Sébastien Lecornu lâche du lest sur le déficit public et inquiète la Banque centrale européenne

La présidente de la Banque centrale européenne (BCE) Christine Lagarde (à dr.), à côté de la présidente de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen Aurore Lalucq au Parlement européen à Strasbourg, le 6 octobre 2025.
Photo: ROMEO BOETZLE/AFP via Getty Images
Sébastien Lecornu a lâché du lest. Le ministre évoque désormais un déficit public « en dessous de 5% » du PIB pour 2026, contre 4,7% annoncés il y a seulement deux semaines. Cette révision à la hausse lui offre certes une marge de manœuvre pour négocier avec les oppositions, mais éloigne dangereusement la France de l’objectif des 3% imposé par l’Union européenne.
Depuis sa démission surprise lundi, Sébastien Lecornu a reçu mission d’Emmanuel Macron de mener des « ultimes négociations » pour arracher un accord budgétaire.
Les retraites, monnaie d’échange avec les socialistes
Parmi les concessions envisagées pour convaincre le Parti socialiste : suspendre la réforme des retraites de 2023, une idée défendue notamment par Élisabeth Borne.
Le coût de cette suspension ? « Des centaines de millions en 2026 et des milliards en 2027 », selon le ministre de l’Économie démissionnaire Roland Lescure. Stéphanie Villers, économiste chez PwC, chiffre la facture entre 1 et 2 milliards d’euros.
Mais cette mesure seule ne suffit pas à expliquer le passage de 4,7% à 5% de déficit. « Il s’agit plutôt d’une dizaine de milliards d’euros de dépenses supplémentaires », précise l’experte. À titre de comparaison, chaque dixième de point de déficit représente près de 3 milliards d’euros.
Un budget de « concorde » jusqu’à 2027
« Il y aura d’autres mesures », confirme Stéphanie Villers. Charlotte de Montpellier, économiste chez ING, évoque une possible « moindre hausse des impôts pour séduire le camp Les Républicains ».
La stratégie gouvernementale se dessine : voter un « budget de concorde » avec des réductions de dépenses minimales d’ici l’élection présidentielle de 2027. L’objectif ? Calmer les entreprises qui « ont totalement mis à l’arrêt leurs investissements » et « donner une bouffée d’oxygène aux ménages pour qu’ils se remettent à consommer ».
L’objectif des 3% s’envole
Cette trajectoire compromise le retour aux 3% de déficit, seuil exigé par Bruxelles que Lecornu promettait d’atteindre en 2029.
« Rationnellement, j’ai du mal à penser qu’on va réussir à atteindre les 3% », confie Charlotte de Montpellier. « On comprend bien que l’échéance est repoussée », confirme Stéphanie Villers.
Le problème ? Chaque dixième de point supplémentaire oblige la France à emprunter davantage sur les marchés. Un effet boule de neige qui pourrait s’amplifier si les créanciers « se rendent compte que la promesse des 3% ne sera pas tenue » et exigent des taux d’intérêt plus élevés.
Des économies de 60 à 70 milliards en 2029 ?
Pour respecter l’objectif de 3% tout en repoussant les efforts majeurs jusqu’en 2027, il faudrait réaliser des économies massives les années suivantes : « 60 à 70 milliards » d’euros en 2029 selon Stéphanie Villers. Presque le double de ce qu’envisageait François Bayrou pour 2026.
« Bruxelles risque d’être mécontent »
L’Union européenne avait validé début 2025 le plan budgétaire présenté par le gouvernement Bayrou. Mais « si l’on ne suit plus la trajectoire, Bruxelles risque d’être mécontent », avertit Charlotte de Montpellier.
Contrairement à la crise du Covid en 2020 ou à la flambée des prix de l’énergie, « la France est toute seule en Europe dans cette situation de ne pas réussir à faire les réformes nécessaires ».
« Est-ce que cela va se concrétiser par des menaces plus fortes ou par des amendes ? Difficile à dire à ce stade, mais je pense effectivement qu’on va avoir une période plus tendue », prévient l’économiste.
« Est-ce que cela va se concrétiser par des menaces plus fortes ou par des amendes ? Difficile à dire à ce stade, mais je pense effectivement qu’on va avoir une période plus tendue », prévient l’économiste.
Christine Lagarde, présidente de la BCE, a d’ailleurs déclaré mardi que toutes les instances européennes « regardent attentivement l’évolution actuelle » de la situation française.
La France fait déjà l’objet depuis l’été dernier d’une procédure pour déficit excessif de la part de la Commission européenne. Le suspense continue.
La France fait déjà l’objet depuis l’été dernier d’une procédure pour déficit excessif de la part de la Commission européenne. Le suspense continue.
Avec Afp

Articles actuels de l’auteur









