Zhang Yadi
Militante chinoise pour le Tibet : le dangereux retour de Zhang Yadi dans son pays
Zhang Yadi, 22 ans, étudiante chinoise installée en France depuis 2022, est détenue en isolement depuis plus de trois mois. Son histoire révèle les dangers auxquels s'exposent les Chinois de l'étranger qui osent critiquer leur gouvernement.

Une militante tibétaine lors d'une manifestation devant l'ambassade de Chine à New Delhi le 11 mars 2024.
Photo: -/AFP via Getty Images
La jeune femme avait décidé cet été de retourner voir ses parents à Changsha, dans l’est de la Chine, malgré les avertissements de ses proches. Ce qui devait être des retrouvailles familiales s’est transformé en cauchemar.
Trois mois d’isolement total
Le 31 juillet, dans la province du Yunnan, Zhang Yadi cesse brutalement de répondre aux appels. Un message vocal inquiétant parvient à une amie : d’une voix affaiblie, elle mentionne être à l’hôpital. Puis plus rien.
Ses proches apprennent finalement son arrestation et son transfert dans un centre de détention à Changsha. Elle fait face à une accusation d' »incitation à la division du pays », un crime pouvant entraîner cinq ans de prison, voire davantage selon les circonstances.
Depuis son incarcération, elle n’a eu aucun contact avec l’extérieur, hormis avec ses gardiens et interrogateurs, selon une source proche vivant à l’étranger.
« Je suis perdu » : l’angoisse de son compagnon
« C’est terrible, je ne sais pas à qui demander de l’aide pour aider ma femme, j’aimerais juste savoir si elle va bien », confie Yak, son compagnon lié à elle par un Pacs. Ancien réfugié politique tibétain naturalisé français, il réside désormais en Allemagne et a lancé un appel aux autorités françaises pour obtenir sa libération.
Une voix anonyme pour une cause censurée
Arrivée en France en 2022 pour étudier à l’ESCP, Zhang Yadi a commencé à écrire anonymement pour le blog « la Jeunesse chinoise debout pour le Tibet » tout en apprenant le tibétain. Le site, bloqué en Chine, aborde des sujets sensibles comme l’immolation du chanteur tibétain Tsewang Norbu en 2022 ou l’impact des grands projets sur le patrimoine tibétain.
« Je ressens une forte empathie pour eux, car ils sont invisibilisés et ignorés par la société dominante », expliquait-elle cette année dans un podcast, la voix déformée pour préserver son anonymat.
Paradoxe frappant : Zhang Yadi n’est pas tibétaine, mais Han, l’ethnie majoritaire en Chine.
Le Tibet : une région sous contrôle draconien
Annexé par la Chine en 1950-51, le Tibet subit un contrôle strict. Les défenseurs des droits humains dénoncent une répression croissante et une volonté d’effacement de l’identité tibétaine.
Human Rights Watch affirme que toute personne au Tibet contestant les politiques gouvernementales « risque de disparaître, d’être emprisonnée et torturée ».
Pékin rejette ces accusations, invoquant la lutte contre le séparatisme et mettant en avant les investissements économiques dans la région.
« Elle n’avait rien dit de radical »
« Moi j’ai déjà dit ouvertement qu’il fallait rendre le Tibet aux Tibétains, mais elle jamais », souligne Ginger, créatrice du blog suivi par quelques milliers de personnes. En exil aux États-Unis, elle décrit Zhang Yadi comme une « petite jeune curieuse qui voulait profiter de sa jeunesse et de la liberté d’expression qu’elle n’avait pas en Chine ».
Selon une amie parisienne, Zhang Yadi ne participait pas activement aux milieux militants.
« On lui avait déconseillé de rentrer. Je crois qu’elle avait fini par prendre conscience du danger, mais peut-être qu’il y avait la pression familiale ou d’autres raisons », explique Ginger.
Des appels diplomatiques restés sans réponse
Les autorités françaises ont fait part de leurs inquiétudes à Pékin et promettent de continuer. L’Allemagne suit également le dossier aux côtés d’autres ambassades.
Le ministère chinois des Affaires étrangères affirme ne « pas être au courant » de cette affaire.
La raison exacte de l’arrestation de Zhang Yadi demeure inconnue, une opacité typique de ces situations. Dans certains cas, le silence peut durer des années après une arrestation.
Avec AFP

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