Le renouveau du religieux
Le renouveau du religieux en France : la jeunesse en première ligne
Une récente enquête Ifop commandée par "Écran de veille" a déclenché une vive polémique en France. Les chiffres sont frappants : parmi les jeunes musulmans de 18 à 25 ans interrogés, 87% se déclarent religieux et 67% prient quotidiennement. Mais ce phénomène dépasse largement les frontières de l'islam.

De jeunes Arlésiennes en costume traditionnel sourient devant la bannière de L'Étoile de l'Avenir d'Arles.
Photo: SOPHIE BELLARD-PICAVET/Hans Lucas/AFP via Getty Images
Le phénomène touche l’ensemble des confessions. Chez les protestants, le sociologue Sébastien Fath observe une transformation radicale : alors que les personnes âgées dominaient la pratique il y a trente ans, ce sont désormais les jeunes qui se montrent les plus fervents. Dans une enquête de la Fédération protestante, 71% des moins de 35 ans affirment que la foi est très importante pour eux.
L’Église catholique constate également ce renouveau : les baptêmes d’adolescents ont bondi de 33% l’an dernier. Le scoutisme et les pèlerinages attirent massivement. Parmi les participants aux Journées mondiales de la jeunesse, 38% disent même apprécier la messe en latin.
La religion comme acte de rébellion identitaire
Comment expliquer ce retour du religieux alors que la France compte 42,6% de non-croyants en 2020, contre 34,5% dix ans plus tôt ?
Pour Sébastien Fath, il s’agit d’une génération qui n’a plus honte de sa foi : « À l’heure des réseaux sociaux, pour exister aujourd’hui, il faut afficher son identité. » La religion devient une affirmation personnelle forte dans un monde virtuel.
Les crises économiques, écologiques et la quête de sens alimentent également cette introspection spirituelle, selon l’historien Charles Mercier.
Du converti au pratiquant : une religiosité de choix
Rupture majeure avec le passé : cette religiosité ne relève plus de la tradition familiale mais d’un engagement personnel. « On n’est plus du tout dans l’observance traditionnelle, mais dans une pratique de choix personnel, plus proche du modèle du converti », explique Sébastien Fath.
Cette logique explique le succès des églises évangéliques avec leur approche axée sur la conversion individuelle et leurs liturgies modernes centrées sur la musique.
Radicalité et libéralisme : un cocktail surprenant
Le politiste Haouès Seniguer identifie « une forme de radicalité spécifique à la jeunesse ». Chez les jeunes musulmans, l’intensification religieuse peut être liée à un sentiment de stigmatisation qui pousse à la surenchère.
Paradoxalement, cette rigueur s’accompagne d’une acceptation du cadre libéral : 73% des jeunes musulmans interrogés jugent acceptable le droit à l’apostasie. « Chacun doit être libre de pratiquer et de croire comme il veut, y compris de manière intense, à condition de ne pas empiéter sur la liberté d’autrui », résume Charles Mercier.
Attention aux raccourcis dangereux
Le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, met en garde contre les interprétations hâtives. Concernant les 46% de jeunes musulmans favorables à l’application de la charia, il rappelle qu’une autre enquête Ifop révèle que trois musulmans sur quatre ne placent aucun projet politique derrière ce terme, lui donnant plutôt un sens éthique ou spirituel.
Haouès Seniguer dénonce le raccourci « grossier et réducteur » consistant à voir dans l’observance stricte une porte d’entrée automatique vers l’islamisme.
Avec AFP

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