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Morbihan : des assistantes maternelles rendent les couches sales aux parents

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À Baud (Morbihan), depuis l'adoption d'un système de badges limitant la quantité de déchets déposés selon le prix payé, les dépôts sauvages sont plus fréquents.

Photo: crédit photo Facebook/Tu es de Baud si ...

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Durée de lecture: 9 Min.

Depuis janvier 2023, à Baud dans le Morbihan, un système de badges magnétiques permet de déposer ses poubelles en payant selon le forfait choisi. Bien des habitants de cette petite commune rurale bretonne se plaignent de cette tarification incitative. Cette mesure polémique a-t-elle vraiment atteint son objectif de réduction des déchets ?
Dans la page Facebook Tu es de Baud si… , les commentaires sur la gestion des poubelles par Baud communauté sont cinglants. Ils reflètent bien les discussions qui ont lieu dans les environs, confirme Anne, une habitante de cette commune de 6000 habitants, en entrevue à Epoch Times.
« Les gens sont furieux », explique cette assistante maternelle de Baud, sous le couvert de l’anonymat – son prénom a été changé de peur de représailles de la part de la mairie. « Les poubelles, c’est très polémique sur la commune. »
Elle nous explique le fonctionnement du système mis en place en janvier 2023. « On a le droit de passer nos poubelles selon le forfait qu’on a choisi. Cela peut être une fois par semaine, une fois tous les quinze jours ou une fois toutes les trois semaines. Et évidemment, plus tu passes de poubelles, plus c’est cher », explique-t-elle.
Concrètement, chaque citoyen de la communauté de communes qui regroupe six communes, pour un total de 16.000 habitants, doit choisir un forfait pour ses poubelles. Le coût allait, en 2024, de 155,14 euros à 879,04 euros par année pour les particuliers.
Le forfait le moins cher permet un total annuel de 17 dépôts d’ordures ménagères et trois passages en déchetteries. En cas de dépassement de forfait, les tarifs sont de 3,85 euros par dépôt supplémentaire d’ordures ménagères et 17,50 euros par passage à la déchetterie.
Les résidents se voient remettre un badge magnétique qui permet d’ouvrir un point de collecte et comptabilise le nombre de passages.
« Dans un passage, je ne peux mettre que trois sacs poubelles maximum, et des petits sacs poubelle, pas des gros. Sinon, je suis obligée de repasser une deuxième fois, donc cela compte pour deux passages », remarque Anne.
Réduction des déchets, vraiment ?
Selon La Gazette du Centre Morbihan, la mesure a eu de bons résultats en matière de réduction des déchets depuis son implantation, avec une réduction de 60% de la production d’ordures ménagères entre 2017 et 2023.  La communauté de communes serait même celle qui afficherait le tonnage le plus bas au niveau national, d’après l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).
Il y aurait de quoi féliciter l’initiative du nouveau système de collectes d’ordure si ces déchets non comptabilisés n’étaient pas redirigés ailleurs.
Tout d’abord, bien des habitants de Baud ont pris l’habitude de déposer leurs poubelles à Pontivy lorsqu’ils vont y faire leurs courses. Cette ville située à 25 km de là dispose encore de bennes ouvertes.
Anne ne croit donc pas à la réduction de la production des déchets à Baud Communauté. « C’est juste que les déchets sont déplacés, c’est tout. »
Un internaute confirme : « Arrêtons de se voiler la face. Les ordures sont déposées dans d’autres communes. »
De plus, les déchets sauvages se multiplient dans la communauté de communes de Baud, comme en attestent les publications de différents résidents sur les réseaux sociaux, photos à l’appui. L’on y voit des sacs poubelles au pied des points de collectes des déchets ou des matières recyclables.
Selon Anne, les points de collecte ne sont pas relevés assez souvent. « Parfois, on est obligé de faire plusieurs points de collecte pour en trouver un où on peut mettre ses poubelles », explique-t-elle.
Elle n’est pas la seule à dénoncer cette réalité. Une utilisatrice de Facebook témoigne : « Le problème est souvent que les containers ne sont pas vidés régulièrement. L’autre jour, j’ai du faire trois emplacements pour déposer mes sacs, et en plus je me déplace à pied. » Un autre internaute ajoute : « Il y a 15 jours, j’ai du faire tout le tour de Baud avant de trouver une poubelle qui ne débordait pas. »
Des erreurs de tri volontaires
Les erreurs de tri sont par ailleurs de plus en plus fréquentes et coûtent cher à la collectivité. En effet, des sacs d’ordures ménagères se retrouvent dans les points de collecte des matières recyclables telles que le papier ou le verre, dont l’accès est ouvert à tous et gratuit.
« Les erreurs de tri engendrent un surcoût annuel de 100.000 euros », explique Charles Boulouard, vice-président chargé des déchets à Baud Communauté. « C’est d’autant plus dommageable que nous savons que ces erreurs sont volontaires.»
Le surcoût entraîné par ces « erreurs » est répercuté sur l’ensemble des résidents de la communauté de commune. Les tarifs des forfaits augmentent donc régulièrement. Fin 2024, les élus de Baud Communauté ont voté une nouvelle augmentation de plus de 5% pour le dépôt des ordures ménagères.
Le premier forfait augmente ainsi de 8 euros, le second de 13 euros et le troisième de 20 euros.
Rendre les couches sales aux parents…
De son côté, Anne s’est retrouvée dans une situation ubuesque à cause de cette nouvelle taxe poubelles.
En tant qu’assistante maternelle qui s’occupe de quatre jeunes enfants, elle a dû se concerter avec les parents pour leur proposer deux choix avant que ce système ne soit mis en place.
« Soit je gardais leurs poubelles de couches. Mais à ce moment là, j’étais obligée de leur faire payer un supplément jusqu’au bout, même si l’enfant était propre. Sinon je leur rendais les poubelles tous les soirs », explique-t-elle.
C’est cette deuxième solution que les parents ont choisie.
Depuis, une nouvelle routine s’est installée chez l’assistante maternelle. En fin de journée, elle ferme les sacs à couches de chacun des enfants et les place dans le sac à langer correspondant. « Il ne faut pas que je me trompe. Ils ont chacun leur petit sac », ironise Anne.
Cela donne parfois lieu à des anecdotes cocasses. « Le jour de la fête des pères, il y avait le petit sac avec le caca dedans, et puis dessus, j’ai mis la petite carte de la fête des pères et j’ai fermé le sac à langer », raconte-t-elle.
Les sacs à langer attendent ensuite l’arrivée des parents dans le couloir. Tout cela est évidemment accompagné d’odeurs « assez désagréables ».
« C’est très gênant quand je reçois un parent qui recherche une assistante maternelle. Je fais visiter et je suis obligée d’expliquer à l’avance que je dois rendre les couches tous les soirs. C’est un peu délicat », reconnaît la professionnelle.
Selon Anne, certaines assistantes maternelles de Baud communauté font comme elle, d’autres font payer davantage les parents alors qu’un certain nombre d’entre elles prennent ces frais à leur compte.