocate.
« Non, je ne vous serre pas la main », lance l’avocate au ministre de la Justice venu présenter sa réforme. « Par contre, j’ai des questions à vous poser », a-t-elle poursuivi.
La scène s’est déroulée après la présentation de sa réforme, devant un parterre d’avocats et de journalistes.
« Ça s’appelle la démocratie », a réagi M. Darmanin, avant d’interpeller l’avocate sur son attitude qui ternit l’ensemble de sa profession. « Maître, avec tout le respect que je vous dois, quand on ne sert pas la main des gens, ça commence dans l’irrespect et c’est dommage pour votre profession ».
Après cette rencontre tendue, le garde des Sceaux est parti, sans répondre aux questions.
« Les juges ne sont pas laxistes, mais le système l’est devenu », a déclaré M. Darmanin lors d’une conférence de presse lundi. « Il n’y a jamais eu autant de peines de prison » et pourtant « une peine sur deux n’est jamais effectuée parce qu’elle est aménagée directement après le prononcé du tribunal ».
Dans ce projet, le garde des Sceaux, qui avait annoncé qu’il voulait supprimer le sursis pour le remplacer par une peine de probation, propose finalement de « réserver le sursis simple aux seules personnes au casier judiciaire vierge », autrement dit aux primo-délinquants. « Un sursis, un seul. Au bout du deuxième, il ne peut plus y avoir de sursis », a-t-il annoncé.
Les personnes ayant déjà une inscription au casier judiciaire ne pourront plus en bénéficier et seront condamnées à une peine. « Vous pouvez être condamné à un bracelet électronique, c’est pas forcément de la prison ferme », a précisé M. Darmanin.
Le sursis ne sera plus possible au-delà de deux ans d’emprisonnement.
« On fabrique de la surpopulation carcérale »
Le ministre souhaite par ailleurs revenir sur le principe d’aménagement obligatoire des peines d’emprisonnement. Depuis la réforme dite Belloubet de 2020, une peine de prison ferme est aménageable jusqu’à un an. « Les aménagements de peine obligatoires ont poussé les magistrats à augmenter le quantum des peines » pour s’assurer qu’elles soient bien exécutées, a déclaré M. Darmanin. « On fabrique de la surpopulation carcérale », a-t-il estimé.
Selon le projet de loi, le juge qui prononcera la peine aura la liberté d’aménager jusqu’à deux années d’emprisonnement prononcés. En revanche, le juge d’application des peines ne pourra ensuite modifier la peine prononcée par la juridiction.
Gérald Darmanin prévoit également de rétablir les peines de moins d’un mois d’emprisonnement ferme, qui avaient été supprimées par l’ex-ministre Nicole Belloubet, et d’assurer l’incarcération en cas de non-paiement des peines de jours-amende. « Je pense qu’il est très important de mettre en place les “jours-amende” » qui existent « comme en Allemagne » mais qui sont trop « peu utilisés », fait-il remarquer.
À la condition que la victime soit d’accord
Deux derniers articles concernent la justice criminelle : l’un prévoit l’extension de la procédure de plaider-coupable, aujourd’hui possible pour certaines délits, aux crimes, à la condition que la victime soit d’accord.
L’autre propose d’étendre la compétence des cours criminelles départementales (CCD) aux faits jugés en appel et aux cas de récidive, dévolus actuellement aux cours d’assises. Le garde des Sceaux souhaite également multiplier le nombre de CCD, aujourd’hui limitées à une par département.
Généralisées en 2023, les CCD devaient permettre de désengorger les cours d’assises en confiant à des magistrats professionnels, et non plus des jurés, le jugement en première instance de crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion, majoritairement des viols. Mais elles sont critiquées pour avoir eu l’effet inverse.
« La philosophie de cette réforme est d’aller plus loin dans le tout-carcéral », a commenté auprès de l’AFP Justine Probst, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche), sceptique sur la capacité de cette réforme à enrayer la surpopulation carcérale. « On constate la disparition d’un certain nombre de mécanismes qui permettaient l’individualisation de la peine », a-t-elle aussi déploré.

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